« Je ne crois pas qu’une femme aurait les capacités physiques pour conduire rapidement une F1 et elle ne serait pas prise au sérieux » tança Bernie Ecclestone il y a quelques temps.
La place des femmes dans le sport auto et en F1 en particulier est assez peu glorieuse. Bernie Ecclestone, grand manitou de la F1, souffle le chaud et le froid sur cette question. Il lance quelques propos polémiques par ci par là, puis revient à la charge avec des propos plus positifs lorsque toute la résonance commence à s'assourdir.
L'oncle Picsou de la F1 ne voit que l'intérêt financier de sa discipline et tout ce buzz lui est favorable. Créer une polémique et éteindre l'incendie ensuite, c'est la technique préférée de Bernie Ecclestone. Et la question des femmes n'est pas une exception. Cela étant dit, il ne faudrait pas croire que l'Anglais est plus misogyne que le sport qu'il représente. Car ces propos, aussi durs soient-ils, représentent malheureusement la pensée d'une bonne partie du monde de la F1.
Il est vrai, les femmes ne sont pas prises au sérieux en F1 aujourd'hui. Peu importe qu'elles pilotent vite et bien, elles ne le sont pas. Combien de railleries et autres propos indécents à l'encontre des jeunes femmes dans ces sports ? Si elles sont jolies et utilisent leur beauté pour obtenir des financements et de l'exposition médiatique, elles sont moquées... peu importe d'ailleurs que les mâles posent allègrement dans des campagnes de pub ou publient des photos d'eux en sous-vêtements sur leurs réseaux sociaux, et jouent donc de leur plastique. Une femme pilote doit être prise au sérieux et donc ne doit pas se dénuder, même un peu. La combinaison H24, cachez ce sein que nous ne saurions voir !
Bernie Ecclestone a tout de même confirmé, après coup, son envie de voir une femme en F1. Il faut y voir tout l'intérêt économique de la présence d'une femme pilote. Un public visé qui s'élargit offre plus de possibilités marketings, permettrait l'arrivée de nouvelles marques en tant que sponsors. Tout ça serait de bonne augure pour la F1, sans pour autant galvauder son niveau.
Aujourd'hui si un jeune homme de 17 ans, bien entraîné, peut piloter une F1, alors qu'est-ce qui empêcherait physiquement une femme de le faire ?
La Femme souffre en F1, comme dans les autres catégories de sport auto. Pourquoi ? La réponse la plus simple serait d'avancer la misogynie latente dans ces sports. Qu'on s'abrite derrière des argumentaires fallacieux comme « la F1 c'est un sport viril », ou plus scientifiques comme « physiquement les femmes sont plus faibles » ça n'en reste pas moins de la misogynie qui, au mieux s'ignore, au pire se cache.
Non, la F1 n'est pas une épreuve physique de chaque seconde, à tel point que les femmes ne pourraient le supporter. Il suffit de jeter un petit œil sur le plateau actuel en F1 avec des Jenson Button (1m81 pour 72 k), Sebastian Vettel (1m76 pour 64kg), Felipe Massa (1m66 pour 59 kg) ou des Carlos Sainz (1m77 pour 66kg). Et que dire d'un Max Verstappen à peine sorti de la puberté (1m80 pour 67 kg) ? Le gabarit des pilotes actuels ferait presque pâlir d'envie les sauteurs à ski. Certes il y a l’entraînement pour maintenir un tel état de forme, une exigence de plus en plus importante en raison de l'élément poids, actuellement prépondérant. Il faut des forces et surtout un excellent entraînement physique, et cela n'est pas un obstacle pour les femmes pilotes. Aujourd'hui si un jeune homme de 17 ans, bien entraîné, peut piloter une F1, alors qu'est-ce qui empêcherait physiquement une femme de le faire ?
Il y a déjà eu des femmes en F1, déjà eu des femmes en sport auto qui s'en sortent excellemment bien et des femmes plus mauvaises que d'autres aussi. Comme pour les hommes.
Mais pour avoir plus de femmes dans les sport auto, il faut montrer aux jeunes filles qu'elles peuvent le faire.
Une fois l’élément physique/physiologique balayé, que reste-t-il ? Bien souvent, on avance l'argument sur le manque de talent de ces jeunes pilotes, selon quoi elles ne sont là que pour leur physique avantageux et pour le coup marketing. Les derniers exemples en date vont dans ce sens il est vrai, cela n'aide pas forcément la cause défendue ici. Mais s'il faut attendre d'avoir la perle de la perle pour voir les femmes arriver en F1 il faudra peut-être attendre longtemps. Laissons juste l'accès ouvert, offrons aux femmes pilotes la même chance qu'aux hommes. Quand bien même cette chance arrive avec une valise pleine. N'exigeons pas la perfection immédiatement.
En lien avec le manque de talent, un autre point est généralement évoqué par ceux qui ne voit pas d'un mauvais œil la présence des femmes dans les compétitions de sport auto. Il s'agit justement de l'absence de ces dernières dans les catégories inférieures. Et c'est sans doute le véritable nœud du problème, là où tout peut changer. Oui il n'y a pas assez de filles, ce dès les compétitions de karting. Il n'y a donc pas assez de jeunes femmes dans les formules de promotions et forcément, les rares qui parviennent à continuer en sport auto suffisamment longtemps n'arrivent pas en F1, ou du moins pas forcément de la meilleure façon qui soit.
Il y a quelques années, le même Bernie Ecclestone évoquait l'idée d'un Grand Prix de F1 100% féminin en marge des Grands Prix. Idée controversée, mais pas idiote en elle-même. Susie Wolff, Michèle Mouton ou Simona de Silvestro s'étaient vivement opposées à cette proposition en l'air. Mais pour avoir plus de femmes dans les sport auto, il faut montrer aux jeunes filles qu'elles peuvent le faire. Évidemment voir des femmes dans le peloton actuel serait bien mieux mais soyons honnête ça n'est pas prêt d'arriver... sauf si on y met du sien, si on force les choses et si on montre au monde entier et aux petites filles du monde entier (et aux papas/mamans du monde entier) que les filles peuvent jouer aux voitures !
Laissons aux femmes pilotes le droit d'être aussi mauvaises que les hommes. Laissons leur le droit d'accéder à la F1 comme n'importe quel autre pilote.
Pour arriver à ce qu'une grande partie veut, à savoir que les femmes puissent intégrer de manière légitime et pérenne le monde des pilotes de F1, il faut bien commencer quelque part. Et l'idée d'une formule de promotion, plus qu'un championnat parallèle, me semble une bonne idée. Il faut que cette solution soit temporaire et ponctuelle. Qu'elle permette de réunir des femmes pilotes de tous horizons pour quelques courses dans l'année, en ouverture des Grands Prix de F1. Qu'elle permette de mettre en avant ces femmes qui se démènent dans un sport qui leur est fermé.
Il y a déjà, localement ou non, des idées qui se lancent pour ouvrir le monde du sport auto aux femmes. Des initiatives spontanées portées par l'envie de féminiser ce milieu, avec par exemple avec les journées 100% femmes au circuit de Karting au Castellet. Les différents programmes jeunes tels que l'Autosport Academy en Frances ou l'équipe Campos en Espagne, permettent l'apprentissage des différents métiers du sport auto tant aux jeunes filles et qu'aux jeunes hommes. L'équipe Teo Martín Motorsport alignera deux femmes pilotes sur les circuits de Formula V8 3.5 et EuroFormula Open cette saison. De quoi attirer l'attention, mais aussi aider les jeunes femmes pilotes à gravir les échelons des différentes catégories, avant peut-être la F1. Au-delà même du pilote, le monde du sport auto s'ouvre pour les femmes en ingénierie, mécanique ou manager. Les femmes ne sont plus seulement des attachées de presses et des hôtesses, et c'est tant mieux.
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Laissons aux femmes pilotes le droit d'être aussi mauvaises que les hommes. Laissons leur le droit d'accéder à la F1 comme n'importe quel autre pilote. Favorisons l'intérêt des plus jeunes pour ces sports mécaniques. La possibilité de voir une femme pilote rivaliser avec les plus grands de l'histoire augmentera avec des efforts et de l'envie.
Il y a du potentiel, sportif ou économique, à forcer l'entrée des femmes dans le pinacle du sport auto et dans toutes les disciplines mécaniques. Il y a du potentiel dans ces jeunes filles qui se battent comme des lions sur les pistes de karts, il y a du potentiel dans les yeux des petites filles et petits garçons qui les regardent du bord de la piste. Certes, c'est un peu naïf, voire carrément utopique, d'espérer voir des femmes et des hommes pilotes en lutte pour le titre mondial, mais qui sait, la future championne est peut-être entrain de faire ses premiers tours de piste en ce moment même ? Peut-être même concourt-elle déjà dans les catégories junior quelque part dans le monde ?
Il est dur, très dur pour les femmes pilotes de vivre leur passion du sport auto. Le sport auto est cher, il demande du temps et de l'investissement. Si par bonheur elles ont déjà tout ça, elles doivent ensuite affronter le machisme bien réel et bien présent. Les femmes pilotes n'exigent pas d'être en F1, elles demandent le droit d'y accéder au même titre qu'un homme, ni plus ni moins. Sans les embûches qu'elles subissent au fil des différentes séries. Le monde change, le sport auto doit changer également.