Les rencontres insolites : Ford Crown Victoria I / Mercury Grand Marquis II

Au début des années 80, les grandes berlines américaines à moteur V8 ont eu du mal à survivre au ralentissement de l’économie américaine et aux divers chocs pétroliers.

Beaucoup de spécialistes prédisaient la fin de ces paquebots à moteur V8 qui allait aussi vite qu’une Toyota Corolla d’entrée de gamme tout en consommant 15l/100, il en sera tout autrement avec l'arrivée sur le marché d'une légende de l'industrie automobile américaine.

D’ailleurs, pendant cette période d’incertitude économique, les constructeurs américains ne développaient pas de nouveau modèle sur ce segment par crainte d’une chute brutale de la demande. Cependant, même si les ventes de grosses berlines V8 étaient en baisse, la demande était toujours là, année après année, à la plus grande surprise des constructeurs. Les Chevrolet Caprice, Ford LDT ou Pontiac Parisienne aux designs angulaires restèrent donc une dizaine d’années au catalogue sans changement majeur.

Le renouveau d'un segment, la Ford Mercury arrive

C’est en 1991 que Ford va enfin proposer une nouvelle génération de Mercury Grand Marquis/ Ford Crown Victoria après avoir proposé pendant 12 ans la Grand Marquis/LTD Crown Victoria aux lignes à angles droits. Elle va rapidement faire de l’ombre à toutes ses concurrentes grâce à un style étrangement moderne et aérodynamique pour cette catégorie.

Cependant, elle sera rapidement restylée en 1993 car la face avant typée Ford Taunus avec l'absence de calandre au bout du capot perturbait la clientèle conservatrice. Autre changement après le restylage, la plaque d'immatriculation à l'arrière passera du parechoc à la malle pour plus de lisibilité.

© Ford USA / La Ford Crown Victoria Phase 1 avec une face avant à la "Taunus"

Quand on parle de « modernité », on exclut la partie châssis car il a été tout simplement repris de la première génération de 1979. Les suspensions ont cependant été revues pour corriger le roulis et le manque de grip. La tenue de route est proche de celle de la Taunus qui est très correcte pour ce paquebot de 5,4 m de long et quasiment 2 m de large !

Les freins ont été grandement améliorés avec un ABS de série qui permet à la voiture de mieux freiner qu’une Camry (Toyota) ou qu’une Accord (Honda) de l’époque ! Un tour de force de la part de Ford sur ce point surtout que la Crown Vic pèse 1 700 kg, soit 500 kg de plus qu’une Accord IV. Un système d’anti-patinage fut également proposé en option.

Il n’a qu’un seul moteur disponible que ce soit pour la Ford ou la Mercury. Il s’agit d’un tout nouveau moteur V8 4,6l qui produit 190 ch. Ce small block, appelé Modular, équipera tous les modèles de la marque qui disposent d’un moteur V8 de 1990 à aujourd’hui, y compris l’actuelle Mustang ou le nouveau F-150 !

En 32 ans, ce moteur aura eu de très nombreuses variantes et améliorations au cours de sa carrière. Il existe avec 6 cylindrés différentes, de 4,6l à 5,8l en n’oubliant pas la version V10 de 6,8 qui équipait le van Econoline, le gros SUV Excursion, les pick-up Super Duty du F-250 au F550 ainsi que des bus scolaires ! Outre des Ford, ce moteur équipera aussi certaines des supercars les plus folles telles que les Koenigsegg CCR, la Panoz Esperante, la Marcos Mantis ou la Brabham BT62.

© rwcar4 sur Flickr

Dans la Vic, ce moteur permet un gros gain de performance avec un 0 à 100 abattu en 9"3 ce qui est nettement mieux que la concurrence qui utilise des V8 de 20 ans d'âge. Ce moteur possède d'autres qualités telles que sa grande souplesse et une très bonne fiabilité. Mieux encore, la consommation se limite à 11l/100 km ce qui est très raisonnable pour la catégorie.

En plus de ça, l'habitacle est très vaste et le coffre est immense ce qui intéresse fortement les compagnies de taxi et les services de police. Les dirigeants de Ford sentent qu’il y a moyen de jouer gros sur ces deux marchés très spécifiques. Ils décident donc d’écouter plus en détail les exigences des taxi et des policiers dans le but de proposer des versions spécifiques de la Crown Vic destinés à ces corps de métier.

© Ford USA / Apparition d'une calendre entre les feux avants pour la phase 2 de la Vic

Mécaniquement, le moteur est boosté à 210 ch, la boîte et la transmission sont renforcés pour pouvoir supporter les folles course poursuites de Californie et les embouteillages de New York. En termes d'équipement, un système de radio est présent ainsi qu’une séparation entre les sièges avant et la banquette arrière. Un pare-buffle était disponible en option dans le but d’éviter d’endommager la voiture lors des manœuvres PIT de la police qui consiste à accrocher le pare choc du fuyard pour le mettre hors de la route (il parait que di Grassi utilise les mêmes méthodes en Formula E).

Gare à vos pare-chocs arrières ! /© rwcar4 sur Flickr

De l'autre coté de la concession, chez Mercury, la Crown Victoria sera vendue sous le nom de Mercury Grand Marquis. Il s'agit de la deuxième génération de ce modèle, la première étant une Ford LTD rebadgée. A cette époque, Mercury n'était plus que l'ombre d'elle-même puisque les seules modèles proposés étaient des Ford rebadgées avec un habillage et une finition plus luxueuse. La marque Mercury sera supprimée en 2011 à cause de la crise financière de 2008 même si les débats sur l'avenir de cette marque étaient ouverts depuis de nombreuses années déjà.

© Guillaume Vachey / On peut croise de drôles d'engins au Liechtenstein comme cette Mercury Grand Marquis Phase 1

Si on joue au jeu des 7 erreurs, la calandre est chromé et légèrement plus grosse que celle de la Vic, il y a des barrettes de chrome sur les cotés et au niveau du contour des vitres, le parechoc avant est redessiné pour accueillir des gros antibrouillards et la ligne de toit se termine de manière plus abrupte sur la Mercury avec l'absence de la troisième vitre arrière.

A l’intérieur, le coté "luxe" est présent avec des couleurs noirs/gris alors que la Ford a un intérieur beaucoup plus clair. Par contre, les instruments de bord sont beaucoup plus basiques sur la Grand Marquis que sur la Vic qui pouvait avoir un tableau de bord digital en option.

Cela est sans doute dû à la clientèle assez âgée de Mercury qui est peu friand de nouvelle technologie. On peut également noter le fait qu’elles peuvent accueillir 6 passagers dans des sièges très confortables mais qui ne maintiennent pas le corps en place.

© Ford USA

Vous l’aurez donc compris, nous avons ici à faire à… une bonne voiture américaine des années 90 (si, si) ! Alors que les Japonais se lancèrent plein pot sur le marché des grandes berlines avec les Lexus LS, Acura Legend et Infiniti Q45, Ford a magistralement réussi à contrer cette invasion en proposant une voiture qui allie tradition et modernisme. Cerise sur le gâteau, Chevrolet sort en même temps une nouvelle génération de Caprice qui aura eu du mal à rivaliser avec la Crown Vic à cause de son aspect "péniche" et d'une qualité de fabrication inférieure.

Entre 1991 et 1997, Ford vendra 688 000 exemplaires de la Crown Vic de première génération ce qui est énorme pour ce type de voiture. A titre de comparaison, la Caprice se vendra à 506 000 (berline + break) durant la même période. La deuxième génération de la Crown Victoria est sortie en 1998 avec encore plus de succès puisqu'elle frôlera le million d'exemplaire mais ça, c'est une autre histoire...

En compétition

Comment dire... A part pour les 24h of Lemons ou les Crown Vic ont été assez nombreuses, personne n'a jamais osé faire une version de course de cette icone américaine.

© Michael Harley / Weblogs, Inc.

Qu'en a pensé la presse ?

Voila l'avis du Guide l'Auto 1994 à propos de la Vic :

Avec le V8 4,6 litres à arbres à cames en tête, leur silhouette aérodynamique et leurs ressorts pneumatiques arrière disponibles en option, ces grosses Américaines sont en mesure de fort bien se défendre face à une hordes d'importées proposant des dimensions plus modestes et la traction aux roues avant. Ce que ces importées ne peuvent offrir, c'est le silence de roulement et la suspension boulevardière de ces Ford et Mercury qui nous rappellent la "belle époque".

Mais contrairement aux tenues de route guimauves d'autrefois, ces deux rescapées de jadis ont un comportement routier très honnête pour un véhicule de ces dimensions. [...] Grace à leur raffinement, ces deux berlines permettent de profiter de l'ancienne servie à la moderne et les performances sont surprenantes pour un tel gabarit.

Guillaume Vachey

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