Emmenée par Matevos Isaakyan, la BR1 numéro 17 du team BR Engineering a décollé de la piste ce dimanche 6 mai 2018 lors des 6 Heures de Spa. Mais que s'est-il vraiment passé lors de cette première manche de la Super Saison du WEC ? Éléments de réponse dans cet article.

Un air de déjà vu...

 

 

Une situation qui n'est pas sans rappeler, bien évidement, les Mercedes CLR lors des 24 Heures du Mans 1999. A l'époque, le team débarque au Mans dans un contexte où les CLR ont très peu de chance de remporter la saison. Mercedes n'a qu'une idée en tête : gagner les 24 Heures en engageant deux voitures très affutées pour la boucle mancelle. Construites spécialement pour l'occasion, la monture allemande culmine à 1m01 seulement. Elle possède un design ultra lisse sur un bolide ultra léger. Le tout est propulsé par le V8 5.7 qui enferme allègrement 600 chevaux, de quoi la faire "grimper aux arbres".

C'est le début des configurations "low downforce" qui consiste à profiler les autos comme des lames de rasoir. Un principe de développement que les autorités organisatrices ne maitriseront pas en son temps. Et malgré ses efforts, la CLR arrive à peine au niveau de la GT One en terme de vitesse de pointe.

Mark Webber inaugure le mode quatre roues dans l'air lors des qualifications. L'auto s'envole dans la courbe d'Indianapolis. Mark Webber est Ok mais pas la voiture qui n'est plus en état, malgré son atterrissage sur les roues. Après l'acharnement des mécaniciens, la voiture sera opérationnelle pour le samedi.

Pas mieux au Warm-up samedi matin, Webber à bord, la CLR décolle à nouveau mais cette fois-ci sur la bosse de Mulsanne. Pour le coup la voiture ne prendra pas le départ l'après midi.

"Et ça continue encore et encore, C'est que le début d'accord, d'accord"

Pour la course, Mercedes décide de prendre trois grandes décisions. Prendre le départ, installer des flaps sur le nez des autos. Et la troisième, bien moins officielle, consiste à demander aux pilotes de ne pas suivre une autre auto à l'approche de Mulsanne et Indianapolis.

Malgré les risques, la course est lancée. Peu après 20h30, la CLR #5 décolle de la piste dans la courbe d'Indianapolis pilotée par l'indemne Peter Dumbreck alors qu'elle était à la poursuite de la GT One. Les images sont retransmises en direct dans le monde.

Suite à cet accident, Mercedes décide enfin d'interrompre le week-end.

Un épisode presque oublié, du moins c'était sans compter sur les 6 Heures de Spa Francorchamps 2018...

L'aéro en cause ?

C'est durant la dernière heure avant le drapeau à damier que la BR Engineering BR1 #17 du trio Sarrazin (FRA)/Orudzhev (RUS)/Isaakyan (RUS) est victime d'un accident à la sortie du virage du Raidillon. A son bord, Matevos Isaakyan qui prenait le rythme de la Toyota #7, deuxième de la course. Cependant, il négocie mal le virage du Raidillon qui lui fut fatale. En effet, la voiture s'est envolée de façon impressionnante pour venir finir sa course dans les pneus de l'autre côté des limites de courses.

Une procédure Safety-Car est mise en place afin de faciliter la prise en charge du pilote, indemne après le crash. Et cette procédure doit permettre l'intervention en toute sécurité des commissaires de piste. La voiture fut évacuée et les pneus changés. Cela a nécessité une procédure d'une demi-heure. Cette procédure a permis de relancer la bagarre notamment dans la catégorie GTE Pro, avec un duel de trois constructeurs Ford, Ferrari et Porsche.

Étant donné la ressemblance des faits avec les événements de 1999, nul doute que l'on puisse se poser la question suivante : "l'aérodynamique est-elle en cause ?". D'autant plus que la BR1 est venue à Spa Francorchamps avec une configuration "low downforce". Cette configuration, qui se rapproche au plus près des réglages prévus pour Le Mans a-t-elle sa place sur un circuit vallonné comme Spa ?

Sur une vidéo amateur publiée sur YouTube on constate que la BR1, peu avant son décalage, circule en dehors de la piste. Et plus précisément sur entre le vibreur et le rail de pneus, sur cette partie composée de ralentissements matérialisés par des bandes blanches au sol, ceci ayant son importance sur la cause de l'accident ?

Effectivement, il semblerait que les ralentisseurs ont joué un rôle essentiel dans le décollage de l'auto. Tout comme un tremplin, ils ont probablement propulsé la BR1 dans les airs.

On se rappelle tous des travaux entrepris sur le circuit en 2015. Cette année le circuit avait décidé de faire pousser des ralentisseurs en plastique comme on peut le constater sur ces photos :

moteurs.blogs.sudinfo.be

Fort heureusement, ces installations ne sont pas restées en place. Imaginez une seconde la BR1 "jumper" sur ces vibreurs en plastiques, nous aurions eu droit à un envol plus que spectaculaire.

On comprend finalement que la BR1 n'a pas pu être aidée par ces fameux ralentisseurs en plastique. Et les bandes blanches sont seulement de la peinture.

Néanmoins, quel est l'élément déclencheur de cet envol ? La BR1 est passée de nombreuses fois dans ce virage sans aucun incident tout au long du week-end de course. On peut constater que durant ce passage, l'auto n'était pas sur la piste mais bien en dehors du tracé. Et pour se retrouver à cet endroit, la BR1 a obligatoirement "jumpé" le vibreur de gauche :

En conclusion, il est probable que l'aérodynamique de la BR1 en mode "low downforce" ainsi que son ascension du vibreur du Raidillon ont poussé la BR1 à s'envoler.

Force est de constater également la robustesse de l'automobile qui a permis au pilote de se sortir indemne de ce terrible accident. Rappelons que plus tôt dans la course, Harry Tincknell sort de sa Ford avec quelques bleus suite à son impressionnant tout droit dans le même virage à prêt de 29G !

Le Raidillon : le virage de tout les dangers ?

Construit en 1939, le Raidillon de l'Eau Rouge doit son nom à une rivière chargée d'eaux ferrugineuses qui traverse le circuit. Il a subi beaucoup de modifications principalement pour des raisons de sécurité.

Accusant un dénivelé de 17% et une hauteur de 40 mètres, il précède la ligne droite de Kemmel. Il se compose d'un virage à droite s'élargissant en aveugle, suivi d'un faux plat puis d'une courbe à gauche.

Henri Hanssen, Stefan Bellof et Jan ter Maat sont les pilotes ayant perdu la vie dans l'Eau Rouge. Néanmoins on dénombre beaucoup d'accidents depuis sa création. Ce virage est, et restera, tout aussi dangereux.

"Il faut être très courageux au moment d’aborder cette montagne ! Et s’il n’y avait pas ce risque, il n’y aurait pas ce plaisir du pilotage."

a dit un jour un célèbre pilote ... Jacques Villeneuve.