Ce dimanche 24 Mai 2015 est le théâtre du 62ème Grand Prix de Monaco, le joyau de la F1, depuis son introduction en 1950 au calendrier (quatre éditions dans les années 50 furent éludées).
Rappelons-nous brièvement les caractéristiques du circuit monégasque. Son tracé est évidemment non permanent, l'asphalte y est peu abrasif, les arrêts aux stands seront vite expédiés.
L'effort est permanent ici, l'attention au maximum et aucune portion du circuit ne permet de relâcher la crispation de ses muscles. Il n'y a aucune véritable ligne droite, celle faisant office de grille de départ, n'en est pas une. La sortie du tunnel est en forte pente et intégralement en phase de freinage.
Atypique et sélectif seraient les meilleurs adjectifs pour qualifier cette œuvre que chaque pilote espère remporter un jour dans leur carrière.
Il est le tracé le plus court de la saison, mais le plus long et éprouvant en durée de course. Il n'offre pas la meilleure vitesse de pointe, mais au contraire la plus basse. Il reflète une morphologie la plus disparate, des virages lents et serrés, comme le Loew's, jusqu'à de longues courbes rapides, comme Beau Rivage ou le Tunnel. Des obstacles tels que des chicanes lentes, celle du Port, ou rapides comme à la Piscine…
Pour mieux comprendre, embarquons pour un tour complet du circuit :
La grille de départ est formée d'une courbe menant vers le premier virage à droite, Sainte-Devote, seulement 300m après la ligne de chronométrage. Il forme un véritable entonnoir sans offrir de visibilité sur le reste du tracé, les pilotes sont obligés d'y ralentir pour préparer la montée de Beau Rivage. Elle conditionne la longue courbe du Casino, un gauche-droite qu'il faut négocier serré pour aborder la descente vers Mirabeau.
Ensuite vint l'épingle étriquée du Grand Hôtel Hairpin (anciennement Loew's), il est le virage le plus lent du calendrier environ 45-60 km/h, y dépasser ici relève d'une dextérité sans commune mesure.
Le virage du portier, un double-droite, se présente déjà, il envoie les pilotes vers une nouvelle courbe, la plus spectaculaire du championnat, celle du Tunnel. A la sortie de celui-ci, s'accentue la descente vers la chicane du Port, le dénivelé présente toujours une bosse à droite près du rail, que les pilotes les plus aguerris évitent soigneusement. Ceux qui tentent le diable (les novices aux essais libres) le paient immédiatement et termine leur course, quelques hectomètres plus loin.
Si les pilotes réussissent le test de la forte décélération depuis les 300 km/h, ils peuvent à présent négocier la chicane du Port, qui expédie les courageux vers le septième virage, celui du bureau de Tabac.
Viennent ensuite les enchaînements à haute vitesse (200 km/h) de la Piscine, puis la Rascasse avant de venir saluer la Mémoire de Anthony Noghès, l'ultime virage qui conditionne le retour vers la ligne de départ/arrivée.
Vos repères à présent mémorisés, découvrons la grille de départ :
La veille, c'est Hamilton sur la Mercedes qui a imposé un rythme démoniaque, auquel, cette année, Rosberg n'a pu riposter, il a même usé quelques gommes et retaillé la forme sphérique de ces Pirelli.
Les Mercedes verrouillant encore la première ligne, c'est Vettel sur la Ferrari qui est en embuscade, accompagné de Ricciardo à bord de la Red Bull. Kvyat et Räikkönen les porteurs d'eau dans leur formation respective complètent la troisième ligne.
Les spécifications pneus apportés par Pirelli sont composées de la gamme la plus tendre, puisque le tarmac étant docile, les Soft (jaunes) et SuperSoft (rouges) sont de la partie, et une première de l'année pour les plus tendres.
A l'extinction des feux rouges, les pilotes iront parcourir à 78 reprises le tracé monégasque, seul Sainz sur la Toro Rosso manque à l'appel, sa pénalité reçue la veille le contraindra à s'élancer depuis la voie des stands.
La course :
Hamilton, le poleman, ne commet aucun impair et s'élance parfaitement, maîtrisant son coéquipier qui mimait une trajectoire quelque peu différente, en vain… Derrière, c'est plus confus, Vettel est en patinage dans Sainte-Devote, Ricciardo est paralysé, c'est Kvyat qui profite pour filer devant. L'Australien est coutumier des pertes de places au départ ici à Monaco, l'an passé déjà, les Ferrari profitaient de l'aubaine.
Dans le peloton, peu d'incartades jusqu'au virage bas de Mirabeau où Alonso à bord de la McLaren-Honda en délicatesse au freinage, voit son train arrière se dérober, et harponne par double contact la Force India de Hülkenberg, l'obligeant à terminer sa trajectoire dans les protections. La monoplace indienne repartira avec quelques éléments aérodynamiques en moins. Alonso, lui, sous investigation, écopé d'une pénalité de 5 secondes pour cet incident.
Il ne sera pas le seul à emprunter prématurément la voie des stands, Massa à bord de la Williams-Mercedes, dépourvue d'aileron avant, effectuera une réparation et un changement de pneus.
Au tour 2, le classement est le suivant : Hamilton, Rosberg, Vettel, Kvyat, Ricciardo, Räikkönen, Pérez, Maldonado, Verstappen, Button.
Les positions étant établies, et les velléités des premiers tours refroidies, la hiérarchie se dessine, se fige…
Maldonado à bord de la Lotus-Mercedes voit sa course prendre une fin précoce avec des problèmes de freins. Le pilote ne pouvant exploiter tout le potentiel de sa monoplace est rattrapé rapidement par Verstappen sur la Toro Rosso-Renault. Le Vénézuélien tente de jouer sa partition, en retardant au maximum l'échéance, jouant de roublardise à la remise en vitesse à la sortie de la chicane du Port, il tarde, sciemment, à remettre les gaz, Verstappen n'a pas cette expérience, il se frotte à la Lotus, et perd une dérive de son aileron avant.
A Monaco, les occasions de doubler se réduisent à la portion congrue, ainsi, si votre plus proche adversaire au championnat est en seconde position, vous pouvez vous jouer de lui.
Si le leader développe un rythme de course nettement supérieur, ce qui est le cas aujourd'hui avec Hamilton par rapport à Rosberg, il se doit de jeter en pâture son plus proche adversaire au reste du peloton, avant de ne reprendre son rythme de course soutenu.
Mais, quel intérêt comptable pour Hamilton de ne devancer que d'une seule place Rosberg à chaque course ? Ici, à Monaco, l'occasion est trop belle de ralentir son adversaire direct, pour qu'il soit en proie au troisième comparse qui ne demande pas mieux que gagner une place supplémentaire.
Hamilton n'a pas mis en jeu la place de Rosberg, ce n'est pas la meilleure des stratégies.
En tête, Hamilton, le leader, prend déjà un tour au groupe Hülkenberg, Sainz et Ericsson, au tour 25
Alors que les premiers arrêts aux stands ont appelé Nasr et Grosjean qui se disputaient la dernière place octroyant des points au championnat, cette occasion ne changera pas leur position.
Au tour 28, c'est Kvyat, le pilote russe qui jusqu'alors a profité de la stratégie Red Bull et bénéficie de la protection de Ricciardo sur un éventuel retour de Räikkönen. Chez les ex-champions du monde, on démontre de beaux restes dans la sauvegarde des points essentiels. A défaut d'exceller on essaie de démontrer un corporatisme d'état. Si l'effet de traitement d'équité (réelle) entre équipiers peut amoindrir leur peine, c'est aussi l'occasion de jouir d'une communication gratuite et bénéfique. Ils ne gagnent plus, mais ils traitent correctement leur pilote. Nous y voyons, nous, un cruel constat d'échec, le poids des quatre couronnes mondiale devenant un fardeau !
Le classement au tour 30 : Hamilton, Rosberg, Vettel, Ricciardo, Räikkönen, Pérez, Button, Kvyat, Alonso, Nasr.
Parmi les hommes de tête, c'est Vettel qui choisit le premier d'effectuer son arrêt à la fin du tour 35, suivi par Ricciardo.
Räikkönen en fera de même au tour suivant, comme Rosberg qui ressort sous l'aileron de Vettel. Le Finlandais sur la Ferrari a prit le meilleur sur l'Australien de Red Bull.
Hamilton est le dernier a troquer ses gommes super tendres (SuperSoft) pour les moins tendres (Soft).
Alors que la hiérarchie s'est reformée sans grand chamboulement, Alonso qui pouvait espérer les points, les premiers de l'année, se voit contraint à l'abandon, sa transmission ayant rendu l'âme à l'entame de ce tour 43, il posera pied à terre à Sainte-Devote.
Un point sur les Williams, ici, qui ne sont pas à leur aise. L'écurie de Grove ne cesse de régresser, en manque de nouveautés et de développement de la voiture, une carence de fonds propres, combinés à la propension à pêcher sur la stratégie en course. Les employés de Claire Williams auront beau gesticulés, ils ont déjà montré leur jeu et abattu toutes leurs cartes...
Le classement au tour 50 : Hamilton, Rosberg, Vettel, Kvyat, Räikkönen, Ricciardo, Pérez, Button, Nasr, Grosjean.
Dans le trafic, c'est Verstappen qui joue du zèle, après le contact avec Maldonado quand celui-ci avait des problèmes de freins, le pilote Toro Rosso suit de près la Ferrari de Vettel pour tromper son coéquipier Sainz qui reçoit un drapeau bleu. La feinte fonctionne, le pilote espagnol est dupé par le Néerlandais.
Se sentant désormais en confiance, le plus jeune pilote du plateau souhaitera réitérer son astuce sur Grosjean qui devra céder face à Vettel. Mais le pilote Lotus bloque les ardeurs du Néerlandais.
Equipé de pneus neufs depuis son second arrêt aux stands, la Toro Rosso est en passe de doubler la Lotus, mais pendant trois tours durant, le débutant semble s'agacer, et à l'entame du tour 62, il vient harponner la roue arrière droite de la Lotus. La monoplace italienne subit le choc, la suspension avant gauche est détruite, la voiture n'est plus qu'un projectile qui s'en va mourir dans les protections du premier virage à Sainte-Devote.
Verstappen est bon pour réviser ses classiques, le pilote est un peu sonné, mais conscient et non blessé. Le pilote Lotus reprend la piste, en y ayant laissé des plumes. Pour l'incident, les repères de freinage de Grosjean semblent avoir été modifiés. Le Franco-Suisse aurait-il voulu tester la dextérité de son adversaire ?
La voiture de sécurité fait son entrée en piste. Rapidement nous voyons de l'agitation dans le stand Mercedes, un pilote semble s'y immobiliser, c'est le leader, Hamilton. Celui-ci ressort derrière la voiture de sécurité, derrière Rosberg, derrière Vettel…
Le voilà en troisième place, et les deux hommes devant lui, ne semblent pas vouloir effectuer la même opération. Alors qu'elle est cette ineptie pondue à la hâte ?
Défiant tous les pronostics, Mercedes décroche, et de loin, la Palme d'interprétation de la stratégie qui vire à la farce…
Quant la voiture de sécurité s'efface, même équipé de SuperSoft, Hamilton sait son sort scellé, il n'aura quasiment aucune opportunité de doubler Vettel, puis Rosberg.
Dans le peloton il y a un peu plus d'animation, Ricciardo plus véloce que Räikkönen, s'en défait à Mirabeau, non sans le pousser copieusement (et ne pas être pénalisé pour autant).
Le pilote Red Bull a pour objectif de se mêler à la lutte pour le podium, les ordres sont donnés à Kvyat de laisser sa place à l'Australien.
Cependant le pilote Red Bull échouera dans son entreprise du gain de la troisième place, il rendra sa position à son coéquipier dans l'ultime virage.
Jamais inquiété depuis la reprise du déroulé de la course, Rosberg s'impose en Principauté, jugée comme étant ses terres, il y triomphe même pour la troisième année consécutive.
Vettel, qui n'en demandé pas autant pour se jouer du marasme Mercedes, récupère une seconde place presque inespérée. Hamilton, victime de son écurie, échoue à la troisième place du podium.
Les pilotes Red Bull franchissent donc la ligne d'arrivée groupés, quatrième et cinquième pour Kvyat et Ricciardo.
Räikkönen se classe sixième sur la Ferrari devant un étonnant et placide Pérez sur une Force India qui n'était pas candidate aux points à Monaco.
En huitième position, c'est Button qui ouvre le compteur de points pour McLaren-Honda, cela motivera les troupes, tout en gardant à l'esprit que cela ne reflète pas la renommée de l'écurie.
Les deux dernières places synonymes de points reviennent à Nasr sur la Sauber, qui peut s'apparenter à un véritable miracle, Sainz obtient l'ultime unité en jeu, il s'élançait depuis la voie des stands.
A noter que le vainqueur se voit remettre le trophée des mains de SAS Albert II Prince de Monaco, comme à l'accoutumé. Le Prince Albert est un assidu de sa course à domicile, à laquelle il assiste depuis 1964, il dut y renoncer à 3 reprises seulement pour des raisons officielles, en 1970, 1981 et 1996.
Le classement de la course :
- Rosberg (Mercedes) Vainqueur des 78 tours en 1h49'18"420 (moyenne de 142,8 km/h)
- Vettel (Ferrari) + 4"486
- Hamilton (Mercedes) + 6"053
- Kvyat (Red Bull) + 11"965
- Ricciardo (Red Bull) + 13"608
- Räikkönen (Ferrari) +14"345
- Pérez (Force India) +15"013
- Button (McLaren-Honda) +16"063
- Nasr (Sauber) +23"626
- Sainz (Toro Rosso) +25"056
- Hülkenberg (Force India) +26"232
- Grosjean (Lotus) +28"415
- Ericsson (Sauber) + 31"159
- Bottas (Williams) +45"789
- Massa (Williams) + 1 tour
- Mehri (Manor) + 2 tours
- Stevens (Manor) + 2 tours
- Verstappen (Toro Rosso) Abandon
- Alonso (McLaren-Honda) Abandon
- Maldonado (Lotus) Abandon