Si la France pouvait se satisfaire il y a peu de son nombre de représentants en Formule 1, ce n'était pas si rose – ou bleu – une décennie plus tôt. A la fin des années 90, Jean Alesi et Olivier Panis commençaient déjà à faire partie des meubles et les représentants de la relève vont dans l'ensemble se retrouver bloqués au dernier palier, faute d'avoir suffisamment brillé en formule de promotion ou de posséder une valise remplie de billets.
Quand certains ont eu leur chance, ce fut dans un contexte défavorable, tels Sébastien Bourdais directement confronté à Sebastian Vettel chez Toro Rosso en 2008 ou Frank Montagny avec Super Aguri en 2006, alors lanterne rouge du plateau.
Stéphane Sarrazin au sein de l'élite
Or à l'entame du Grand Prix du Brésil 1999, on dénombrait cette fois-ci trois français sur la grille. En effet, le jeune Stéphane Sarrazin était engagé par Minardi en remplacement de Luca Badoer, blessé en essais privés. Originaire du Gard, le français avait suivi la voie traditionnelle du karting jusqu'à la F3 Française où il fut vice-champion en 1997.
L'année suivante, il débuta en Formule 3000 – l'ancêtre des GP2 Series / FIA Formule 2 – pour Apomatox, qui faisait office de junior team de Prost Grand Prix et remporta même sa première course dans la discipline ! L'équipe du quadruple Champion du Monde garda un œil sur lui et l'engagea en temps que pilote essayeur pour 1999.
N'ayant pas de pilote essayeur détenteur d'une Super Licence sous la main, Minardi emprunta à Prost leur protégé pour ce seul Grand Prix du Brésil, l'alignant à côté d'un autre débutant, Marc Gene. Dans une équipe qui avait déjà révélé Giancarlo Fisichella et Jarno Trulli – en attendant Fernando Alonso et Mark Webber – sur une monoplace moins larguée que pouvaient parfois l'être les Minardi, et avec un équipier aussi inexpérimenté que lui, Sarrazin avait donc là l'occasion de montrer son talent sans aucune pression.
Sarrazin s'appliqua à la tâche. Sur un circuit qui lui était inconnu et sur une monoplace qu'il ne connaissait pas, le français se qualifia dix-neuvième, devant l'Arrows de Tora Takagi, mais surtout devant son équipier Gene relégué à sept dixièmes de seconde ! Une belle entrée en matière mais qui ne fut hélas confirmée que partiellement en course.
Après un bon départ, le français partit à la faute au deuxième tour et repartit avant-dernier. Nullement découragé et avec une monoplace chargée en essence – les ravitaillements étaient alors de mise – il reprit sa route et progressa doucement dans le classement, non sans se débarrasser une nouvelle fois de son équipier. Si bien qu'au trente-et-unième tour, il figurait à la onzième place sur seize voitures encore en course, ce qui n'était pas rien vu sa machine.
Alors qu'il suivait le rythme de la BAR-Supertec de Jacques Villeneuve et qu'il devançait la Benetton d'Alexander Wurz, sa Minardi lui échappa pour une raison inconnue dans la dernière courbe à gauche qui concluait le tracé d'Interlagos.
Partant tout droit, il percuta violemment le mur de pneus à droite de la piste et partit dans une série de toupies avant de s'immobiliser de l'autre côté du circuit, choqué mais indemne. Ainsi prit fin la seule course de la carrière de Sarrazin, alors qu'il avait affiché un rythme intéressant pour sa première expérience en tant que titulaire.
Le français reprit sa route en F3000 et en tant que pilote essayeur de Prost Grand Prix, mais sans que l'équipe n'envisage de le titulariser. En 2000, les Bleus engagèrent à la place Nick Heidfeld, récent champion F3000, en partie pour s'attirer les faveurs de Mercedes avec qui l'allemand – alors pilote essayeur McLaren – était lié. En vain.
Sarrazin redoubla dans l'anti-chambre de la F1, mais sans parvenir à sortir du lot. Toyota le recruta à nouveau en qualité de troisième pilote lors des débuts du constructeur japonais en 2002, mais là non plus sans plan de carrière en course. Sarrazin se recasa en World Series By Nissan – plus tard, la Formule Renault 3.5 – pour tenter de relancer ses chances, sans plus de résultats.
Après quelques expériences plus ou moins convaincantes en WRC avec Subaru, le français fut un des principaux animateurs du championnat de Formule E et du WEC, ayant notamment participé aux succès de Peugeot et Toyota. Hélas, il court toujours après son premier succès aux 24 Heures du Mans : c'est l'équipage Wurz-Brabham-Gene (le même Gene qu'il supplanta au Brésil) qui finit en tête en 2009, devant son trinôme composé de Frank Montagny et Sebastian Bourdais, deux autres "rejetés" de la Formule 1. Il fut également second de l'épreuve en 2007 et en 2013 avec Toyota. Mais il n'est pas trop tard pour conjurer le sort !