Le Grand Prix d'Australie 2002 reste l'un des plus grands moments de l'histoire de Minardi, grâce à la cinquième place de Mark Webber pour sa première course. Un moment sur lequel est récemment revenu le patron de Minardi à ce moment, Paul Stoddart.

Pendant ses vingt ans d'existence, Minardi fut régulièrement en mode survie. Reléguée dans le ventre mou du peloton sinon en fond de grille faute de moyens conséquents, chaque point marqué valait de l'or pour l'équipe italienne. Ce fut notamment le cas durant ses dernières années, lors de la reprise de l'équipe par l'entrepreneur Paul Stoddart, propriétaire de sa propre compagnie aérienne.

Après un rachat de dernière minute en 2001, où la simple présence de Minardi sur la grille pouvait être considérée comme une victoire, la saison 2002 s'ouvrit de la plus belle des manières. Avant même de signer son meilleur résultat depuis 1994, dès son arrivée sur place, la petite office italienne fut célébrée comme l'équipe nationale australienne par la foule. Que Stoddart et son premier pilote Mark Webber soient australiens n'y était pas étranger.

La danse de la pluie pour Minardi

Vinrent les qualifications. L'équipe était inquiète à propos d'Alex Yoong, le deuxième pilote. Plus riche que talentueux, le Malaisien était soutenu par le gouvernement local, lequel aurait vu d'un mauvais œil que leur représentant échoue à se qualifier. C'était l'époque où il fallait réaliser un temps dans les 107% du meilleur chrono pour être éligible à la course. Une tâche à laquelle Alex échouera trois fois dans l'année d'ailleurs.

Mark Webber (AUS) KL Minardi Asiatech PS02 finished his first F1 practice in a respectable 20th place. Australian Grand Prix Practice, Albert Park, Melbourne, 01 March 2002

© DIGITAL IMAGE / Mark Webber

Or le ciel fut du côté de Minardi :

"Lorsque les qualifications arrivèrent, il se mit à pleuvoir. Après le premier run, Mark était douzième et Alex je crois dix-septième, dans les 107%", se souvient Stoddart dans le podcast Beyond the Grid.

"Le speaker me demanda s'il fallait que les fans prient pour que le soleil revienne et que les voitures roulent à nouveau. J'ai répondu : Absolument pas, je veux qu'ils fassent la danse de la pluie afin que le classement reste tel quel et que nous soyons qualifiés ! C'est alors que la foule placée dans la tribune en face de la ligne droite des stands se leva et dansa, et la pluie tomba de plus belle !"

Au final, Mark fut dix-huitième et Alex vingt-et-unième.

Pas de grue ? Pas de problème !

Le lendemain, un carambolage éliminant huit monoplaces et en retardant d'autres ouvrit la voie à un miracle pour Minardi. Un accident qui aurait pu, voire dû aboutir à un drapeau rouge au vu du nombre de voitures immobilisées. Mais les commissaires de piste firent tout pour éviter ce cas de figure.

© Scuderia Ferrari 2002 Start

«Il n'y avait plus de grue ou de véhicules d'intervention disponibles et il restait une monoplace en position dangereuse à évacuer. Les commissaires m'ont confié qu'après avoir vu Minardi passer à travers le carambolage, ils se sont chargés eux-mêmes de dégager la Sauber hors de la piste afin que la direction de course n'interrompe pas l'épreuve. Ils ont soulevé la voiture pour l'évacuer ! »

Ainsi Webber tailla sa route jusqu'à la cinquième place, ceci malgré un gros problème de différentiel qui, en théorie, aurait dû achever sa monoplace après seulement dix tours. Mais Mark continua comme si de rien était...

Puis vint la fin de course avec Mika Salo remontant sur sa Minardi. Sur une Toyota certes débutante mais plus rapide et largement mieux financée, le Finlandais était censé dépasser la Minardi en fin d'épreuve. Sauf que Mika partit en tête-à-queue, une erreur que Stoddart ne comprend toujours pas à ce jour !

© Action Images - John Marsh / Alex Yoong devance Mika Salo

Un deuxième podium pour Minardi !

Et ainsi Webber sécurisa sa cinquième place, un enjeu qui était devenu la préoccupation N°1 du public au détriment du vainqueur du jour, Michael Schumacher.

«Michael me confia : Tu sais quoi, lors des trois derniers tours, les fans étaient debout, je croyais que la course était terminée ! J'ai jeté un œil sur les écrans géants, ils étaient concentrés sur Mark. Sur le podium, certes il y avait des centaines de personnes devant moi mais sur ma gauche devant la ligne des stands, il devait y avoir plus de 10 000 personnes autour de toi et Mark ! »

Cet engouement fut tel que Minardi eut droit à un privilège unique : une deuxième cérémonie du podium qui leur fut entièrement réservée ! Stoddart dut demander plusieurs fois au promoteur du Grand Prix, Ron Walker, si celui-ci avait bien eu l'accord de Max Mosley (Président de la FIA) et Bernie Ecclestone pour organiser cela, sous peine de perdre ses points en enfreignant le protocole officiel. Ce dont Ferrari se chargea en Autriche mais c'est une autre histoire...

Si Minardi eu droit au champagne, Stoddart et Webber durent se contenter de peluches de kangourous boxeurs en guise de trophées ! Aussi, s'ils reçurent le drapeau australien, ils ne pouvaient pas goûter à l'hymne local – le protocole, encore et toujours – et eurent donc droit au thème du sponsor officiel du Grand Prix, Qantas. Ironie de l'histoire : une compagnie aérienne.

© DR / Mark Webber

Un paddock solidaire

Et en parlant de champagne, Stoddart partagea une histoire qui l'émeut encore aujourd'hui :

« Une équipe comme Minardi ne garde pas des packs entiers de champagne parce qu'à quoi bon, nous les utilisons jamais ! Ce jour, je me rends compte qu'on en a besoin et je demande à mon service cantine d'emprunter quelques bouteilles. Ce ne fut pas nécessaire : toutes les autres équipes sont venues nous en apporter ! »

Minardi leur renvoya l'ascenseur en cours d'année. Disposant de quelques gros porteurs via sa compagnie aérienne, Stoddart fut en mesure d'amener le personnel de l'une ou l'autre équipe sur certains Grands Prix !

Si Minardi ne marqua pas d'autres points en 2002, l'équipe se classe neuvième au championnat, devançant notamment le nouveau venu Toyota. Un constructeur qui avait déjà dépensé 1,5 milliard de dollars depuis ses premiers tests en 2001 ne fit pas mieux qu'une équipe limitée à 28 millions de dollars sur l'année 2002. Selon les chiffres de Stoddart en tout cas.

Encore aujourd'hui, Stoddart croise des personnes sur Melbourne pensant à tort que lui et Webber avaient gagné la course ce jour-là ! Et lors des 20 ans du Grand Prix en ces lieux, un sondage immortalisa cette performance comme le meilleur moment de l'histoire de cette course.

AUTO - F1 2002 - AUSTRALIA GP - MELBOURNE 2002

© ERIC VARGIOLU / DPPI