Privé de Grand Prix à domicile (la course d'Allemagne à Hockenheim étant annulée), le clan Mercedes ainsi que Rosberg, éliront domicile en Autriche devant un public acquis à leur cause, sur les terres, propriété de Red Bull.
Il faut dire que depuis le rachat du tracé de Zeltweg en 2005, le patron de la marque de boissons énergisantes, Dieter Mateschitz, l'a entièrement rénové mais en conservant son dernier aspect connu, celui de l'A1-Ring de 2003, mais en le rebaptisant : Red Bull Ring. C'est très habile de la part de Milton Keynes, car si leurs monoplaces ne s'y imposent pas, elle y accole son patronyme au palmarès de ses concurrents.
L'homme d'affaires est un puissant magnat de la communication, il l'a démontré depuis longtemps tant son empire sportif et médiatique est omniprésente dans tout ce qui peut être télévisuel et télémarketing. Le site de Spielberg n'échappe à pas à cette emprise, ce Grand Prix est la vitrine d'exposition communicante de la marque Red Bull avec son lots de magazines, des promotions, les médias sociaux, ainsi qu'une culture automobile entretenue auprès des fans par la démonstration des F1 d'antan. Le succès populaire n'est pas démérité.
Et pourtant, il en faut du mérite pour venir échoir son âme ici dans la région de la Styrie, coincée entre les montagnes autrichiennes à quelques 677m d'altitude, loin de toutes infrastructures d'accueil (hôtels, grandes agglomérations…) ou d'accessibilité aisée (autoroutes, aéroports…), il n'en reste pas moins un pan de l'histoire de la F1, où le public se déplace en masse.
Les qualifications furent perturbées par l'amoncèlement des nuages, de la pluie et des loupés de stratégies habituels, notamment dans le clan Ferrari, qui a condamné Räikkönen dès la première session. Rien n'est venu entraver la marche en avant des Mercedes pour la conquête de la première ligne, Hamilton devant Rosberg avant la dernière tentative des ultimes secondes.
Hamilton ira, de sa farce habituelle de déconcentration, enrobée d'amnésie passagère sur les repères de freinage, pour mordre une ligne blanche et expédier sa monoplace dans l'échappatoire du premier virage.
Là, jaloux, Rosberg plus rapide dans les deux secteurs, avait l'occasion de s'imposer dans l'exercice du samedi, mais un optimisme exagéré aura raison de lui dans l'enchaînement des virages 8, d'abord trop large, puis le dernier virage qu'il ne terminera pas et ira s'immobiliser dans la zone de dégagement. Statut-quo pour la première ligne verrouillée à nouveau par les Mercedes. Vettel se hisse en troisième position devant Massa et le récent vainqueur des 24 Heures du Mans, l'Allemand Hülkenberg sur la Force India accompagné de Bottas en troisième ligne.
Pour ce dimanche de course, les conditions de course ne sont pas suffocantes, l'air ambiant est à 14°C et le tarmac affiche un petit 27°C. La pluie n'est pas attendue pour la course.
A l'extinction des feux rouges, Rosberg prend un meilleur départ que son coéquipier qui n'a d'autre choix que prendre le premier virage à l'extérieur. Il reste dans le sillage du pilote allemand dans la seconde ligne droite, sans pouvoir tenter un dépassement.
A l'arrière, les drapeaux jaunes sont déployés pour une Lotus mal élancée, celle de Maldonado, ainsi que la Sauber de Ericsson, pendant que Kvyat ira endommager son aileron avant sur la Force India de Pérez.
A l'entame du second virage, Räikkönen s'y présente par l'extérieur en ayant bloqué ses roues avant devant le mur que représentent les Lotus. Pérez sur la Force India est à l'intérieur sur le vibreur suivi par Kvyat et un aileron meurtri. Derrière la Ferrari c'est Alonso sur la McLaren-Honda qui devance Ericsson sur la Sauber, suivent les Manor et Button sur l'autre McLaren qui a conservé sa protubérance nasale, et enfin Ricciardo sur l'autre Red Bull.
A sa remise en vitesse, Räikkönen, déjà victime des errances de Ferrari le samedi, devient à son tour coupable d'une erreur de jugement en perdant la motricité dictée par ses gommes Soft (les moins tendres disponibles) et donc moins en températures que les SuperSoft, le choix effectué par ses concurrents.
La sentence ne tarde pas à tomber, en patinant, la Ferrari louvoie du train arrière pour finalement partir à l'équerre et emporter avec elle Alonso qui se trouvait à l'extérieur de la trajectoire.
Le choc est impressionnant, la McLaren escalade la monoplace italienne par effet d'engrenage des roues. Les deux vestiges du premier tour sont immobilisés dans le rail de sécurité, les pilotes n'ont rien, et ont pu s'extraire par eux-mêmes de leur cockpit. Immédiatement, Button demande à la radio des nouvelles de son coéquipier Alonso, une posture qui l'honore, car il fut aux premières loges de cet accrochage et a été témoin de l'impact.
Une attitude que n'avait pas eu Hamilton à l'égard de Sutil et Bianchi à Suzuka en 2014, qui n'a demandé des nouvelles de l'état de santé des pilotes, une fois sur le podium, quelques trente minutes après l'effroyable accident.
La voiture de sécurité entre en piste, naturellement, à la vue des ralentis, on s'aperçoit que l'accident aurait pu être plus sérieux, le fond-plat de la McLaren rasant de moins de trente centimètres le casque de Räikkönen !
Et là, nous brandissons à nouveau le retard accumulé par la FIA et la FOM sur l'introduction d'une bulle sécuritaire pour protéger la tête des pilotes ! Ne soyons pas obtus au point de penser que les monoplaces se doivent d'être ouvertes !
Une hérésie de mettre au second plan l'aspect protectionniste des pilotes au profit d'un Sacro-Saint spectacle, quand bien même le spectateur lambda ignore tout du règlement sportif et technique. Une vie n'a pas de prix, et n'est pas à mettre dans la balance des sentiments du public pour sauver les apparences des F1 de jadis.
Les accidents ne font pas partie de la course, ils y mettent un terme, parfois tragiquement ou définitivement.
Six boucles durant, la voiture de sécurité s'effacera pour relâcher la meute aux ardeurs un peu émoussées, il n'y aura pas d'accroc lors de la relance de la course.
Le classement au tour 7 : Rosberg, Hamilton, Vettel, Massa, Hülkenberg, Verstappen, Bottas, Nasr, Sainz et Grosjean.
En tête de la course, Rosberg s'applique à dérouler son plan d'action pour maintenir ses distances face à Hamilton, il sait qu'à la régulière, les Mercedes feront un cavalier seul, et le tracé n'offre que peu d'opportunités de dépassements.
Alors que la course au calvaire s'achève pour Button, les McLaren auront sauvegardé leur cinquième moteur Honda, si celui-ci n'a aucun organe en cause dans ces abandons.
Voilà que Grosjean s'adonne à ses joies les plus répétitives, le frotte-roues avec Sainz, renvoyé en onzième position derrière la Force India de Pérez aux gommes moins véloces (les Soft contre les SuperSoft pour le Français), il se retrouve en difficulté et il ira arpenter les zones de dégagements situées entre les deux derniers virages.
Au quinzième tour, Bottas expliquera à tous par la démonstration, l'utilité et la roublardise d'une zone d'activation de l'aileron arrière mobile, le DRS.
Si un pilote réussit à se déporter au point d'être capable de doubler avant le virage, mieux vaut calmer ses velléités et se faire flasher en seconde position sur la ligne de détection. Ce faisant, le pilote plonge à la corde, s'empare de la position de son adversaire et bénéficie d'une meilleure vitesse grâce à l'artifice aérodynamique. Une leçon de techniques de pilotage.
Les arrêts aux stands se profilent, Grosjean est le premier à les emprunter à la fin du tour 23, Hülkenberg et Sainz en feront autant une boucle plus tard. Bottas qui était resté en piste, n'est pas parvenu à prendre le meilleur sur la Force India de son poursuivant.
Il faudra attendre une dizaine de tours pour voir les leaders stopper à leur tour, Rosberg en a la primeur. Massa esseulé en quatrième position l'imitera à la fin du tour 34, mais Hamilton décale d'une boucle supplémentaire son arrêt aux stands. Il finira par s'y résoudre un tour plus tard, laissant le leadership à Vettel, contraint à son tour de marquer, lui aussi, son seul et unique passage par la voie des stands.
La contrainte de Vettel viendra surtout du fait qu'une roue arrière récalcitrante donnera des sueurs au mécanicien avec le pistolet pneumatique. Il perd des secondes par poignée, du temps qu'il ne pourra pas rattraper en piste, le temps perdu l'est à tout jamais !
Lorsque Vettel reprend la piste, la Williams de Massa est passée devant, le podium vient de lui échapper, il va entreprendre sa mission d'effacer une désillusion dans le clan Ferrari.
Le rang des abandons va connaître deux nouveaux pensionnaires avec le retrait pour ennuis techniques de la Toro Rosso de Sainz, ainsi que la Lotus de Grosjean. Les commissaires de course enquêtent sur un franchissant de ligne à la sortie de la voie des stands par Hamilton, encore une erreur accumulée de la part du Champion en titre, certainement un peu trop sans être confronté à un tiers.
Le pilote anglais se verra ajouter cinq secondes de pénalité à son temps de course final.
Le classement au tour 39 : Rosberg, Hamilton, Massa, Vettel, Bottas, Hülkenberg, Pérez, Ricciardo, Verstappen, Kvyat.
Les Red Bull sont d'une transparence abyssale pendant cette course. Si l'on connait désormais toutes les carences de la monoplace autrichienne, il n'en reste pas moins que le constat est alarmant. L'alliance avec Renault vacille dans la dramaturgie à chaque week-end de Grand Prix. Ici, leur sort était entendu dès lors que la décision fut prise (et nécessaire) de changer les blocs V6, les renvoyant donc en fond de grille.
Outre une communication nauséabonde pour l'ensemble du personnel, et la récente image ternie par le manque de fair-play des instances dirigeantes (Horner, Marko, Mateschitz), c'est également la carrière des deux pilotes, Ricciardo et Kvyat, qui s'étiolent course après course…
Quelques politesses en piste nous offriront de bien fades passes d'armes, Pérez s'octroyant la place de Nasr en délicatesse avec ses freins sur la Sauber, Maldonado, lui, prenant le meilleur sur Ricciardo, le pilote australien étant passager des aléas et du bon vouloir du châssis Red Bullien…
Vettel fait le forcing pour refaire son retard, il diminue boucles après boucles l'écart qui le sépare du podium. Un podium qui ne devait pas lui échapper à la régulière, tant la Williams ne peut se targuer d'être le meilleur compromis châssis-aérodynamique.
Le classement au tour 59 : Rosberg, Hamilton, Massa, Vettel, Bottas, Hülkenberg, Verstappen, Maldonado, Pérez, Nasr.
Bien que dans la zone d'activation du DRS, Vettel voit désormais les limites du tracé du Red Bull Ring, bien heureux qu'il ait changé de monture par rapport à l'an passé, si ce podium lui aurait été salvateur, les hommes de Milton Keynes auraient pesté contre leur propre circuit incapable d'offrir des opportunités de dépassements.
L'ultime fait de course, fera jaillir quelques étincelles, sous plancher, et malheureusement pas sous les casques, car Verstappen, l'apprenti ferrailleur, essaiera une bien mauvaise manœuvre en se décalant dans la trajectoire de Maldonado, DRS ouvert, et bien plus véloce que la Toro Rosso dont les gommes sont plus usées d'une dizaine de tours.
Le pilote vénézuélien en équilibriste évitera de très peu l'écervelé d'adolescent qui lui faisait barrage, il réussira le tour de force de conserver la motricité de la Lotus à quelques mètres du freinage en dénivelé positif du premier virage.
A l'issue de ses 71 tours, Rosberg s'impose pour la seconde année consécutive pour le retour du Grand Prix des edelweiss. Il devance un Hamilton un peu brouillon avec son erreur du samedi, et sa proportion à redessiner les lignes du circuit.
Massa est l'heureux parachuté du jour, profitant d'une bévue (une de plus) du clan des rouges qui aura coûté dix secondes à Vettel, le privant du podium. Cela fait deux courses de suite que Ferrari échoue dans sa seule quête viable, celle du podium, et a à nouveau offert une troisième place à une Williams. Bottas à Montréal par l'absence de Räikkönen, Massa ici à Spielberg par l'absence de Vettel. Quelle cohésion !!!
Le Finlandais Bottas termine sa balade bucolique en Autriche à une lointaine cinquième place, il ne regrettera que d'avoir oublié son appareil photo.
Le récent lauréat du double tour d'horloge de la Sarthe, termine en sixième place, l'Allemand Hülkenberg à l'art et la manière de sauver les honneurs. Mais à performer sans les trophées, quelle sera la patience du pilote Force India ?
Maldonado inscrit à nouveau des points en Autriche, tout comme au Canada, il termine devant Verstappen à qui, on ne saurait que trop conseiller de se rapprocher d'une bible d'expérience, un pilote retraité lui narrant les bonnes attitudes à adopter pour perdurer dans la discipline.
Pérez sur la seconde Force India ramène des points également, et devance l'esprit errant de la Red Bull et le fantôme de Ricciardo.
Classement de la course :
01- Rosberg (Mercedes) Vainqueur des 71 tours (307,020 Kms) en 1h30'16"930 (moyenne de 204,04 km/h)
02- Hamilton (Mercedes) + 8"800*
03- Massa (Ferrari) +17"573
04- Vettel (Ferrari) +18"181
05- Bottas (Williams) +53"604
06- Hülkenberg (Force India) +64"075
07- Maldonado (Lotus) +1 tour
08- Verstappen (Toro Rosso) +1 tour
09- Pérez (Force India) +1 tour
10- Ricciardo (Red Bull) +1 tour
11- Nasr (Sauber) +1 tour
12- Kvyat (Red Bull) +1 tour
13- Ericsson (Sauber) +2 tours
14- Merhi (Manor Marussia) +3 tours
15- Grosjean (Lotus) Abandon
16- Sainz (Toro Rosso) Abandon*
17- Button (McLaren) Abandon
18- Stevens (Manor-Marussia) Abandon
19- Räikkönen (Ferrari) Abandon
20- Alonso (McLaren) Abandon
*pénalité de 5 secondes ajouté au chronomètre final de course.
Gaël Angleviel.