L'histoire de Honda en F1 est ponctuée de hauts et de bas. Mais 50 ans plus tôt, le constructeur japonais surprit son monde en passant de la dernière ligne à la première en une saison !

A l'origine constructeur de moteurs pour motos, Soichiro Honda décida d'investir en Formule 1 histoire de faire connaître la marque au plus grand nombre, ce bien avant que les constructeurs n'envahissent les grilles de départ.

Il chercha à collaborer avec Lotus et Brabham mais les deux équipes restèrent fidèles au Climax, poussant ainsi les nippons à débuter avec leur propre châssis. Ils choisirent un obscur américain, Ronnie Bucknum, pour ouvrir le bal, probablement pour ne pas attirer trop de regards sur leur projet, le temps que celui-ci connaisse le succès.

Nippone ni mauvaise

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Ses trois participations en 1964 (dont la première au Nürburgring, sur la Nordschleife) furent encourageantes mais les hostilités commencèrent vraiment en 1965 avec la saison complète et l'engagement de Richie Ginther, très bon second de Graham Hill chez BRM et vice-champion en 1963 (ex-æquo avec son équipier).

Néanmoins, les deux américains connurent le déshonneur d'une dernière ligne à Monaco ! Avertissement sans frais puisque Ginther marqua le premier point de la marque lors de la course suivante en Belgique avant de se placer en première ligne deux courses plus tard en Angleterre, puis aux Pays-Bas ! Hélas, il rétrograda rapidement bien qu'il mena deux tours à Zandvoort, où il accrocha un nouveau point.

Honda s'absenta au Nürburgring afin de corriger cette différence entre la qualification et la course mais Monza déboucha sur un nouvel abandon. A Watkins Glen, il s'accrocha avec Stewart au départ alors qu'il avait retrouvé la troisième place, qui était sur la première ligne à l'époque. Leur dernière chance de briller était Mexico, pour la dernière course des F1 à 1,5 litre.

Honda mit toutes les chances de son côté : l'équipe loua la piste afin de configurer son moteur en fonction de l'altitude importante du tracé (plus de 2000 mètres) qui posait de nombreux problèmes. Le résultat ne s'est pas fait attendre : deuxième place en qualifications et course dominée de bout en bout. Richie Ginther remportait là sa seule victoire en carrière et offrait le premier succès à une marque qui ne tarda pas à se faire connaître en Formule 1 : Goodyear.

Victoire de "Hondola"

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Hélas, comme la majorité du plateau, Honda fut pris de court au moment de passer à 3 litres de cylindrée, si bien qu'on ne retrouva la marque que pour les trois dernières courses de la saison 1966 ! De plus, Honda fit la même erreur que Ferrari ou BRM : tout miser sur la puissance au détriment du poids de la monoplace. Ginther se fit une belle frayeur avec l'explosion d'un pneumatique à Monza et ne marqua que trois points à Mexico où il ne mena que le premier tour.

Il se retira au terme de la saison (de même que Bucknum), laissant la place à John Surtees. Le champion 1964 était avant cela un grand champion de moto, ce qui ne pouvait que plaire à Honda, qui laissa le britannique participer à la conception de la monoplace. Graham Hill ironisa sur le fait que seuls des Japonais pouvaient suivre le rythme de Surtees, boulimique de travail.

Pendant l'essentiel de la saison, Honda dut composer avec le modèle de 1966 et sa forte charge pondérale (celle de Surtees n'arrangeant rien) avant d'hybrider un châssis Lola d'Indianapolis, d'où le surnom logique de "Hondola". Surtees en tira le meilleur parti et l'emporta à Monza, une course rentrée dans la légende grâce à la chevauchée fantastique de Jim Clark, qui rattrapa un tour complet de retard après une crevaison !

Un tour, c'est également ce qu'il manquait d'essence pour que l’écossais concrétise cet effort... Surtees n'avait plus qu'à résister à Jack Brabham qui échoua pour deux dixièmes de seconde, un écart qui était monnaie courante sur un circuit alors dépourvu de ses chicanes. L'anglais et son équipe finirent quatrième de leur championnat respectif.

Douche froide

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L'année 1968 n'ajouta pas de victoire supplémentaire : seulement deux podiums aux États-Unis et en France où Honda contribuèrent malgré eux à renforcer l'aspect dramatique de la saison. En effet le vétéran français Jo Schlesser, oncle de Jean-Louis, parvint enfin à s'aligner au départ d'un Grand Prix au volant d'une Honda dont le moteur était refroidi par air. Malgré les avertissements de Surtees, qui avait essayé la voiture, la RA302 participa au week-end de course grâce à l'intervention de Honda France.

Non seulement Schlesser fut largué mais la nervosité de sa machine sous la pluie le projeta contre un talus en course. La monoplace, en magnésium, s'embrasa et ne laissa aucune chance de survie au Lorrain. Un drame qui encouragea le constructeur à se recentrer sur la production des voitures de route. Pour l'histoire, le "JS" des Ligier était un hommage à Jo Schlesser, ami de Guy Ligier qui courut également en tant que pilote à la même époque avant de fonder sa propre équipe.

Il fallut attendre 1983 pour revoir le fameux H sur une monoplace et à partir de 1986, les titres mondiaux furent de la partie. Mais en tant que motoriste uniquement dans un premier temps...