Le Grand Prix d'Europe 1999 est certainement l'une des courses qui aura marqué la fin de la décennie des années 90. Heinz-Harald Frentzen aurait pu y signer une Masterclass, mais une stupide erreur l'en privera.
Lorsque le paddock de la F1 se rend pour la seconde fois de la saison en Allemagne ce 26 septembre 1999, c'est pour y disputer le Grand Prix d'Europe sur le Nürburgring. Une saison en 16 manches qui se terminera avec les rendez-vous de Sepang et Suzuka qui allaient suivre au mois d'octobre.
Frentzen abandonne sa victoire sur un stupide oubli
Trois hommes sont bien placés au championnat en arrivant au Nürburgring : Mika Häkkinen (McLaren-Mercedes) avec 60 pts, Eddie Irvine (Ferrari - qui fait le job en l'absence de Michael Schumacher) à égalité de points avec le finlandais et Heinz-Harald Frentzen (Jordan Grand Prix) qui totalise 50 unités. Du côté des victoires, le finlandais a glané 4 trophées (Brésil, Espagne, Canada, Hongrie), l'irlandais en compte 3 (Australie, Autriche, Allemagne), l'allemand en possède 2 (France, Italie).
L'homme-fort en arrivant au Nürburgring, c'est Heinz-Harald Frentzen fraîchement auréolé depuis Monza de sa seconde victoire de la saison, il ira se rassurer en qualifications en décrochant la pole position devant les deux pilotes McLaren pendant que les pilotes Ferrari ont sombré au-delà de la 4e ligne de départ. Mais que s'est-il passé pour que le leader Frentzen qui menait la course depuis le début, abandonne à la sortie des stands ?
Mark Gallagher révèle le terrible oubli...
Mark Gallagher était directeur marketing de Jordan Grand Prix à l'époque, il a donc su de l'intérieur quelle était la cause de l'abandon de l'allemand qui avait été annoncée comme une panne électrique, en fait il n'en est rien, la raison est des plus banales, un stupide oubli...
Ce dernier rappelle qu'après la course, s'en est suivi un communiqué de l'équipe expliquant la panne électrique pour éviter d'invoquer la vraie raison et de couvrir de honte le pilote Heinz-Harald Frentzen. Un oubli qui a eu des répercussions sur le classement final du championnat 1999, qui sait, sur la carrière du pilote allemand ?
"Les voitures étaient équipées d'un système anti-calage pour s'assurer que les arrêts se déroulent sans accrocs" explique Mark Gallagher. "La clé du système était que le pilote devait l'activer puis le désactiver. Et Heinz-Harald ne l'a pas désactivé lorsqu'il a quitté les stands."
Alors qu'il menait la course depuis le début, le pilote Jordan était sous pression des deux pilotes McLaren, Ralf Schumacher suivait sur sa Williams. Lorsqu'il rentra aux stands à la fin du tour 31, l'écossais le suivit comme son ombre. Les arrêts se déroulent parfaitement dans les clans McLaren et Jordan, Frentzen ressort en première position mais ne parcourra que quelques hectomètres avant d'abandonner après le premier virage.
"Comme Eddie (Jordan, Team Principal) en parle dans son autobiographie, Sam Michael en tant qu'ingénieur de course de Heinz-Harald lui rappelait toujours la manœuvre quand il quittait les stands "désactive, désactive...", parce que vous deviez désactiver le système pour tout faire fonctionner de manière normale une fois que vous reveniez en piste."
Michael et Frentzen oublient le rappel de l'anti-calage
Mais cette fois-ci, le rappel pour désactiver l'anti-calage ne viendra pas aux oreilles de Frentzen. "À cette occasion, Sam ne le préviendra pas. Il venait simplement de l'avertir qu'il avait une marge de 4"5 sur Ralf Schumacher". Selon Eddie Jordan, Sam Michael n'a pas répété les instructions qu'il faisait normalement à son pilote car il y avait beaucoup de pression sur Frentzen. Il menait la course, toute l'équipe était concentrée sur la sortie des stands, l'instruction de l'anti-calage ne viendra jamais.
Ainsi, lorsque Frentzen a rejoint la piste, il a signalé qu'il avait perdu la puissance alors que le système était toujours actif. Il a eu pour conséquence de mettre la voiture au point mort et de faire grimper le V10 Mugen-Honda dans les révolutions moteur. Le pilote allemand a abandonné au premier virage et les mécaniciens ont découvert le problème lorsqu'ils ont réussi à redémarrer la voiture pour la première fois, une fois arrivée dans le garage.
Pannes et conséquences
C'est alors une équipe soudée qui a préféré communiquer sur une panne électrique plutôt qu'infliger un camouflet à Heinz-Harald Frentzen. "Il est indescriptible ce que ressentait l'équipe ce soir-là, car nous avons réalisé si vite qu'il s'agissait d'un abandon auto-infligé", ajoute Gallagher.
"Mais il n'y avait pas de colère contre Heinz-Harald. Il ne faut pas oublier que nous avions remporté deux Grands Prix (Magny-Cours et Monza avec Heinz). Le sentiment de l'équipe envers Heinz n'aurait pas pu être meilleur et avec tout le respect que je dois à Damon (Hill, son coéquipier), Heinz l'a surclassé alors que Damon avait déjà en quelque sorte pris sa retraite dans sa tête."
Quelle autre issue si Frentzen avait remporté cette course ? Une course à élimination où les leaders ne furent pas épargné, l'allemand précédemment cité, David Coulthard, Giancarlo Fisichella et Ralf Schumacher. Au moment où Frentzen menait la course, ses rivaux pour le championnat (Eddie Irvine et Mika Häkkinen) étaient hors des points. Si le pilote Jordan avait inscrit cette troisième victoire, il aurait pu conserver ses chances pour le titre, sinon pour une seconde place au classement (il a terminé à la 3e place en 1999).
De son coté, l'équipe aurait pu faire pression sur Honda pour que les japonais les considèrent à part égale avec l'écurie BAR (motorisée par Honda à partir de 2000) sinon en faire leur équipe d'usine. Dès 2001, Jordan Grand Prix troqua les Mugen-Honda pour les Honda officiels et ils terminèrent devant BAR-Honda pendant les deux saisons (2001 et 2002) où ils furent propulsés tous deux par les blocs japonais.
Ils durent néanmoins se contenter du moteur Honda de second choix puis l'équipe BAR allait devenir Honda Racing en 2006 (année où Jordan est devenue Midland après que le rockeur du paddock ait vendu son écurie en 2005 au milliardaire russe Alex Schnaider). D'une panne banale aux probables plus grosses conséquences...