Pour parler des femmes dans le sport automobile, rien de mieux que de demander aux intéressées de s’exprimer.
En collaboration avec Formula Rapida, nous avons réuni trois de nos rédactrices et actrices du sport automobile lors d’une conférence sur ce sujet. Ainsi, Nina Rochette, rédactrice sur Formula Rapida ; Dorothée Julien, rédactrice sur France Racing et Chloé Hamon, également rédactrice pour France Racing, se sont exprimées sur divers sujets.
En tant que fan, prend-t-on au sérieux votre avis lorsque vous publiez sur des groupes ou des pages Facebook ?
(Nina) J’ai arrêté justement de répondre à des commentaires sur la F1 car ce sont souvent des gens qui ont beaucoup moins de connaissances que nous pouvons avoir. Ce sont souvent des « trolls » qui commentent et ne prennent pas au sérieux ce que nous racontons. Nous, qui sommes des filles, c’est encore plus compliqué. J’ai commenté de nombreuses fois les articles du temps de ToileF1. C’est pour cela que j’ai arrêté de commenter la F1.
Aujourd’hui, je me concentre plus sur les articles sur les jeunes pilotes afin d’y apporter mes connaissances sur le sujet. Je vais souvent dans les paddocks. Je suis un peu plus prise au sérieux là comme par exemple sur la page du Grand Prix de Pau mais aussi parce que je suis chez Van Amersfoort (équipe de FIA F3 et F4).
Malgré tout, c’est assez compliqué de faire entendre dans le sens où on ne nous prend pas au sérieux parce qu’on est des filles et qu’on regarde la F1 que pour les pilotes alors qu’on voit surtout des voitures tournées pendant 1h30 avec des pilotes casqués. J’ai arrêté pour l’instant de me battre sur la F1 mais je commente toujours sur les posts des gens qui parlent un peu trop vite du GP2, GP3 ou de la FIA F3.
(Chloé) Ça fait quelques années que j’ai arrêté de commenter. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas prise au sérieux mais surtout à cause des nombreuses discussions stériles. J’ai l’impression que les gens restent centrés sur leurs opinions. C’est pour cela que j’ai arrêté. Je n’ai jamais regardé si les commentaires faits par les filles sont pris au sérieux ou non. Il faut avouer que les gens ne lisent pas les commentaires des gens et qu’ils continuent à discuter sur leur propos.
(Dorothée) Je commente très peu finalement mais cela m’arrive encore sur des articles que je n’ai pas écrits ou postés moi-même. Cependant, parfois, il faut réexpliquer à certains ce qui est dit dans l’article. Je commente juste pour expliquer quelque chose qui est erroné. Concernant les commentaires, soit il n’est pas lu, soit il est accepté de la part des fans hommes. J’ai plus souvent eu des soucis avec des fans femmes. Je pense que la femme en tant que fan est plus acceptée qu’il y a 5/6 ans.
(Nina) Oui, c’est clair !
(Dorothée) C’était difficile de se faire remarquer. Aujourd’hui c’est dans les mœurs qu’une femme puisse aimer et commenter la F1 mais surtout qu’elle s’y connaisse.
En général, quand vous postez un article, prend-on vos écrits au sérieux ou se dit-on que c’est un article qu’aurait pu écrire un homme ?
(Nina) Je ne trouve pas. Nous sommes pas mal de filles chez Formula Rapida. Il y a au moins 5 filles qui écrivent régulièrement sur le site. Je ne pense pas qu’il y ait une grosse différence entre la façon dont j’écris un article et celle d’Arnau (Viñals, le fondateur de Formula Rapida). Aussi, je parle 3 langues sur 4 du site, je m’occupe beaucoup des traductions. Mais chacun a sa façon d’écrire mais il n’y a pas de différence d’approche entre une fille ou un garçon sur une information. Cela se verra peut-être plus sur un billet d’opinion et encore, pour en avoir traduit quelques uns et pour en avoir écrit quelques uns, je ne vois pas de grosses différences.
(Chloé) Je suis d’accord avec Nina. Je n’ai jamais vu de critiques parce que c’était moi l’auteure de l’article plus qu’un autre, ni vu de reproche à ce sujet.
(Dorothée) Au tout début que j’écrivais, sur la page que j’avais, j’ai eu quelques commentaires désobligeants parce que j’étais une femme. Mais depuis que je suis sur France Racing, je n’ai pas eu ce genre de problèmes. Par contre, autant sur de l’information, nous n’avons pas d’approches différentes avec un homme, sur les billets de fond, on a un regard décalé par rapport à un regard d’hommes qui est très ancré dans le milieu du sport automobile.
Aujourd’hui, quelle est la place réelle d’une femme dans le sport automobile ?
(Chloé) Les femmes ne sont pas forcément à des postes de communication comme beaucoup peuvent le penser. Chez Michelin, une conseillère technique va arriver prochainement. Je pense que la place de la femme peut aussi bien être à l’ingénierie que derrière un volant. Je pense qu’une femme peut avoir la place qu’un homme occupe. Il ne doit pas y avoir de différences selon moi.
(Nina) La majorité des femmes présentes dans le sport automobile sont cantonnées à des postes dans la communication (attachée de presse ou journaliste). Mais, en F1, il y a plus de femmes sur le Pit Wall (Ruth Buscombe chez Sauber, Kim Stevens chez Mercedes). Je trouve ça bien. Aussi, quand on voit Mercedes qui fait monter la responsable marketing (Victoria Vowles) sur le podium aux Etats-Unis, c’était un geste fort. On ne voit pas souvent des femmes comme ça.
Après, il faut encore travailler sur l’image de la femme en tant que pilote parce que si je dois me battre pour ça, je vais me battre pour Tatiana Calderon et non Carmen Jorda, tout du moins pour l’utilisation qu’on fait de l’image de Carmen Jorda.
(Dorothée) La position de la femme dans le sport automobile a beaucoup changé ces dernières années. On a beaucoup plus de femmes à des postes clés et autre que la communication. Ça avance au niveau de ces postes parce que ce sont des postes de l’ombre et c’est la compétence et la passion qui priment.
Pour la femme pilote, cela sera plus difficile à cause d’un autre phénomène qui est la médiatisation.