Le Safety Car fait partie intégrante de la Formule 1 depuis plus de trois décennies désormais. Instrument de sécurité avant tout, il a aussi servi à relancer l'intérêt de certaines courses, voire bouleverser leur physionomie. Voici dix Grands Prix qui sont rentrés dans l'histoire grâce à cette fameuse voiture de sécurité.
Montréal 1999 : première course achevée sous Safety Car
Comme pour Spa 1997, il existe une petite nuance à cette première statistique. La même année à Montréal, la course fut arrêtée au drapeau rouge suite à l'accident d'Olivier Panis. Mais avant cela, la voiture de sécurité était intervenue en premier lieu. Ainsi, si le Grand Prix s'est officiellement conclu par un drapeau rouge, elle s'est achevée visuellement sous régime de Safety Car. Par contre il fallut attendre le Grand Prix du Canada 1999 pour qu'une course aille au bout de sa distance complète avec une neutralisation encore effective au dernier kilomètre. Et ce n'était pas son seul accomplissement concernant le Safety Car.
Un an après une épreuve fertile en interventions de la voiture de sécurité, à savoir trois (et dans les vingt premiers tours !), Montréal fit honneur à sa réputation en hissant le record à quatre interventions. La première intervint dès le tour inaugural après que Jarno Trulli se soit empalé sur Jean Alesi et Rubens Barrichello, au grand dam d'un Alesi qui avait déjà fini sa course contre l'Italien en 1998 ! La deuxième fit irruption quelques boucles plus tard lors du contact de la BAR de Ricardo Zonta avec le mur du dernier virage, la troisième à mi-course lorsque Jacques Villeneuve – déjà fautif ici même en 1997 – imita son équipier. Entre temps son ex-collègue Damon Hill, puis son vieil ennemi Michael Schumacher avaient commis la même erreur. Trois champions du Monde punis au même endroit, ce qui donna naissance à la légende du « Mur des champions », lequel portait avec forte ironie l'inscription « Bienvenue au Québec ! ».
Le Safety Car effectua son dernier travail suite à la rupture de frein de Heinz Harald Frentzen qui échoua latéralement dans les barrières. L'Allemand en fut quitte pour des genoux fissurés... ce qui ne l'empêcha pas de remporter le Grand Prix suivant !
Hockenheim 2000 : neutralisation à cause d'une manifestation
Les deux facteurs principaux qui justifient l'entrée en piste du Safety Car sont au choix les conditions climatiques trop extrêmes ou la présence d'une voiture accidentée en position dangereuse. Mais à Hockenheim en 2000 (année où Bernd Maylander devint le pilote permanent du véhicule), un cas de figure des plus incongrus, mais pas unique, entra en ligne de compte.
Alors que la course se déroulait normalement, les commentateurs firent soudain mention d'un spectateur marchant comme si de rien était sur le côté de la piste dans le premier secteur ! Les caméras se concentrèrent alors sur l'énergumène qui finit par traverser le circuit en courant pour continuer sa promenade improvisée, sans être interrompu par le moindre commissaire ! L'individu était habillé d'un ciré avec un message illisible sur les caméras, mais où l'inscription « Mercedes » était perceptible.
La direction de course préféra lancer la voiture de sécurité afin de neutraliser l'individu en toute sécurité, qui heureusement n'opposa aucune résistance lorsque les commissaires arrivèrent à sa hauteur. On apprit plus tard qu'il s'agissait d'un ouvrier français de Mercedes qui protestait contre un licenciement abusif pour raisons de santé. Il finit par obtenir gain de cause au tribunal et fut dédommagé pour la circonstance. Notons que l'amende qu'il reçut pour avoir perturbé le bon déroulement de la course fut payée par la chaîne de télévision allemande RTL...en échange d'une interview exclusive !
Ce coup d'éclat s'avéra doublement ironique. Déjà c'est un véhicule Mercedes qui neutralisa la course pour sécuriser son évacuation. Mais surtout, le constructeur dominait l'épreuve avec ses deux McLaren en tête avant son intervention. Celle-ci permit à Rubens Barrichello d'effectuer son deuxième arrêt en même temps que la majorité du peloton (qui ne devait s'arrêter qu'une fois), et de recoller aux McLaren, effaçant le handicap de sa stratégie décalée. Ceci lui facilita la tâche lorsqu'il fit le choix audacieux mais payant de garder les pneus secs en fin de course lors d'une averse inégalement éparpillée sur le circuit, lui offrant sa première victoire.
En un sens, le manifestant participa à la défaite sportive de son ex-employeur.
Autres interventions suite à une « manifestation » humaine : Silverstone 2003, Singapour 2015.
Montréal 2007 : première neutralisation avec pitlane fermée
Si la fonction première d'un Safety Car est dans son nom, à savoir garantir la sécurité d'un Grand Prix, toute neutralisation devint rapidement un enjeu stratégique pour les équipes. En effet, sous régime de Safety Car, le rythme est considérablement réduit, et la procédure impliquant le regroupement de toutes les monoplaces prend un certain temps. C'est pourquoi de nombreux pilotes se précipitent encore aujourd'hui dans les stands dès les premiers instants de cette neutralisation afin de bénéficier d'un pitstop moins coûteux en temps et en positions.
De nos jours, la procédure est sécurisée via un rythme défini à respecter selon l'évolution de la neutralisation et le positionnement de chaque monoplace. Mais il fut un temps où la technologie ne permettait pas encore cette régulation, d'où des irrégularités de rythme qui pouvaient s'avérer dangereuses, avec des pilotes pressés de rejoindre les stands pour bénéficier de l'avantage mentionné sans prêter attention aux interventions. Le tout avec une pitlane plus d'une fois engorgée si le Safety Car intervenait dans une fenêtre propice.
C'est pour cette raison que la procédure fut modifiée pour la saison 2007 : la ligne des stands devint fermée dès l'entrée du Safety Car. Il était interdit de ravitailler tant que toutes les voitures n'étaient pas réunies derrière la voiture de sécurité. Toute entrave à cette règle aboutit à un Stop & Go de dix secondes, à moins d'avoir rejoint les stands avant la dite fermeture.
Le Grand Prix du Canada permit d'inaugurer cette règle et Fernando Alonso et Nico Rosberg devinrent les premiers contrevenants. Les deux pilotes crurent avoir rejoint la pitlane quelques secondes avant sa fermeture, hélas à tort. A l'inverse, Super Aguri exploita à la perfection la nouvelle réglementation lorsqu'ils firent stopper Takuma Sato lors d'une neutralisation suivante pour un simple changement de pneu, car ceci restait autorisé même en cas de pitlane fermée. Sa sixième place finale n'était pas due qu'au chaos ambiant de cette course.
Cependant, autoriser les ravitaillements qu'une fois les pilotes regroupés aboutit plus d'une fois à un engorgement de la pitlane, soit une des situations que la FIA voulait justement éviter. Le Grand Prix de Singapour 2008 avec le tuyau d'essence arraché par Felipe Massa témoigna du problème. Sans compter des pilotes au bord de la panne sèche contraints de s'arrêter sans attendre l'ouverture des stands, d'où une pénalité inévitable pour Nico Rosberg (encore) et Robert Kubica ce jour-là.
La règle – que l'ancien directeur de course Charlie Whiting reconnut lui-même comme « mauvaise » – disparut en 2009 avec l'introduction du fameux delta minimum à respecter.