La saison 2019 de Formule 1 va opérer quelques changements dans le but d'améliorer encore le spectacle. Allons-nous assister à une saison palpitante, qu'en pense Julien Fébreau, journaliste et commentateur des Grands Prix sur Canal+ ?
Afin de répondre à certaines questions sur cette saison 2019 et les changements qui nous attendent, nous avons sollicité celui qui était présent à tous les rendez-vous de la saison du calendrier de F1, du premier virage au dernier, voici l'avis de Julien Fébreau.
1 – Cette nouvelle saison 2019 va offrir un nouveau règlement aérodynamique 2019, peut-on et doit-on s’attendre à une hiérarchie chamboulée et de vraies surprises ?
Allons-nous avoir de vraies surprises ? Ce n’est peut-être pas ce nouveau règlement aérodynamique qui va nous offrir de réelles surprises, même si comme dans tous les sports lorsqu'un nouveau règlement, technique qui plus est, entre en vigueur cela apporte son lot de nouveautés. Il peut y avoir de possibles réussites chez certains et des échecs chez d'autres.
La hiérarchie ne sera pas chamboulée pour autant mais comme il s'agit d'un changement aérodynamique important, les écuries avaient chiffré ce déficit en performances qui semblait important on évoquait presque 2"5 et même 3" de plus au tour. Mais déjà il se dit dans les coulisses des équipes que les ingénieurs auraient réussi à combler cet écart.
Il n'en reste pas moins que les grandes écuries qui disposent de grands moyens techniques, humains et financiers parviennent rapidement à combler cet écart, c'est logique. Ce qu'il ne faudrait pas observer c'est que le fossé soit creusé et que les petites écuries en pâtissent plus alors qu'un resserrement hiérarchique était espéré.
Ce qui sera intéressant sera de voir quel ingénieur aura le mieux interprété le règlement pour compenser cet aileron simplifié à l'avant. On verra les premières idées à Barcelone pour les essais hivernaux, mais encore plus à Melbourne pour le premier Grand Prix de la saison où les écuries dévoileront leur dernière innovation.
2 – En tant que journaliste (et toute neutralité d’usage mise de côté), pensez-vous que la saison 2019 s’annonce comme excitante et indécise, avec la génération des Champions actuels (Hamilton, Vettel…) et les espoirs de demain comme Leclerc, Verstappen, Gasly ?
Nous sommes effectivement dans une période de la F1 très intéressante à observer, car d'un coté nous avons Lewis Hamilton, quintuple Champion du Monde de F1, qui encore une fois fait un travail exceptionnel. Il est certes dans la meilleure écurie du moment, mais il réussit à tout extrapoler, il n'est pas champion par hasard. Il fait des tours de qualifications extraordinaires, on voit quand même un réel écart de performances avec son coéquipier Valtteri Bottas. On a la chance de pouvoir assister à cette démonstration avec ces champions-là.
Sebastian Vettel n'est pas en reste non plus, même s'il n'a pas réussi à mettre tout bout à bout pour exceller chez Ferrari, mais ça reste dans la catégorie des très grands pilotes et des champions hors-norme.
Ensuite, il y a effectivement la jeune génération montante qui a l'air extrêmement prometteuse, mais il faut rester prudent en Formule 1. Je rappelle qu'il y a 2 ans, on prédisait un avenir exceptionnel à Stoffel Vandoorne, il gagnait tout dans les formules de promotion, et puis il s'est fait torpiller par la mauvaise passe de performances de McLaren et la cohabitation avec son coéquipier Fernando Alonso. Pourtant, le pilote n'est pas devenu mauvais, loin de là, mais les circonstances ont fait qu'aujourd'hui, il n'est malheureusement plus en F1.
Pour Charles Leclerc qui arrive chez Ferrari, c'est un pilote avec un début de carrière phénoménal, mais il faut rester prudent. Il reste jeune, il aura un coéquipier quadruple Champion du Monde, ce qui sera une première pour lui, il sera pour la première fois confronté directement à un pilote de ce calibre. C'est déjà le challenge de sa vie, il est calme, mais ça sera très intéressant à regarder, on a hâte de suivre ça sur les antennes de Canal+.
Du coté de Pierre Gasly, c'est également une belle histoire, il est arrivé au sommet de la F1. C'est un garçon intelligent qui construit sa carrière formidablement bien. Il sait les défis qui l'attendent. C'est une sacrée aventure, il aura comme coéquipier Max Verstappen, ce n'est pas rien. Quant à Red Bull, ils sont en pleine restructuration moteur donc c'est quelque chose à surveiller également.
Pour Max Verstappen, quand on observe sa seconde moitié de saison en 2018 assez impressionnante, s'il continue sur ce niveau en 2019 et avec un package fiable et performant, il va être un sacré client pour la victoire. Mais il est certain que c'est un champion en devenir.
Il est dommage que nous n'ayons plus Fernando Alonso en Formule 1, on aurait aimé le voir courir encore sur les Grands Prix, mais c'est comme ça ! Et puis n'oublions pas Kimi Räikkönen de retour chez Sauber, car c'est la belle histoire aussi. Il continue d'avoir envie de piloter et de gagner surtout, on a des personnages bien identifiés en F1, ça va être très intéressant cette nouvelle saison.
"On ne devrait pas dépasser les 25 Grands Prix par saison, car on atteint aux limites de la cadence des écuries et des hommes qui font beaucoup de déplacements."
3 – La F1 va connaître de nouvelles destinations, c’est toujours intéressant pour le renouveau du calendrier, mais n’y a-t-il pas un risque à l’avenir de dénaturer l’aspect exclusifs des Grands Prix de F1, notamment en allongeant un calendrier au-delà de 20 courses, déjà ?
Les calendriers à rallonge c'est une histoire de compromis. La F1 se doit de garder son socle de Grands Prix historiques, on n'imaginerait pas une saison sans le Grand Prix de Monaco. De la même manière que l'on n'enlèverait pas Roland-Garros d'un Grand Chelem en Tennis, ce serait impossible.
Maintenant, la F1 est un sport qui répond aussi à des marchés pour des marques, des constructeurs, donc il est normal que cela corresponde à l'appel de certaines destinations. C'est intéressant, c'est un Championnat du Monde donc il faut couvrir l'ensemble des continents. La Chine est un marché très important comme l'Asie de manière globale, les États-Unis également et c'est la raison pour laquelle on cherche à y ajouter des courses.
Mais le plus complexe est de garder cette proportion où ceux qui travaillent en F1 puissent encore suivre la cadence, le personnel des équipes, les mécaniciens, les ingénieurs et les pilotes évidemment.
Alors certes, il y a cette notion de business car cela fait partie de la F1, mais on commence déjà à voir les limites du calendrier. Aujourd'hui nous sommes à 21 dates, on pourrait arriver à 22 voire 23 courses prochainement, mais l'idéal serait de ne pas dépasser 25 Grands Prix. Nous sommes proches d'avoir deux équipes de travail par écurie, donc il faut que cela reste mesuré.
"Le Halo est devenu indispensable au même titre que le HANS, aucun pilote ne voudrait piloter sans cela..."
4 – L’évolution de la sécurité a encore pris tout son sens cette saison avec le Halo et a déjà prouvé son utilité, mais certains fans pestent encore contre l'aspect disgracieux de ce dernier. Comment peut-on leur faire accepter cette idée que l’évolution / la révolution technologique de la F1 sert aussi à la sécurité ?
On a eu beaucoup de retours de la part des passionnés et des fans de F1, sur les réseaux sociaux notamment, mais finalement l'aspect visuel du Halo n'a pas été le sujet principal de la saison. Finalement, ils l'ont visuellement rapidement intégré et n'en ont pas trop relaté au vu de la compétition qui était haletante entre Sebastian Vettel et Lewis Hamilton.
Quant à son utilité c'est quasiment indiscutable, on a pu l'apercevoir au Grand Prix de Belgique lorsque la roue de la McLaren de Fernando Alonso est venue frapper le Halo de la Sauber de Charles Leclerc, quand on voit les traces sur le Halo, on se dit que sans cet élément de sécurité, on aurait pu malheureusement déplorer de sérieuses conséquences.
Ensuite pour l'acceptation à proprement parlé du Halo, heureusement nous avons une faculté d'adaptation exceptionnellement rapide. Lorsqu'on regarde les débuts de la F1 dans les années 50, les pilotes n'auraient pas compris l'utilité d'une ceinture de sécurité, et plus tard d'un casque intégral.
En son temps le système HANS (accroché au casque et qui empêche le coup du lapin) était fortement décrié, Rubens Barrichello ne voulait tout simplement pas le porter. Aujourd'hui, je ne connais aucun pilote qui monterait dans une voiture sans son HANS, c'est impensable.
Aujourd'hui, les pilotes sont quand même les plus à même d'apprécier les éléments de sécurité mis à leur disposition. Sebastian Vettel par exemple disait que sans le Halo, il manquerait quelque chose à sa voiture.
5 – Comment peut-on élargir le spectacle de la F1 à différents publics ? Le virage du numérique semble enfin amorcé avec l’ère Liberty Media mais est-ce suffisant ?
Le format digital est évidemment très important, je vais parler de l'exemple que je connais le mieux : Canal+. Aujourd'hui on observe avec l'application MyCanal, qui permet d'avoir l'accès depuis n'importe où au contenu de la F1, que la demande et la consommation est réelle.
L'offre s'est adaptée, une chaîne de TV comme Canal+ a choisi cette voie-là, tout comme Liberty Media qui détient les droits de la F1, il faut développer cet aspect-là. Quant à la fréquentation audiovisuelle et celle sur les circuits, on constate une tendance à la hausse et c'est tant mieux.
La discipline est à nouveau sur la bonne phase ascendante, après une période où elle a pu perdre un peu de l'audience, mais heureusement la courbe s'est inversée. Les chiffres des audiences en France sont très bons. Il faut continuer de pouvoir divertir le public, d'y intéresser les plus jeunes pourquoi pas car aujourd'hui on a une cible de trentenaires.
"On veut que les téléspectateurs de Canal+ se sentent dans l'ambiance d'un Grand Prix. On veut leur donner envie de se rendre sur une course ou qu'ils y retrouvent ce qu'ils ont déjà connu."
6 – Canal+ a mis les moyens pour la couverture médiatique de la F1 et c’est un travail qui n’avait encore jamais été fait en TV. Existe-il une volonté de faire encore mieux et/ou différent pour être encore plus percutant ?
On couvre la F1 depuis 6 ans, nous entrons dans notre 7e saison, il y a tellement à dire, tellement de sujets à couvrir que nous faisons notre maximum avec un contenu le plus varié possible. Alors il est évident qu'on peut toujours faire mieux, il serait présomptueux de dire que nous sommes parfaits, on regarde ce qu'on fait, si ça plait, ce qui a déjà été fait ce qui ne l'a pas encore été, on s'adapte en permanence.
Par exemple, nous avons été surpris à quel point le rendez-vous "Onboard" (qui rediffuse le Grand Prix depuis les caméras embarquées) génère un grand intérêt et parfois même parmi des personnes qui ne sont pas forcément fans de F1, ce format "Onboard" c'est encore une autre forme de spectacle.
C'est un rendez-vous qui plait aux fans de sport auto mais pas seulement, c'est une vision encore plus décalée de la course. C'est une autre façon de capter un public qui n'a peut-être jamais regardé un Grand Prix de F1.
Ensuite pour ce qui est de notre équipe, on a de la chance d'avoir des personnes vraiment au top. On a de bons journalistes, de bons consultants, on tient beaucoup à cette atmosphère et cette bonne ambiance. On va toujours proposer le même contenu avec cette philosophie de l'immersion, c'est ce qui est important pour nous. On veut que les téléspectateurs qui se sont déjà rendus sur un Grand Prix retrouvent la même ambiance, et ceux qui n'ont pas encore eu la chance de s'y rendre, de leur donner l'envie de franchir le pas.
7 – Est-ce que Julien Fébreau peut s’autoriser à un pronostic ? Combien de victoires dans le clan francophone pour cette saison 2019 ?
C'est difficile, j'ai bien entendu la nuance "francophone" (rires...), donc on englobe notre monégasque Charles Leclerc. Il y a 21 Grands Prix, on va dire... 5 victoires, et si Charles Leclerc se place en favori pourquoi pas 10 victoires. N'oublions pas que Lewis Hamilton s'est battu pour le titre dès sa première saison avec McLaren, Charles Leclerc peut se trouver dans cette même situation, ce n'est pas impossible.
Si la voiture est bonne, Charles Leclerc peut avoir ses chances, on va dire environ 8 victoires pour lui, 1 pour Pierre Gasly et 1 pour Romain Grosjean, on leur souhaite grandement.
8 – En dehors des micros de Canal+, quel sera le programme sportif de Julien Fébreau en 2019 ?
C'est une très bonne question ! Normalement du Rallycross comme toujours, ça reste ma discipline de prédilection en tant que pilote amateur. S'il m'est possible de me diversifier, pourquoi pas, je suis curieux de toutes les disciplines. On verra comment ça va se dérouler, mais c'est vrai que je veux continuer à piloter.
Quel que soit le résultat de cette saison 2019 de Formule 1, le spectacle annoncé promet d'être à la hauteur de l'Histoire et du palmarès de la discipline. Il y aura une lutte intense entre les pilotes pour le sacre mondial, il y aura de belles histoires, et Julien Fébreau nous les narrera juste après le premier virage...