Tel père, tel fils dit-on ? Cela ne se vérifie pas nécessairement en Formule 1. Parfois le père laisse sa marque et le fils n'est qu'une anecdote. Parfois, l'aîné a juste montré la voie pour une génération suivante plus talentueuse. C'est le cas de la famille Verstappen.

En effet, il y a fort à parier que Max Verstappen devienne un des grands noms de la Formule 1, du moins pour son époque. De quoi rendre fier son père Jos, lequel n'a pour palmarès que deux podiums et 17 points en 107 courses. Pourtant le père Verstappen jouissait d'une certaine popularité à son époque, du moins parmi les siens.

Comme son fils, le néerlandais n'a pas traîné en formules de promotion. Il s'adjugea quelques titres européens en karting, puis le championnat allemand de Formule 3. Sa victoire lors des Masters de Zandvoort (une épreuve à l'époque aussi surveillé que la manche de Macao) acheva de convaincre Benetton qui l'engagea en temps que pilote d'essais pour 1994.

Cadeau empoisonné

Sauf que les circonstances précipitèrent ses débuts, lorsque JJ Lehto se brisa le cou dans l'hiver. Le finlandais eut beau reprendre son volant à Imola, son retour fut bref et Verstappen disputa l'essentiel de la saison. Cela resta à la fois la meilleure et la pire saison du néerlandais. D'un côté, Jos signa ses meilleurs résultats avec deux troisième places en Hongrie et en Belgique. De l'autre, il ne marqua que dix points avec la meilleure voiture du plateau et multiplia les erreurs.

De Aïda à Magny-Cours (deux fois) en passant par Jerez, Verstappen semblait démontrer qu'il était encore un peu tendre. En vérité, le vrai moment marquant de sa première saison reste l'incendie d'Hockenheim, duquel il ressortit heureusement indemne.

Mais là n'était pas le principal problème. Ce qui l'était, c'était son équipier qui n'était nul autre que Michael Schumacher. Bien que les deux allaient se lier d'amitié, Verstappen ne pouvait que souffrir de la comparaison. Débutant ou pas, on comprit immédiatement la différence de niveau entre les deux, à une époque où Schumacher n'avait pas encore atteint le statut de meilleur pilote du moment.

C'est sans doute pour cela que Jos ne bénéficia jamais d'un aussi bon volant durant le reste de sa carrière. Même Bernie Ecclestone affirma plus tard que s'il avait débuté avec un autre voisin de garage, sa carrière aurait pu être bien différente. Et on sait que l'ex-grand argentier ne parle pas ainsi de tous les pilotes.

De Charybde en Scylla

La chute fut sévère. Non seulement Herbert prit sa place deux courses avant le terme en 1994 mais il passa d'un top team à une équipe de fond de grille avec Simtek. Pire encore, ce volant n'était dû qu'au partenariat entretenu avec Benetton, qui fournissait la boîte de vitesses à l'écurie. Enfin, la survie de celle-ci ne dépendait que d'un accord imminent avec Hideki Noda et ses sponsors.

Le tremblement de terre de Kobe en début d'année refroidit les investisseurs nippons et Simtek baissa pavillon après Monaco. Dommage car Jos n'avait pas démérité, notamment à Buenos Aires : quatorzième en essais sous la pluie et un temps sixième en course avant son abandon.

Verstappen se recycla chez Footwork, qui allait redevenir Arrows. Là encore, de belles promesses ne furent que trop rarement concrétisées. L'averse d'Interlagos et de Barcelone aurait par exemple pu lui valoir un point ou deux. La mécanique en décida autrement au Brésil et il se laissa piéger tout seul en Espagne. La seule éclaircie fut là encore Buenos Aires avec un septième chrono le samedi et une sixième place le dimanche. Son seul point de la saison. Au moins recommençait-on à s'intéresser au hollandais. Un petit peu...

Jos Verstappen - Bridgestone Test Team 1996

Jos passa d'Arrows à Tyrrell, ce qui n'allait pas l'aider à progresser. De plus, il avait de nouveau un coéquipier de valeur, le finlandais Mika Salo. Celui-ci bénéficiait d'une meilleure côte et allait, ironiquement passer chez Arrows l'année suivante. C'est lui qui marqua les ultimes points de Tyrrell à Monaco en 1997, grâce à une absence de ravitaillement. Jos lui finit huitième ce jour-là et cela resta son meilleur résultat de la saison.

Le reste du temps, sa machine ne lui offrait aucun espoir. Il ne pouvait même que lutter avec les Minardi en fin de saison. Le paddock l'oublia à nouveau : la saison 1998 commença sans lui. S'il se recasa chez Stewart à mi-saison après le licenciement de Jan Magnussen (autre pilote éclipsé par sa progéniture), il fit de la figuration face à Rubens Barrichello.

Orange mécanique

@ F1-history.deviantart

Cette fois, Verstappen ne disputa pas une seule course de la saison suivante. Cependant, il ne resta pas inactif. Honda souhaitait revenir en Formule 1 avec châssis et moteur et Jos semblait le pilote idéal pour rôder l'ensemble. Il eut droit à une certaine publicité lorsqu'il signa les meilleurs temps en essais privés !

Bien entendu, les éternels commentaires "la voiture est trop légère" fleurirent mais il semblait admis qu'avec un bon matériel, Verstappen pouvait répondre présent. La mort d'Harvey Postlethwaite et les réticences du constructeur à assumer le management d'une équipe le poussèrent à s'associer avec BAR pour 2000, abandonnant donc son projet d'équipe 100% Honda. Tant pis pour Jos.

Jos Verstappen - Honda RA099 - 1999

Le néerlandais retrouva alors Arrows, certes en pleine déconfiture mais du potentiel plein les mains. Un moteur Supertec fort honorable et de l'argent frais venu d'Orange et de sponsors bataves permirent la réalisation d'une monoplace filant comme l'air en ligne droite. Ce qui fit d'Arrows la révélation constructeur de l'année. Si seuls sept points furent marqués, les progrès étaient spectaculaires et Verstappen se mit fréquemment en avant.

Ses dépassements sous la pluie (encore) à Montréal aboutirent à la cinquième place. Sa vitesse de pointe et le carambolage du premier tour lui offrirent la quatrième à Monza. Dommage que les freins lâchèrent à Indianapolis, qu'il s'emmêla les pinceaux avec Eddie Irvine au Nürburgring ou qu'il se planta dans le gravier à Hockenheim car la moisson aurait pu être plus fructueuse encore.

Pour une fois, Verstappen rempila dans la même équipe, avec un autre ancien moteur français sous-traité. De l'ex-Renault dit Supertec, Arrows passa à l'ex-Peugeot dit Asiatech. Pas un cadeau au vu de la saison catastrophique de Peugeot avec ce moulin en 2000. Reste que le bloc posa moins de problèmes cette année-là. Jos eut un malin plaisir à prendre des départs canons et de briller en première moitié de course.

Encore fallait-il garder le même rythme tout le long, ce qu'il ne fit réellement qu'en Malaisie et en Autriche. Dans le premier cas, il se battit même un temps pour le podium, puis la quatrième place, avant qu'un ultime ravitaillement ne le retire de la zone des points. Dans le second cas, il luttait avec les top teams au premier tiers et finit sixième. Son dernier point hélas, Arrows perdit de sa superbe au fil de la saison.

Contre des moulins à vent

Comme le pourtant moyen Enrique Bernoldi le devança assez souvent en qualifications, Arrows ne daigna même pas le conserver en 2002, en dépit d'un contrat. Verstappen se retrouva à nouveau à pied et ne courra pas de la saison. Sauber pensa un temps à lui en tant que pilote de réserve mais, tel Nigel Mansell en 1995 pour McLaren, il ne réussit pas à rentrer dans la voiture !

Il faut dire qu'avec des poids plumes comme Nick Heidfeld et Felipe Massa, l'équipe suisse avait construit un baquet en fonction de leur corpulence. Nouvelle ironie : quand Massa fut mis de côté pour Indianapolis, c'est Heinz-Harald Frentzen qui prit sa suite. Le même qui remplaça Jos chez Arrows en 2002.. et qui se sentit aussi à l'étroit dans la C22...

Finalement, Jos acheva sa carrière chez Minardi en 2003. La petite Scuderia avait à nouveau besoin d'argent frais, les attentats du 11 septembre ayant considérablement réduit la trésorerie de Paul Stoddart, qui avait fait fortune dans l'aviation. Verstappen apportait son talent et la compagnie informatique Trust avec lui, c'était donnant-donnant. En dépit d'un barème plus favorable (les huit premiers pouvaient marquer des points), Minardi fit chou blanc, sa monoplace n'étant qu'une évolution du modèle 2002, adapté en catastrophe aux Bridgestone.

Ce n'était pourtant pas faute d'essayer, notamment à Interlagos, dans ces conditions humides où Jos brillait régulièrement. Cela restera le plus grand regret de Paul Stoddart qui affirma à qui voulait l'entendre que Minardi pouvait légitimement gagner ce jour-là ! Il est vrai qu'avant de sortir au virage 3, Verstappen était en compagnie du futur vainqueur Fisichella, avec la même quantité d'essence...

Si Jordan considéra son embauche en 2004, on ne revit plus jamais Jos derrière un volant en Formule 1. Ses diverses expériences en A1GP ou en Endurance furent plus ou moins couronnées de succès. En attendant, un certain Max faisait ses gammes en karting. Une décennie et demi plus tard, le voici en premier plan en Formule 1.