La sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne devait se faire le 29 mars 2019. Seulement, la situation politique fait que le Brexit sera effectif le 31 janvier 2021.
En mars dernier, Theresa May demandait aux membres de l'Union Européenne un report de la sortie du Royaume-Uni. Le Brexit est, à ce jour, sans un accord concret entre les parties concernées. Cela a de quoi inquiéter le Circus de la F1, dont la majeure partie des activités est sur le sol britannique.
Comprendre le Brexit
Le Brexit est issu d'un référendum organisé par David Cameron le 23 juin 2016. 51,9% des britanniques votants se prononcent pour le "leave''. Ce n'est que le 29 mars 2017 qu'est déclenché l'article 50 du traité de l'Union Européen, stipulant que "tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union''.
A compter de cette date, et pendant deux ans, l'Union Européenne et le Royaume-Uni préparent ensemble la sortie de l'île britannique. Si la sortie se fera le 29 mars 2019, une période transitoire post-Brexit est ratifiée pour une durée de 21 mois, soit jusqu'au 31 décembre 2021. Un des points concerne la circulation des hommes entre l'Europe et le Royaume-Uni. "les citoyens britanniques et européens arrivant dans un autre État membre durant la période de transition recevront [finalement] les mêmes droits et garanties que ceux qui y seraient arrivés avant le jour du Brexit'', souligne l'accord post-Brexit.
Durant de nombreux mois, les négociations vont bon train entre les parties concernées autour de trois axes majeurs : le non-rétablissement d'une frontière dure entre les deux Irlande, le paiement par Londres de tous ses engagements pris au titre du budget de l'UE 2014-2020, et la préservation, après le Brexit, des droits des citoyens britanniques résidant déjà dans les autres Etats membres, et inversement. Un accord est finalement trouvé le 13 novembre 2018. Si le Sommet Européen ratifie l'accord, la Chambre des Communes, le parlement anglais, le rejette le 15 janvier 2019. Les parlementaires britanniques refusent une sortie sans accord mais aussi un "backstop'', en lien avec la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.
Theresa May lance une nouvelle négociation avec les Européens jusqu'au 11 mars 2019. Ce qui en ressort est une nouvelle fois rejeté par la Chambre des Communes. Le 14 mars 2019, la Chambre des Communes s'entend sur une motion afin de repousser la date de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Theresa May doit en faire la demande lors du Conseil Européen des 21 et 22 mars.
La F1 anticipe le Brexit
Exceptés Ferrari, Toro Rosso, Alfa Romeo et Haas, bien que cette dernière ait une base à Banbury, les équipes sont implantées au Royaume-Uni. Dans le rapport lié aux comptes de la saison 2017, il est expliqué que "la F1 ne prévoit pas que le Brexit aura un effet défavorable important sur son activité, mais des difficultés pourraient survenir en ce qui concerne le déplacement du personnel et du matériel vers et depuis des courses basées en Europe qui ont lieu au cours d'une saison de championnat''.
La F1 transite des tonnes de matériel du Royaume-Uni vers les lieux des différents Grands Prix. Certaines équipes pourront laisser les camions sur des bases en dehors du sol britannique, comme Renault à Viry-Châtillon ou Mercedes à Stuttgart. Mais des équipes comme McLaren vont avoir plus de souci à laisser du matériel en dehors du Royaume-Uni. Le facteur humain est à prendre en compte. Le durcissement des conditions d'entrée sur le territoire. "Il va falloir éviter de tomber dans un labyrinthe juridique pour obtenir des papiers à nos ingénieurs. Le recrutement doit rester une quête de talents, pas de visas'', expliquait Jonathan Neale, directeur des opérations chez McLaren.
Lors du Salon de Genève, Chase Carey a confirmé que Liberty Media prend en compte la situation sur le sol britannique et envisage des mesures. "Nous ne savons pas plus que quiconque ce qui se passera. Nous élaborons des plans d’urgence pour tenter de nous assurer que nous sommes prêts à faire face aux problèmes qui pourraient éventuellement survenir, ce qui rendrait plus difficile l’entrée et la sortie de personnes et de matériel de la Grande-Bretagne'', explique-t-il.
Entre incompréhension et hérésie
Seulement, les derniers rebondissements rendent les équipes perplexes. En conférence de presse en Australie, Christian Horner a exprimé son inquiétude quant à la situation. "L’action des hommes politiques, vu de l’extérieur, a l’air embarrassante. Le pays, bien sûr, a voté pour quitter l’UE, mais il semble y avoir un vote chaque jour au Parlement. Personne n’est assez certain de ce que demandent tous ces votes… Nous ne savons pas si nous reportons le Brexit, si nous restons dans l’UE, nous ne savons pas où nous allons'', déclare-t-il.
Toto Wolff s'est amusé de cette situation lors de la conférence de presse à Melbourne, la comparant à un spectacle des Monty Python. "Pendant quelque temps, j’ai trouvé cela vraiment tragique, mais la tragédie est devenue une sorte de bon divertissement. C’est mieux que la série Netflix ! Chaque soir, j’ai consulté le site de la BBC et les débats au Parlement, et vous ne savez pas si c’est un spectacle des Monty Python ou si ça arrive vraiment'', indique-t-il.
Le sport automobile, une industrie importante pour le Royaume-Uni
L'Université de Conventry s'est penché sur l'industrie du sport automobile au Royaume-Uni. En 2013, le chiffre d'affaires de ce secteur avoisine les 10,5 milliards d'euros contre 7,3 milliards d'euros en 2000. Le secteur emploie un total de 41 000 personnes, soit 2 500 de plus qu'en 2000. Aussi, 4 500 entreprises sont activement impliquées dans le sport automobile, dont 87% exportent leurs produits ou services. Enfin, 25% du chiffre d'affaires des entreprises est consacré à la recherche et le développement.
La fluctuation de la livre sterling pourrait pénaliser les comptes des équipes F1. En 2017, l'équipe Renault, basée à Enstone, a perdu 1 million de livres en change tandis que Williams a perdu sur l'ensemble de ses activités 3,3 millions de livres avec le change. Si les sommes semblent dérisoires vis-à-vis des budgets, la livre sterling pourrait connaître une sévère baisse et pénaliser un peu plus l'économie des équipes.
Aussi, le Brexit pourrait pousser les équipes à fuir le sol britannique. Mercedes pourrait rejoindre son fief à Stuttgart, en Allemagne ; Renault pourrait transférer son département châssis à Viry-Châtillon ; Red Bull pourrait implanter son équipe en Autriche ou à Faenza, non loin de l'usine de Toro Rosso ou Haas pourrait exclusivement rester à Kannapolis tout en conservant une antenne chez Dallara, en Italie. Difficile cependant pour McLaren, implanté à Woking ; Williams, situé à Grove ou Racing Point, dont l'usine est à Silverstone, de trouver un autre lieu d'implantation.
Le Brexit, tel qu'il est actuellement, pourrait décentraliser l'économie que génère la F1 dans d'autres pays de l'Union Européenne, laissant orphelin le berceau du sport automobile.