Liberty Media s'apprête à vivre son premier et lourd chantier avec le projet 2021, qui comprend une nouvelle règlementation et de nouveaux accords commerciaux.
La F1 va vivre son premier tournant depuis la reprise par Liberty Media au CVC Capital Partners et à "tonton'' Bernie Ecclestone. La F1 de 2021 va changer, avec une carrosserie généreuse, un aileron avant simplifié, un aileron arrière plus large, un aérodynamisme accru avec effet de sol, une suspension simplifiée et des pneus à profil bas avec jantes de 18 pouces. Le budget plafonné va également entrer en vigueur, tout comme la nouvelle organisation. Enfin, les accords commerciaux vont évoluer, même s'ils sont, pour le moment, en attente de validation.
Si, sur le papier, tout semble aller parfaitement pour la F1, en coulisses, c'est une véritable course contre la montre qui attend Liberty Media pour éviter le pire des scénarios.
L'égalité en travaux et beaucoup trop de déviations en F1
Pour la F1, cette transformation en profondeur pourrait avoir de grandes conséquences. Aujourd'hui, aucune équipe n'est assurée d'être sur la grille de la saison 2021. Ferrari n'a pas encore confirmé, via la voix de son PDG Louis Camilleri, sa présence pour sa 61e saison consécutive. Il en va de même pour Mercedes, dont les dernières rumeurs annoncent une vente à deux potentiels acheteurs. Red Bull/Toro Rosso attendent la décision de Honda quant à son avenir en F1. L'équipe Renault n'est pas non plus assurée d'être en F1 en 2021, avec la nouvelle restructuration du groupe français.
Le système a décidé qu'y avait pas de place pour tout le monde
Deux équipes ont exprimé leur souhait de rejoindre la F1 en 2021. La première est l'entité chinoise Panthera Team Asia F1, projet porté par l'ancien de l'équipe SMP Racing Benjamin Durand et Michel Orts, qui était derrière le projet China F1 Racing Team. La seconde est Campos, qui court actuellement en FIA F2 et FIA F3.
Ces deux équipes connues attendent pour le moment la validation d'un possible appel d'offres. Cette décision interviendra le 4 décembre prochain. L'équipe espagnole Campos espère pouvoir entrer en F1 avec un budget de 80 millions d'euros, voire 100 millions d'euros, en utilisant le modèle économique de l'équipe Haas, qui s'appuie sur des partenariats forts avec Ferrari et Dallara.
On court dans le même championnat mais les fins de saison n'ont pas le même parfum
Qu'on se le dise, le budget plafonné est censé empêcher un tel écart entre les équipes de F1 de tête et celles du fond de peloton. Mais voilà, cette idée s'avère en fait un feu de paille à court terme. Dans le paddock, on le sait parfaitement, 2020 sera la saison la plus chère de l'histoire de la F1, avec des budgets qui vont exploser pour "contourner'' le futur budget plafonné. Les équipes mettront beaucoup de moyens la saison prochaine pour développer la monoplace de la saison 2021.
Le budget plafonné prend en compte de nombreux postes mais en exclut de nombreux également. Les unités de puissance ne sont pas concernées, au grand dam de Louis Camilleri, qui estime que le processus n'est qu'à ses débuts et que la F1 doit aller plus loin. Les pilotes sont également exclus de ce paramètre. Pour Zak Brown, le pilote est aussi important que la F1 dans une course. Il est un investissement important pour une équipe, et l'homme à la tête de McLaren pense qu'en incluant les pilotes dans le budget plafonné, dont certains salaires atteignent 50 millions d'euros, l'équipe devra choisir entre investir dans la monoplace ou dans le pilote.
Actuellement, les budgets des équipes passent du simple au double. Les comptes de la saison 2018, derniers publiés par les équipes en Grande-Bretagne, montre un budget de 338,38 millions de livres, loin des budgets de Renault (146,624 millions de livres) ou de Haas (102,718 millions de livres).
Les équipes que le système a oubliées
La gouvernance de la F1 est aujourd'hui composée du Strategy Group, qui comprend 18 membres (six nommés par la FIA, six nommés par le propriétaire de la F1, Mercedes, Ferrari, Red Bull, McLaren, Williams et la meilleure des autres équipes, à savoir Renault pour la saison 2019), et de la Commission F1. Ce système délaisse les autres équipes, ce qui a valu une plainte auprès de la Commission Européenne de la part de Sauber, devenue Alfa Romeo Racing, et de Force India, devenue Racing Point, en 2015.
Liberty Media veut simplifier cela en supprimant le Strategy Group et la Commission F1 pour ne faire qu'une gouvernance unie, regroupant l'ensemble des équipes, dix membres nommés par la FIA et dix membres nommés par le propriétaire de la F1. Tout le monde aura la possibilité d'exposer ses opinions mais ce processus pourrait avoir un côté néfaste dans la prise de décision. S'il faut actuellement l'unanimité pour changer une règle après la date butoir, il faudra, avec le nouveau système, pas plus de deux personnes contre. 25 votes pour seront nécessaires pour toute décision prise avant le 1er mai, date butoir pour tout changement, concernant la saison actuelle et la prochaine.
La F1 dirigée par des graphiques
Les Accords Concorde, qui régissent l'aspect commercial de la F1, n'ont pas encore été signés pour la saison 2021. Ce nouvel accord s'étendra jusqu'à la saison 2025 selon les premières informations. Un point sera crucial : la redistribution des primes. Aujourd'hui, le système est compliqué et inégalitaire.
Les équipes reçoivent environ 63% des bénéfices sous-jacents de la F1. Ce bénéfice est la somme après déduction des frais mais avant impôts, dépréciation et amortissement. 47,5% de cette somme sont répartis en 2 colonnes distinctes. Dans la première, les 10 équipes touchent une part égale. La seule condition pour obtenir cette part est d’avoir fini dans le top 10 lors de deux des trois dernières saisons.
Dans la seconde colonne, la répartition se fait en fonction du classement final, le Champion du Monde touchant 19% et le dixième et dernier éligible à cette prime 4%. Environ 11% servent à payer ce qu’on appelle une « prime premium ». Cette prime a été approuvée par les cinq équipes début 2012, avant l’expiration des Accords Concorde et est répartie entre Ferrari, Red Bull, Mercedes, McLaren et Williams.
Selon RaceFans, le nouveau système sera différent, sans l'être vraiment au final... Les primes seront toujours réparties en deux colonnes avec des exceptions. La première colonne sera toujours une prime égale pour chaque équipe, la seconde dépendra du classement au championnat, le Champion du Monde touchant 18% et la dernière 2%. Une prime sera répartie entre les trois meilleures équipes au cours des dix dernières saisons et Ferrari conservera sa prime historique, qui sera revue à la baisse.
Dans cette "branlette à grande échelle", difficile pour les équipes de voir un intérêt si elles se battent pour les derniers points d'un classement monopolisé en grande partie par Mercedes, Ferrari et Red Bull. Cyril Abiteboul affirmait récemment que les équipes sont libres de signer ou non les futurs accords, avec les risques que cela engendrerait.
Et "tonton'' Bernie Ecclestone, il en pense quoi ?
Alors que Liberty Media a choisi de mettre en place un plan "vert'' pour la F1, Lewis Hamilton n'a pas hésité à critiquer celui qui a fait de la F1 ce qu'elle est aujourd'hui.
"Je suis heureux que Liberty Media soit arrivé, parce que je ne suis pas sûr, si Bernie Ecclestone était resté, qu’il y aurait eu le moindre changement. La F1 n’aurait toujours pas de plans pour les réseaux sociaux, car il pensait que c’était inutile…'', déclarait récemment le Champion du Monde.
Bernie Ecclestone n'hésite pas à donner son avis dès qu'il en a l'occasion, laissant son ombre dans les paddocks de la F1.
Des révolutions que Bernie Ecclestone ne veut pas
L'ancien argentier de la F1 s'est exprimé il y a quelques semaines sur les transformations voulues par la F1, notamment la règlementation technique et le budget plafonné, que Max Mosley avait tenté d'imposer lorsqu'il était à la tête du pinacle de la monoplace.
"Je ne vois aucune raison pour un grand changement. Si tel est le cas, vous devrez alors changer quelque chose de façon spectaculaire. Par exemple, retour aux moteurs à aspiration naturelle'', expliquait-il à Auto Motor und Sport. "Nous n'avons pas besoin d'un budget plafonné. Si les règlements techniques sont bien rédigés, il n'y a pas besoin de cela''.
Idem sur les calendriers qui se rallongent de plus en plus, pour atteindre prochainement 22 courses durant la saison.
"16 courses suffisent. Plus il y a de courses, plus le produit est dévalué'', déclarait-il. "S'il n'y a que 16 courses, les organisateurs devront payer davantage en conséquence. Et ils vont le faire. Parce que leur événement est d'autant plus précieux en raison de la pénurie de Grands Prix''.
Rappelons que l'augmentation des calendriers s'est faite sous sa gouvernance. En 2005, la F1 a visité 19 circuits différents. Le maximum de l'ère Ecclestone a été 20 courses, en 2012. "Tonton'' est également à l'origine d'une problématique avec les circuits et les tarifs qu'ils payent. "Nous avons eu beaucoup de problèmes, en partie parce que nous sommes publics et qu'ils peuvent voir les tarifs, et aussi en partie parce que Bernie a suggéré à beaucoup d'entre eux qu'ils payaient trop cher'', expliquait Greg Maffei dans une conférence à la Deutsche Bank.
La F1 ne perdra rien, peut-être bien un peu
La fuite des équipes n'est pas une chose qui inquiète Bernie Ecclestone mais il y croit fermement. Le cas Mercedes, dont la rumeur de rachat s'est faite entendre à Interlagos, a été commenté par l'ancien argentier de la F1.
"Je ne serais pas étonné que Mercedes arrête. Il y a eu des changements à la tête et les nouvelles personnes ne sont pas aussi enthousiastes avec la F1 que ceux d’avant ne l’étaient'', explique-t-il.
Si Mercedes part, quid de Toto Wolff, qu'on a envoyé au cours de l'année à la tête de la F1 à la place de Chase Carey ? Une situation qui devrait être difficilement envisageable avec le veto de Ferrari, qui permet à l'équipe d'interdire à un patron d’équipe actuel de prendre une position de dirigeant à la tête de la F1.