Les rachats d’équipes sont une monnaie courante en F1, que ce soit par de grands groupes ou de riches millionnaires cherchant à y placer leur argent. Grâce à ces premiers, des équipes continuent à être présentes sur la grille. Cela a été le cas pour Manor en 2015, rachetée par Stephen Fitzpatrick au cours de l’hiver dernier et c’est le cas actuellement pour Lotus rachetée par Renault.
Certaines transactions se révèlent coûteuses, d’autres paraissent dans la presse comme une simple banalité, indiquées sous le terme « un sou symbolique », le sou qu’on peut remplacer aisément par un dollar, une livre sterling et même un euro. C’est ce que nous apprend le journal britannique The Telegraph concernant le dossier Lotus/Renault, l’équipe d’Enstone reprise pour une livre soit un peu plus d’un euro. Mais voilà, cette fameuse livre n’est pas sans condition et ne représente que la face cachée d’un iceberg.
Par le passé, deux cas similaires ont été entrevus en F1. Le premier concerne une équipe championne du monde, née dans les cendres de l'ambition démesurée d’un motoriste américain. Revenons en 2004. Jaguar Racing, équipe créée sous le succès venant de Stewart Grand Prix, n’arrive pas à obtenir les résultats tant attendus par son financeur, à savoir Ford.
L’équipe dispose d’un budget avoisinant les 210 Millions d’euros, dont presque 70 provenant directement des fonds du motoriste de Detroit, mais malgré cela, ne parvient pas à entrer dans le Top 5 au championnat des constructeurs.
Au cours de l’été 2004, Jaguar Racing et Cosworth sont mis en vente malgré des résultats financiers encourageants (bénéfices de 3,5 Milliards de dollars en 2004). Seulement, le motoriste estime que la rentabilité n’est pas assez convaincante et décide alors de se séparer de son équipe et du motoriste légendaire de la F1.
Si Cosworth est vendu au duo Gerald Forsythe/Kevin Kalkhoven, tous deux propriétaires d’équipes du championnat CART, la vente de Jaguar Racing arrive bien tardivement. Le projet initial était de la vendre à une entité chinoise comme l’indique Mark Gallagher dans son livre « The business of winning ».
Finalement, en novembre 2004, Ford décide de céder l’équipe, son usine et tous les actifs à Dietrich Mateschitz et Red Bull, alors sponsor de l’équipe via Christian Klien. Le milliardaire autrichien rachète l’équipe pour un dollar symbolique mais non sans condition. Il doit investir au cours des trois prochaines saisons à hauteur de 310 Millions d’euros dans l’équipe. Plus tard, l’équipe remportera les titres que Jaguar lorgnait.
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En 2008, Honda annonce son retrait de la compétition. La situation économique mondiale étant préoccupante et le constructeur japonais en ressent les effets, ce qui l’oblige à ne plus dépenser 200 Millions d’euros en F1.
Aussi, les résultats des dernières saisons sont moribonds pour l'acteur nippon. Seulement neuvième en 2008, un place de moins qu’en 2007 alors que l’équipe jouait les avant-postes en 2006, année de la seule victoire glanée grâce à Jenson Button. La reprise de BAR s’avère finalement un échec.
Le rachat de cette dernière semble inéluctable mais tarde pendant quatre mois avant qu'elle ne soit finalement cédée. Pendant le temps de la cession, Honda continue à faire travailler ses 700 employés sur la future voiture. La RA109 est développée tout au long de la saison 2008, ce qui a pour effet de sacrifier la pire saison de l’équipe.
Mais le changement de réglementation de 2009 a un effet positif. Rappelons-nous de 1994 et du changement important qu’a subi le règlement technique. La résultat a été un titre pour Benetton dont l’équipe technique était mené par… Ross Brawn !
Après la rumeur Prodrive, Carlos Slim ou encore Virgin, c’est finalement l’ingénieur britannique, homme de confiance selon Honda et multiple champion du monde avec la Scuderia Ferrari, qui reprend l’équipe pour une livre symbolique mais bénéficie alors d’un matelas confortable pour s’engager dans la saison 2009.
En plus d’une voiture travaillée (mais revue pour accueillir à la hâte, le moteur Mercedes) et prête à courir, l’homme a pu bénéficier du financement de l’équipe par Honda pour la saison complète, d’une aide financière de Richard Branson, homme à la tête du groupe Virgin. La belle histoire est celle que nous connaissons avec le double titre en 2009, puis la passation de pouvoir en fin de saison au groupe Mercedes, l'actuelle écurie Championne en titre !
Si dans un premier temps, on peut voir que ce rachat initial (Honda à Brawn) ne contient pas de conditions, il y a une de taille en fait : la vente à une personne de confiance et non à une tierce personne.
Pour aller plus loin, Honda aurait pu céder son équipe à un riche milliardaire et récupérer ainsi quelques centaines de millions d’euros dans cette transaction. Pourtant, c’est le contraire que se produit.
Honda a « donné » à Ross Brawn un véritable actif : presque 90 Millions d’euros d’immobilisations (terrains, usine, machines) et presque autant en trésorerie pour la saison complète (dont 40 Millions juste pour les salaires).
En cédant son équipe à une personne de l’intérieur, Honda se couvre légalement. En effet, le motoriste nippon a besoin de 12 mois pour absoudre légalement ses engagements envers le personnel de l'équipe, une garantie qui a été demandée auprès de Ross Brawn dans cette cession. En outre, cette opération ne devait être pas sans un gain puisque Honda aurait inscrit aux dettes de l’équipe la somme de 37 Millions d’euros.
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Aujourd’hui, c’est au tour de Renault de reprendre l’équipe Lotus pour la livre symbolique. Le constructeur qui a vendu son équipe à Genii Capital en 2009 reprend ses quartiers à Enstone, une base qu’elle connaît parfaitement.
Si la transaction semble dérisoire, elle permet de sauver une équipe et des emplois. Mais, au-delà du montant du rachat, il faut comprendre ce qui se cache réellement derrière cette opération en "blanc".
Si le constructeur automobile récupère 90% de l’équipe, elle prend avec cette participation la responsabilité du "Trésor de Genii Capital" : ses dettes !
Dans un premier temps, cette dernière envers l’administration fiscale britannique s’élevant à 3,5 Millions d’euros. Le groupe automobile français via sa division sportive prend aussi en charge les dettes accumulées auprès des fournisseurs, un montant avoisinant la centaine de millions d’euros si ce n’est pas plus.
Malgré la négociation d’une prime historique dans les droits FOM, Renault ne touchera pas le moindre centime de celui dû à Lotus. Bernie Ecclestone ayant pris une partie pour payer les salaires des employés pour un mois et les quelques différentes factures, le reste étant hypothéqué pour le dédit du contrat moteur Mercedes. Cela va permettre une facilité dans le changement du nom de l'écurie.
Genii Capital, auteur de cette mascarade, conserve 10% de l’équipe afin de pouvoir en tirer un léger bénéfice. Rappelons que le cabinet spécialisé dans les investissements a accordé un crédit global de 126 Millions d’euros à l’équipe de F1, insuffisant quand on voit les pertes générées depuis son entrée dans le Circus F1.
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Que le rachat soit fait par un milliardaire, une personne de confiance ou un grand groupe (automobile ou marketing), la finalité reste la même : Payer un euro, une livre ou un dollar n’est pas sans conditions, relevant souvent d’un investissement important que ce soit sur le plan financier ou sur le plan moral.
Mais ne doit-on pas se dire que la finalité à tout rachat est de nous permettre de garder une équipe sur la grille, d’offrir de belles histoires aux fans qui désertent un sport qui tente de se renouveler générations après générations ?