Le Grand Prix d'Italie 2022 a marqué les esprits pour sa grille de départ émasculée, conséquence des nombreuses pénalités moteur. Neuf pilotes ont été sanctionnés, aboutissant à une grille de départ pour le moins incohérente. Ce n'est cela dit pas la première fois que les pénalités de grille ont provoqué une situation illisible pour les fans.
Jusqu'au début des années 2000, seuls deux facteurs étaient responsables de grilles de départ "aléatoires" dans la F1 contemporaine. Le premier étant le facteur pneumatique, lorsque la guerre des pneus faisait rage et que les manufacturiers possédaient leurs propres forces et faiblesses.
Phoenix 1990 en reste un exemple parlant avec la Minardi de Pierluigi Martini en première ligne, bénéficiant de Pirelli en parfaite adéquation avec la température du tarmac. Le deuxième facteur est bien entendu la pluie, dont l'intensité a souvent joué un rôle déterminant dans ces classements dignes d'un jeu vidéo. A vous de choisir votre grille préférée entre l'Autriche 1998 et la France 1999, chacune consacrant à son extrémité un outsider de luxe (Fisichella sur Benetton ; Barrichello sur Stewart).
Le nouveau millénaire vit l'avènement des pénalités affectant un classement après clôture de la séance. Les secondes ajoutées au temps total de course furent introduites en 1999 (et appliquées une première fois en Australie en 2001) tandis que la première pénalité de grille devait prendre effet à Indianapolis en 2002.
Felipe Massa, responsable de plusieurs contacts évitables cette année-là, avait causé l'accrochage de trop avec Pedro De la Rosa à Monza (déjà) et devait rétrograder de 10 places au prochain rendez-vous, aux Etats-Unis. Sauber préféra engager le revenant Heinz-Harald Frentzen à sa place, le vétéran allemand ayant déjà signé pour 2003 à cet instant.
Hari-kari à Hondaland !
Ces sanctions devinrent plus nombreuses lorsque la Fédération commença à limiter le nombre de moteurs utilisables pour un week-end de course. Sepang 2006 tira la première sonnette d'alarme avec cinq pilotes rétrogradés pour changement de bloc. Au moins le classement conserva une certaine cohérence avec presque tous les concernés en fond de grille. Puis vint Suzuka 2009 et sa qualification qui restera comme l'une des plus chaotiques de ces dernières années.
Il faut dire qu'avec un circuit aussi exigeant (qui plus est encore "à l'ancienne", avec graviers et compagnie), l'erreur était plus facilement sanctionné. De plus, le tracé revenait au calendrier après deux ans d'absence, d'où un baptême mouvementé pour quelques rookies.
Le ton fut donné en Q2 grâce à l'un d'entre eux. Jaime Alguersuari (Toro Rosso) plia son train avant à Degner, provoquant un premier drapeau rouge. Puis vint le crash le plus sérieux de la séance lorsque la Toyota de Timo Glock tira tout droit dans la dernière courbe suivant la chicane.
L'Allemand en fut quitte pour une légère blessure à la jambe le privant des trois dernières courses. Ce dont Kamui Kobayashi n'allait pas se plaindre, se révélant face au futur champion Jenson Button à Interlagos. En attendant, nouveau drapeau rouge.
Sébastien Buemi, pas rassasié par un léger contact par l'arrière en Q1, paracheva l'œuvre de Toro Rosso dans son dernier tour en émiettant son aileron avant dans la ligne droite séparant Spoon du 130R. Autrement dit, pas le meilleur endroit pour subir une éventuelle crevaison !
Enfin Heikki Kovalainen s'ajouta à la liste en Q3 avec, comme Alguersuari et Buemi, un contact à Degner. Le Finlandais était d'ailleurs passé proche au même endroit en Q1. N'oublions pas Mark Webber, éliminé dès la dernière séance d'essais libres lorsqu'il cassa sa Red Bull à...Degner !
Péril jaune
La qualification devint dramatique dans le bon sens du terme mais l'escapade hors-piste de Buemi laissa des traces. Les débris présents sur la trajectoire avaient légitimement nécessité la présence d'un drapeau jaune. Celui-ci étant intervenu en toute fin de Q2, plusieurs pilotes n'ont pas voulu ou su suffisamment lever le pied.
Quatre d'entre eux ont donc été sanctionnés d'une pénalité de cinq places. Outre Fernando Alonso et Adrian Sutil, on comptait les deux Brawn de Rubens Barrichello et Jenson Button en lutte pour le titre mondial. Avec leur rival Sébastian Vettel en pole position, cela faisait désordre.
Ils se sont par conséquent additionnés à Kovalainen et Vitantonio Liuzzi, rétrogradés de la même façon pour un changement de boîte. Ajoutez à cela... Buemi, qui eut l'imprudence de continuer sa route avec sa monoplace endommagée et donc potentiellement dangereuse. Sept pilotes sanctionnés en tout, soit un tiers de la grille ! Cela sans compter Webber qui devait de toute façon partir des stands... Résultat, la Fédération prévit de communiquer une grille provisoire quatre heures avant le départ, pour une grille définitive une heure avant seulement !
A qui perd gagne ?
Le nœud du problème était de savoir dans quel ordre fallait-il appliquer ces pénalités. Dans un premier temps, il semblait logique de prendre le classement par le bas et de rétrograder les pilotes concernés au fur et à mesure. Mais on le sait, logique et FIA ne font pas bon ménage. Au final, on choisit d'infliger les sanctions selon le moment où l'infraction a été commise : Alonso étant le premier à avoir amélioré sous yellow, il était le premier rétrogradé.
Puis vinrent Barrichello, Buemi, Button, Sutil et enfin Kovalainen qui changea sa boîte après la qualification. Ajoutez à cela le forfait de Glock officialisé le matin de la course, soit après application des pénalités.
Une décision qui aboutit à une grille de départ quelque peu bizarroïde (voir ci-dessus). On notera par exemple Sutil qualifié devant Barrichello mais placé derrière en dépit d'une pénalité similaire, car rétrogradé bien après lui. Plus incompréhensible encore : grâce à un recul de cinq places appliqué avant d'autres sanctionnés, ce même Barrichello s'est retrouvé sixième alors qu'il était originellement qualifié... cinquième !
On ne peut que constater que la FIA est adepte de la devise "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué". Pas sûr que la fin des pénalités pour changement de moteurs mette fin aux polémiques : il y aura toujours quelque chose à sanctionner !