En fin d'année 2002, la Formule 1 était en crise. Ferrari avait écrasé la saison comme rarement, tuant tout suspens et spectacle. Le tout non sans jouer avec l'aspect sportif, manipulant le résultat comme bon lui semble.
L'audience avait chuté en conséquence et il fallait redresser la barre. La saison suivante fut une excellente réponse et le Grand Prix d'Australie 2003 en témoigne. Non sans quelques couacs.
1 - Un tour et puis s'en va
La FIA introduisit toute une série de nouvelles règles censées relancer le spectacle et l'intérêt des fans. La plus novatrice reste le format des qualifications alors inchangé depuis 1996. Il passa des 12 tours du samedi (+ les 107%) à deux séances d'un seul tour lancé ! La séance du vendredi verrait les 20 voitures sortir dans l'ordre du championnat et le classement du jour servirait à établir l'ordre de passage du samedi.
Le principe du tour unique était bien entendu alléchant et le resta dans le sens que la moindre erreur se paierait cash. Mais outre l'importance limitée de la première qualification, le plus gros impair restait l'influence de l'essence. Les pilotes devaient boucler leur tour du samedi avec le carburant de leur premier relais en course, tout re-fuelling étant interdit entre les deux jours. Par conséquent, il devint bien plus compliqué de déterminer une hiérarchie concrète : l'auteur de la pole était-il le plus rapide ou le plus léger en essence ? Les quantités embarquées étaient alors confidentielles...
De ce fait, la qualification gagna en stratégie ce qu'elle perdit en sens...
2 - La preuve par huit
L'autre changement majeur concerne le barème de points, qui était lui en vigueur depuis 1991. Pour la première fois de l'Histoire, la Formule 1 allait récompenser les huit premiers au lieu de se limiter au Top 6. Du barème 10-6-4-3-2-1, on passa à 10-8-6-5-4-3-2-1. L'objectif était clair : récompenser la régularité au détriment du panache pour éviter une domination trop franche, en plus de donner plus de chances aux sans-grade face à la fiabilité accrue des Formule 1.
Fernando Alonso et Ralf Schumacher devinrent ainsi les premiers pilotes à marquer des points sans avoir fini dans le Top 6. On notera comme principale incidence sur la saison que Michael Schumacher aurait remporté son sixième titre une course plus tôt avec l'ancien barème, et que 18 pilotes au lieu de 20 se seraient classés au championnat. Les débutants Ralph Firman et Justin Wilson n'auraient donc pas figuré au palmarès sans ce nouveau décompte.
3 - Albert Park fermé
L'interdiction de ravitailler entre qualifications et course n'était pas isolée. Toutes les voitures devaient être rangées dans un parc fermé et le minimum syndical sera autorisé en terme de modifications. On perdait ainsi l'idée de réglages « qualif » et de réglages « course » mais surtout un flou demeurait quant aux réglages possibles, surtout en cas de dommages. Aussi, le règlement autorisait les pilotes n'ayant réalisé aucun temps d'échapper à ce parc et de modifier leur voiture comme bon leur semblait.
Ce trou n'a pas échappé à Minardi. Le Petit Poucet de la F1 n'avait pas roulé de l'hiver et se savait abonné à la dernière ligne pour l'année. Paul Stoddart a donc demandé à Jos Verstappen et Justin Wilson de rentrer aux stands à la fin de leur tour rapide pour continuer à travailler sur les monoplaces ! La FIA eut tôt fait de combler ce trou dès la prochaine course. A noter que la combine de Minardi se retourna contre la petite Scuderia : les deux PS03 étaient en réglages pour piste humide mais la pluie avait stoppé avant le départ...
4 - Un pneu, pas beaucoup...
En parlant de pluie, les pneumatiques allaient jouer un rôle d'autant plus important vis-à-vis des conditions climatiques. Afin de réduire les coûts – l'autre cheval de bataille des autorités – les manufacturiers ne pouvaient proposer qu'un seul type de pneumatique pluie pour la course. Bridgestone et Michelin devaient donc trancher pour savoir quelles conditions il fallait privilégier. Le Japonais opta pour un pneu plus typé intermédiaire, où leur supériorité était évidente là où Bibendum choisit une gomme aux rainures plus prononcées.
Cela s'illustra une première fois en Australie puisque les Ferrari, équipées de ces pneus, prirent des poignées de secondes d'avance dès les premiers tours. La piste sécha rapidement et annula l'avantage. Puis vint le Brésil avec une pluie trop importante pour les pneus proposés. Les manufacturiers avaient estimé que les autorisés neutraliseraient l'épreuve en cas de trop grosse averse. Le carnage qui suivit poussa la FIA à autoriser les deux types connus par la suite.
5 - Friday : free day
L'évolution du format des séances ne concerna pas que la qualification. Désormais la séance d'essais libres du vendredi matin allait être réservée à des équipes volontaires. En contrepartie, celles-ci se sont engagées à ne tourner que dix jours dans l'année en séance privée, contre 20 pour les non-signataires. L'avantage pour les volontaires était d'engager un troisième pilote pour améliorer le set-up, sinon remplir les caisses.
Les plus désargentés qu'étaient Jordan et Minardi choisirent bien entendu ce marché, leur budget ne leur permettant pas d'atteindre cette vingtaine de toute façon. De façon plus surprenante, Jaguar et surtout Renault leur emboîtèrent le pas, quand bien-même il s'agissait de constructeur sans problème de trésorerie. Jaguar le fit surtout pour mieux rôder ses pilotes inexpérimentés là où Renault engagea Allan McNish. Le spécialiste du Mans et ex-pilote Toyota apporta son expertise et joua certainement un rôle dans la progression du Losange en cette saison.
6 - Du neuf avec du vieux
Après que 2002 devint rapidement la propriété de Ferrari, leurs rivaux se retroussèrent les manches. McLaren en premier lieu poussa si loin son ambition que la nouvelle monoplace n'était pas prête pour l'ouverture. Néanmoins les Flèches d'Argent eurent droit malgré tout à un châssis remanié. La MP4/17 de 2002 passa en version « D » (pour développement) et bien qu'il ne s'agissait que d'une évolution, elle représenta un grand pas en avant, comme le prouva la course !
Ferrari de son côté pouvait davantage se permettre de repousser l'entrée de son nouveau modèle. Après tout la F2002 était si dominatrice, il n'était donc pas utile de précipiter la mise au point de la F2003-GA – en hommage au patron de Fiat, Giovanni Agnelli, décédé durant l'hiver. C'est ainsi qu'on retrouva deux équipes avec une monoplace de transition. Il fallait remonter à 1994 pour une telle fantaisie, avec Lotus (107B puis 109) et Minardi (M193B puis M194) jouant la sécurité. Ou l'économie, c'est selon.
7 - Cheval désarçonné
L'objectif de tous ces règlements était de relancer le spectacle, donc par association, faire chuter Ferrari de son piédestal. L'issue du championnat prouva qu'il en fallait davantage pour ébranler la Scuderia mais la lutte devint bien plus serrée, ce qui était le principal. Pourtant l'échec des Rouges en Australie était moins dû aux progrès des rivaux qu'aux erreurs de leurs cavaliers !
En effet, Rubens Barrichello anticipa le départ avant de sortir de la piste, déconcentré par un système HANS encore en rodage et peu confortable. Michael Schumacher quant à lui fit l'un ou l'autre passage hors-trajectoire – aidé en ce sens par un Kimi Räikkönen aux nerfs solides – et ses déflecteurs latéraux choisirent de prendre leurs aises ! L'allemand devait de toute façon repasser aux stands mais le temps perdu dans l'opération le repoussa quatrième, soit hors du podium.
Ce fut ainsi la fin de plusieurs séries. Ferrari n'avait plus perdu depuis Monaco 2002 (10 victoires d'affilée) et n'avait plus manqué un podium depuis... le Grand Prix d'Europe 1999, soit 53 courses ! Dans le cas de Schumacher, c'était son premier résultat en dehors du Top 3 depuis le Grand Prix d'Italie 2001 (19 courses). Enfin Bridgestone connut également ses premiers couacs, avec le premier podium 100% Michelin depuis le retour de la marque début 2001 et le premier sans le manufacturier nippon depuis le Grand Prix d'Italie 1998.
8 - DC et d'ailleurs
Et en parlant de conclusion, David Coulthard signa ici sa treizième victoire en Grands Prix. Un triomphe symbolique, lui qui était déjà le dernier obstacle à Ferrari l'an passé à Monaco et qui avait inauguré le palmarès de l'association McLaren-Mercedes ici même en 1997. Il reste aussi à ce jour le pilote ayant gagné le Grand Prix d'Australie en partant le plus loin sur la grille : onzième.
Il ne pouvait se douter que cette victoire resterait sa dernière. DC allait avoir le plus grand mal à s'habituer à la qualification sur un tour, avant de faire de la figuration en 2004. L'écossais se refit une santé chez Red Bull et contribua grandement à l'ascension de l'ex-Jaguar mais plus jamais il allait monter sur la plus haute marche.
9 - De la friture sur la ligne...
En attendant Lewis Hamilton, c'est Jenson Button qui faisait office de successeur chez les Britanniques. Après une saison 2002 fort convaincante chez Renault, Jenson dut se recaser chez BAR, le constructeur français préférant Fernando Alonso. Ce qui fit râler beaucoup de monde mais l'espagnol n'allait pas tarder à rendre ce transfert légitime !
Button arriva donc dans la maison de Jacques Villeneuve, bien que ce dernier était pratiquement devenu un intrus pour le patron David Richards. Face à l'accueil dithyrambique réservé à son nouvel équipier, le Québécois répondit avec sa verve habituelle durant l'hiver avant un petit coup de Trafalgar : il anticipa son deuxième arrêt aux stands, forçant Button à attendre derrière lui pour son propre pit-stop ! Les deux belligérants finirent neuvième et dixième, soit à la porte des points.
Jacques évoqua des soucis de radio, lesquels avaient en effet déjà pénalisé BAR par le passé (Montréal 2000 et Interlagos 2001 en témoignent). L'argument sembla fallacieux pour beaucoup – Jenson le premier – et donnait l'impression que Villeneuve voulait à tout prix marquer son territoire et sauvegarder une image déjà entachée. Si l'équipe finit par confirmer sa version, la suite de la saison ne tourna absolument pas en sa faveur...
10 - Down under
En passant le rendez-vous australien de la fin de saison au début de saison, la F1 était censé éviter les averses via la logique des saisons inversées selon l'hémisphère. En novembre, Adélaïde jouissait d'un beau printemps là où Melbourne savourait la fin de son été début mars. Ce qui n'a pas empêché les cataclysmes de 1989 et 1991 mais passons !
Melbourne de son côté fut épargné durant ses premières éditions. La première alerte intervint en 2002 lors des qualifications mais la course resta dépourvue de la moindre ondée. 2003 mit un terme à la belle série avec une grosse averse intervenue durant la nuit et la matinée. Les équipes eurent le plus grand mal à choisir le bon type de gomme face à la piste encore humide mais en voie d'assèchement. McLaren témoigna de cette volte-face avec Räikkönen partant des stands et Coulthard changeant de pneus dès la fin du premier tour. Pour le coup, l'équipe tapa dans le mile, les erreurs de Schumacher et Montoya aidant !
Si les qualifications rencontrèrent la pluie à diverses reprises (2005, 2013, 2014...), on attend encore cela dit une course 100% humide. 2010 n'était mouillé qu'au début. Une course qui vit elle-aussi une McLaren-Mercedes remporter la course grâce à un Britannique ayant chaussé les slicks au bon moment !