La saison 2015 se finit dans une grosse paire de mois et la plupart des équipes ont annoncé leurs duos pour la saison prochaine. On remarquera peu de changements, les équipes préférant jouer la stabilité plutôt que la fraîcheur dans la dernière année avant une révolution annoncée. Seules quelques places restent disponibles pour des pilotes ayant une expérience plus ou moins importante dans la discipline, ou pour des pilotes disposant d’une mallette de billets bien remplie. Mais comment se décide un line-up ?
Qu’on se le dise ouvertement, le choix entre les pilotes d’une short list se fait principalement sur ces derniers critères dans une époque où la compétitivité et le manque de financement sont omniprésentes. Plus une équipe est en haut du plateau, plus elle misera sur l’expérience tandis que plus on descendra dans la hiérarchie, plus l’argent deviendra un facteur important. Parfois, un pilote combine les deux facteurs mais ils sont rares. Voilà le contexte de départ.
Cependant, si on regarde de plus près, on peut remarquer qu’il y a une multitude d’algorithmes dans le choix d’un duo de pilotes.
Le premier et l’un des plus importants pour une équipe reste l’aspect économique. Par ce mot très voire trop généraliste, on parle autant du rapport salaire/retour technique/points mais aussi de l’aspect « bankable » d’un pilote. Il faut savoir qu’un pilote est un investissement pour une équipe et non un salarié lambda. Grâce à son bagage acquis dans son passif, il peut apporter un retour technique important pour le développement de la voiture et/ou du moteur, ce qui peut axer le développement, les améliorations à apporter. En général, les pilotes les plus anciens sont ceux qui ont un retour technique plus fiable, plus important, plus constructif. Un pilote sortant d’une formule monotype aura un développement assez limité, sauf si ce dernier a usé le siège d’un simulateur ou d’une voiture lors d’essais. Mais qui dit pilote ancien dit aussi palmarès et salaire.
Avouons-le, toutes les équipes ne peuvent pas se payer un Fernando Alonso, un Jenson Button, un Sebastian Vettel ou encore un Lewis Hamilton. Des pilotes de ce calibre, avec au moins un titre de champion du monde, coûtent entre 10 et 37 millions d’euros, soit une importante part du budget d’une équipe de la seconde moitié du plateau. Certains pilotes acceptent de baisser leur salaire pour pouvoir rouler et apportent avec eux une expérience non négligeable. Dans ce cas, on peut parler de Felipe Massa, dont le salaire est de 4 millions d’euros.
En début de paragraphe, on parlait de pilote "bankable" aussi. Que se cache-t-il derrière ce mot barbare mais devenu courant ? Un pilote "bankable" est un pilote qui, de par son image, réussira à apporter de la popularité et du sponsoring. Plus un pilote est populaire, plus on le voit à la télévision, ce qui offre un espace de choix à tout sponsor. Bien entendu, il ne suffit pas de s’appeler Fernando Alonso pour attirer les sponsors car il y a aussi un effet contraire appelé "bad buzz" qui peut annuler l’effet souhaité. Par cet exemple, comprenez les piètres performances en piste de la McLaren-Honda.
Si on regarde de plus près l’impact marketing calculé par Repucom, Fernando Alonso est en tête devant Felipe Massa et Sebastian Vettel. Lewis Hamilton est au pied du podium devant Jenson Button et Nico Rosberg. Romain Grosjean, notre seul pilote francophone, est huitième avec un impact marketing de 66,56% et une notoriété nationale de 69,6%.
Les nombreux changements à l’intersaison ont provoqué quelques chamboulements dans le sponsoring des équipes, certains décidant de suivre les pilotes qu’ils parrainent.
Cela nous amène sur un autre point important qui concerne l’aspect "pilote payant". De plus en plus nombreux sur la grille, ils ne jouissent pas d’une excellente réputation et pourtant, qu’on se l’avoue encore une fois, sans eux, de nombreuses équipes auraient disparu. Il existe plusieurs sortes de pilotes payants. Il y a le pilote qui paye directement son volant en apportant un sponsor à l’équipe, comme Pastor Maldonado ou Felipe Nasr ; le pilote qui paye son volant avec des sponsors "discrets" comme Marcus Ericsson ; le pilote soutenu par une entreprise comme Romain Grosjean ; le pilote dont le premier volant a été payé pour placement comme à l’époque Fernando Alonso ou encore Michael Schumacher, ou encore le pilote provenant d’une filière comme les pilotes Red Bull. Tant de nuances qu’on serait gré de comprendre.
Aujourd’hui, une équipe de seconde zone regarde aussi cet aspect, parfois le privilégiant. Une équipe comme Manor, proche de la fermeture la saison passée, va chercher avant tout des pilotes apportant un budget pouvant aller jusqu’à 10 millions d’euros pour la saison. Il en va de même pour Sauber, Lotus, Force India et dans une mesure un peu moindre Toro Rosso, bien que soutenu par Dietrich Mateschitz. Mais le problème réside dans le fait que ce genre de pilotes apporte un pauvre retour technique, même s’il y a des exceptions. Mais une équipe est une entreprise qui, avant tout, a des charges, des emprunts, des dettes aussi et il faut assurer un budget sur l’année pour espérer être présent sur la saison en cours, voire la saison suivante.
Outre l’aspect économique, on a l’aspect qu’on pourrait qualifier de "politique". L’arrivée de Max Verstappen a obligé la FIA à mettre en place un système de permis pour obtenir la super licence. Tout pilote roulant en formule de promotion devra avoir 40 points sur son permis en fonction d’un barème très strict pour accéder à la F1.
Quand on regarde de plus près ce tableau, on peut se dire que la marge de manœuvre est vaste pour l’équipe qui souhaite engager un jeune pilote talentueux et/ou payant, d’autant que les points sont cumulables sur la période 2012-2014. Donc choisir un jeune pilote ne sera en aucun cas un obstacle pour une équipe, même s’il dispose d’une liste moins exhaustive que par le passé.
Le management d’un pilote est également un autre aspect du choix d’un pilote au sein d’une équipe. En effet, il faut qu’il y ait un maximum de connexions avec les sponsors et l’écurie, sinon l'obtention d'un volant est impossible.
Lorsqu’aujourd’hui, on entend Gene Haas parler du choix de son line-up, on peut se dire que les deux principaux facteurs sont en corrélation. L’équipe américaine souhaite un pilote membre de Ferrari et un pilote d’expérience. Décortiquons alors ce choix.
Un pilote membre de Ferrari semble un choix logique quand on voit le lien étroit qui lie les deux entités. Haas utilisera un ensemble Ferrari et le fait de choisir un pilote de la Scuderia apportera une ristourne non négligeable pour l’équipe. Si on en croit les divers papiers de la presse, le choix devrait se porter sur le mexicain Esteban Gutiérrez, soutenu par Carlos Slim et apportant avec lui une quinzaine de millions d’euros.
L’autre choix devrait se porter sur un pilote d’expérience. Là, on peut se dire qu’il ne reste peu voire pas de choix pour l’équipe américaine. Pour le moment, sont libres :
- Jenson Button qui dispose d’une grande expérience en F1 et qui a été champion du monde sur une voiture totalement inédite
- Romain Grosjean qui a fait toute sa carrière chez Enstone et qui dispose alors d’une expérience sur les moteurs Renault et Mercedes
- Jean-Eric Vergne qui est actuellement pilote de développement chez Ferrari et connaît donc l’équipe mais aussi ses composants
- Adrian Sutil qui dispose d’une certaine expérience en F1 tout comme Kamui Kobayashi
- Kevin Magnussen, même si ce dernier, avec son expérience d’une saison, ne devrait pas faire le poids…
Exit Giedo van der Garde, mal vu dans le paddock depuis l’affaire Sauber. Autant dire que certains candidats devraient très vite être écartés du fait du manque de roulage ou alors d’accord en vue. Pour le moment, les pistes semblent totalement brouillées sur ce choix.
Cependant, pour des raisons stratégiques, il est à noter que Haas n’alignera pas de pilotes américains. Cette idée aurait été intéressante pour permettre à la F1 de faire une meilleure percée dans le marché américain fortement concurrentiel avec l’IndyCar et la Nascar. Le candidat le plus sérieux aurait été Alexander Rossi, fort d’une expérience d’essayeur chez Caterham et d’une saison de GP2 intéressante avec à ce jour six podiums dont deux victoires et une seconde place au championnat.
On l’aura compris, il existe tellement de facteurs pour choisir un duo de pilotes que faire des pronostics semble relever de la chance. C’est vrai ! Par exemple, face aux problèmes de trésorerie de McLaren, qui osera parier que Jenson Button pourrait être évincé ou conservé moyennant une baisse de salaire ? Difficile n’est-ce pas pour nous, simple spectateur de la F1.
Peut-être que 2017 nous donnera un meilleur aperçu de la théorie de l’expérience versus l’argent du fait de l’arrivée d’une « révolution technique » dixit les instances dirigeantes de la F1…