Le Grand Prix de France 2022 se tient sur le Circuit Paul Ricard, pour une quatrième édition depuis son retour en 2018. L'occasion de s'entretenir avec son directeur, Eric Boullier, où l'on évoque les défis du Grand Prix de France dans son plan de circulation et sur l'avenir de l'événement.
Après avoir rejoint l'organisation du Grand Prix de France en 2019, Eric Boullier en est devenu le directeur. A l'approche du Grand Prix de France 2022, il nous confie ce qui a été entrepris pour améliorer l'expérience du spectateur.
Un plan de circulation ambitieux pour le Grand Prix de France
Après votre nomination à la tête du Grand Prix de France, quel a été votre axe de travail ?
La première chose a été de comprendre l'organisation en place, d'en connaître tous les détails, d'auditer ce qui était prioritaire dans les tâches à accomplir. La première chose que j'ai faite, c'est de m'adresser aux fans qui étaient là en 2018 et qui ont eu des complications notamment sur le plan de circulation et de la mobilité.
Avec l'équipe, on a créé une communication autour de ça et on a continué à mettre en place les changements qui ont été fait dès 2019 et qui ont plutôt bien fonctionné. A présent, il faut qu'on passe au niveau supérieur en terme du plan de circulation et que l'on soit irréprochables à ce sujet.
Avec une affluence record sur cette édition 2022, comment s'articule l'organisation ?
Suite à l'édition de 2018, on a totalement repensé le plan de circulation, et pour cette année encore, nous l'avons élevé à un niveau encore plus ambitieux. Ainsi, pour 2022 on va limiter l'accès au Circuit Paul Ricard à son strict minimum. Nous avons voulu limiter le nombre de voitures qui pouvaient accéder au plateau de Signes, afin d'être raccord avec notre politique de développement durable. Nous voulons encourager le co-voiturage et il y aura donc des parkings de délestage afin d'orienter les spectateurs vers des navettes pour accéder au circuit.
Nous avons créé 13 lignes de bus, il y aura deux gares routières autour du circuit, on va filtrer les accès au circuit. Il y a eu quelques places réservées au circuit pour ceux qui voulaient quand même y accéder (via l'achat d'un Green Pass), mais on n'autorise que les voitures qui sont au complet pour accéder au circuit. En revanche les parkings relais seront gratuits, tout comme les navettes où des départs seront programmés toutes les 4 minutes.
Et puis au niveau de la Région, des TER à 10 € ont été mis en place, pour desservir jusqu'à la Ciotat et dont beaucoup profiteront avec des transferts en navettes qui iront jusqu'au circuit. D'autres ont aussi été affrétées (mais payantes) au départ de Toulon, Nice, Marseille... Et il y aura aussi un double TGV qui va desservir Paris et Lyon, le dimanche matin et le retour le dimanche soir. On a mis en avant un vaste plan qui devrait fonctionner correctement comme cela a été confirmé par la société qui l'a audité.
Quel est le plus grand défi logistique pour un circuit avec cette affluence record ?
Avec notre expérience, on espère pouvoir dimensionner l'événement à l'offre et la demande. On a pris en considération la logistique de la restauration, il y aura certainement des pics d'attente, c'est inévitable à certaines heures. Mais avec cette grande affluence et le fait que ça se joue à guichet fermé, on a décidé d'organiser cela avec les jauges maximales que l'on pouvait garantir et nous nous sommes préparés en conséquence.
L'avenir du Grand Prix de France en jeu ?
Cet exercice 2022 du plan d'accès au circuit peut-il compter dans les négociations de prolongation ?
Bien sûr c'est quelque chose sur lequel nous sommes attendus, observés et on va être jugés sur ça. Maintenant, nous sommes confiants, d'autres circuits ont réussi à le faire, je pense notamment à Zandvoort aux Pays-Bas, dont l'accès est pourtant très compliqué. Il n'y a pas beaucoup de solutions, si l'on veut éviter les bouchons autour du circuit avec cette affluence, il faut trouver des palliatifs, donc mettre en place un plan de circulation différent.
Que doit faire le Grand Prix de France pour sécuriser sa place au calendrier ?
Il y a en place ce qu'on peut appeler un "cahier des charges" pour le futur. Il faut savoir se remettre en cause, car la F1 a clairement le vent en poupe, et aujourd'hui avec 23 Grands Prix, et bientôt 24 ou 25 qui serait le maximum par saison, on sait qu'il y a plus de candidats que de places disponibles. La FOM est toujours à l'étude pour l'organisation de ses futurs calendriers.
Ensuite, il faut que notre événement soit perçu comme un Superbowl, c'est à dire de donner l'envie à tout le monde de venir. Nous avons notre marque de fabrique, nous sommes la "Summer Race", mais on a aussi beaucoup d'activités en dehors de la piste. Nous avons d'autres animations et des concerts tous les soirs, il faut que ce soit une belle fête et que les personnes s'y plaisent et éviter que tout le monde quitte les lieux en même temps et profitent un peu de ce temps en dehors de la course.
S'il n'y a pas d'autre choix qu'une alternance avec un autre pays, ce serait une solution de repli acceptable ?
Aujourd'hui la FOM est encore au temps de la réflexion, afin de construire les calendriers 2023, 2024, 2025 et 2026 ! Imaginons que nous ayons rapidement 28 candidats pour le calendrier de la F1 et que seules 25 places soient possibles, il pourrait y avoir des rotations entre les Grands Prix. Mais, nous, en tant que Grand Prix de France, nous ne sommes pas fermés à l'idée d'une alternance avec un autre Grand Prix.
A-t-il été envisagé que le Grand Prix de France soit une épreuve urbaine ?
Le Grand Prix de France a un contrat avec le Circuit Paul Ricard, ce contrat se termine fin 2022. Mais, avec le plan ambitieux de mobilité de cette année, nous espérons que cela puisse pencher dans la balance pour prolonger le contrat.
On l'a vu, la viabilité d'un événement comme un Grand Prix se construit sur 5 ans, on arrive au terme de cette période, même si elle a été contrariée par le Covid, nous sommes complets cette année. Et c'est à partir d'une fréquentation comme celle-ci que l'on peut construire sur l'avenir. L'idée c'est de pérenniser notre place avec ce que l'on a déjà mis en place au cours de ces dernières années.
Qu'en est-il du changement du tracé, il fut un temps évoqué une modification du secteur 1 ?
C'est après les courses de 2018 et 2019, qu'une réflexion était née pour modifier l'aspect du premier secteur du circuit afin de redonner un peu d'intérêt, d'intensité ou des possibilités de dépassement pour les pilotes. Des travaux d'étude ont été commandés, mais la pandémie du Covid a un peu remis ça à plus tard. Puis, l'édition 2020 fut annulée, et nous avons eu un Grand Prix en 2021 absolument superbe et très disputé. Nous avons même été élu 5e meilleur Grand Prix de la saison par les Britanniques, et le 3e meilleur Grand Prix en nombre de dépassements.
Finalement, le niveau serré entre les équipes en 2021 a montré que la lutte était intense et que le circuit n'avait pas beaucoup d'impact et n'influe pas sur la qualité du spectacle proposé. Au Circuit Paul Ricard, on a de belles courbes à moyennes et hautes vitesses, et avec les nouvelles monoplaces de 2022, on devrait avoir une jolie course.
Cette date fin juillet, plutôt que fin juin, vous convient-elle mieux ?
On n'a pas choisi la date, mais ce rendez-vous fin juillet a plutôt bien été accueilli. Néanmoins, on avait certaines interrogations et inquiétudes notamment en terme de sécurité et les incendies par exemple, et c'est l'une des raisons pour lesquelles on a quand même mis une jauge. Nous accueillerons 200 000 spectateurs sur les trois jours du Grand Prix, mais nous aurions pu aller au-delà, le dimanche on attend 77 000 personnes (le circuit est homologué pour recevoir jusqu'à 103 000 personnes par jour) !
Par rapport à notre précédente date de fin juin, ça posait un souci auprès de certains parents car l'école n'était pas terminée (et d'autres avaient des examens). Cette année, certains nous ont dit qu'ils pourraient enfin venir assister au Grand Prix, donc on est gagnant sur ce point là. Il a des bons points et d'autres un peu moins dans chacune des dates du calendrier, mais on ne choisit pas notre place au calendrier, donc on sera ravi du créneau que la FOM nous accordera et on s'adaptera en fonction.