La séance de qualifications est une séance de vitesse pure. Un acte de bravoure s'il en est, car il permet de mettre en lumière la pugnacité des pilotes.
Nonobstant les paliers de prestige de chacune des écuries, cette session tant redoutée du samedi après-midi, permet aux conquérants d'extraire tout le nectar de performances de leur monture. Aujourd'hui, plus qu'hier, les objectifs sont fixés par les aléas des engagements de chaque constructeur et leur capacité de réaction pour exceller.
Ainsi, tous les pilotes ne peuvent prétendre au rang de pointe sur la grille de départ, mais le simple fait de concrétiser tous les efforts d'une équipe, est déjà un but salvateur à atteindre.
Découpée en trois séquences à éliminations, certaines positions peu glorifiantes dans la hiérarchie, sont parfois synonymes de joie, d'objectifs et de progrès constant.
Si à présent, le plateau n’est plus aussi fourni qu’auparavant, la totalité des engagés sont présents le dimanche de course, ce qui ne fut pas toujours le cas, à une époque où le simple fait de participer à la séance de qualifications était déjà un but en soi…
DES QUALIFICATIONS AUX PRÉ-QUALIFICATION
Au cours des années 60, le nombre d’engagés en F1 est croissant. D'une vingtaine de protagonistes, elle en accueille rapidement une trentaine, voire même au-delà. Mais malheureusement, les grilles de départ ne peuvent accueillir autant de pilotes, limitées à vingt-six sur une grande partie des circuits du calendrier et à seize seulement sur le petit circuit monégasque. Il y a bien évidemment d’autres exceptions comme le circuit de Dijon-Prénois qui ne peut recevoir que vingt-deux monoplaces.
A cette époque, l’ordre de départ n’est pas celui que nous connaissons aujourd'hui, avec une grille régulièrement dessinée en 3-2-3 pour les positions établies en quinconce.
Les réglementations évoluant, le nombre d’engagés sur les différents Grands Prix et notamment celui de Monaco augmentera et on adoptera d’une manière définitive le 2-2-2 dès la saison 1974.
Ne pouvant accueillir tous les pilotes engagés, les plus lents se retrouvent « non qualifiés » et ne prennent pas part au Grand Prix.
Si le nombre d’engagés supérieur à trente se faisait rare dans les années 70, en 1988, il oblige les instances à prendre une nouvelle mesure : les pré-qualifications.
Cette règle vise à « écrémer » dans un premier temps les participants. Ceux concernés par cette nouvelle règle, les équipes les moins performantes, lors des six derniers mois ainsi que pour les nouvelles équipes arrivantes.
A l’issue de cette session, les quatre meilleurs sont retenus pour participer à la traditionnelle session de qualifications et les autres sont annotés comme « non pré-qualifiés ». Les moins performants en qualifications n’arrivant pas à finir parmi les vingt-six meilleurs continuent à être annotés comme « non-qualifiés ».
La règle des pré-qualifications est abandonnée en fin de saison 1992, lorsque le nombre d’engagés diminue considérablement. Jusqu’à la fin de la saison 1995, quelques pilotes ne réussissent pas à se qualifier, certains circuits ayant porté le nombre de partants à vingt-cinq.
UNE NOUVELLE RÈGLE : LES 107%
En juin 1995, sous l’impulsion de la Commission F1, une nouvelle règle est proposée : les 107%.
Le contexte est le suivant : le changement de réglementation technique a nivelé les performances des équipes et les plus petites (Forti, Simtek ou encore Pacific) se qualifient, mais, sont considérées comme des « chicanes mobiles ».
Afin d’empêcher tout danger lors d’un Grand Prix avec une voiture trop lente, chaque pilote devra performer un tour chronométré sous les 107% du meilleur temps de la séance.
La règle devait entrer en vigueur dès le Grand Prix de Hongrie de la même année mais Forti et Pacific ont contesté cette règle, repoussant son officialisation lors de la manche d’ouverture en 1996. Lors de son introduction, Max Mosley, alors Président de la FIA, déclare alors que « n'importe quelle petite équipe qui est correctement organisée pourra arriver dans la marge des 107% ».
En Australie, manche inaugurale de cette saison 1996, les deux Forti de Luca Badoer et Andrea Montermini n’arrivent à atteindre ce seuil, l'un échouant à cinq dixième de seconde du seuil toléré, l'autre à plus de trois seconde et demie.
Jusqu’à la fin de la saison 1998, on dénombre dix-neuf pilotes n’ayant pas réussi à passer la barre des 107%. Un seul sera repêché : Pedro Diniz lors du Grand Prix d’Australie 1997. Ce dernier a été reconnu capable de rouler dans cette limite lors des essais libres.
Si les Grands Prix de France 1999 et de Belgique 2001 sont des cas à part (en raison des conditions climatiques), les autres se sont déroulées en conditions optimales.
Parmi les cas de repêchage, on peut parler de Tarso Marques en Australie 2001 où les commissaires ont été cléments, l’équipe Minardi ayant été acheté un peu plus tôt par Paul Stoddart.
En 2003, un nouveau format entre en vigueur qui consiste à se qualifier sur un seul tour, rendant l'objectif des 107% caduque. Dès 2006, c'est une nouvelle modification qui instaure la séance du samedi après-midi telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Pourtant, à peine abrogée, que celle-ci se fait désirer, mais les petites écuries aux abois ne veulent pas en entendre parler, notamment Paul Stoddart qui réussit à faire bloc.
Ne trouvant plus de farouches opposants par la suite, elle reviendra lors de la saison 2011.
Malgré l'avènement des trois petits poucets de la F1 en 2010, cela ne constitua pas un motif de non-recevoir pour l'entrée en vigueur la saison suivante. Les petites structures du Team Lotus, Virgin Racing ou encore HRT, se devaient de montrer à la face du monde que la F1 n'était pas un refuge, mais au contraire un incubateur à talents, il était donc inutile d'imposer une clémence aux monoplaces trop lentes.
DES ENJEUX IMPORTANTS
Nous voilà en 2015, et les exemples sont récents pour nous prouver que cette dernière n'est parfois pas appliquée (rarement d'ailleurs) mais toujours d'actualité et valable, pourquoi ?
Sur le plan marketing et économique, il est compliqué de tenir à flot une structure sportive viable et non endettée, la FIA ne veut pas sabrer le spectacle offert, et fait le maximum pour respecter ce qui est paraphé sur les contrats des organisateurs de Grand Prix (les sociétés détentrices des circuits), à savoir un nombre minimum de voitures sur la grille de départ.
Cette mansuétude sur la règle des 107% est une institution contractuelle qui établit un palier de performances pour les nouvelles écuries entrantes. Elle justifie à elle seule, que ce championnat de constructeurs n'a que l'essence du renouveau technologique et l'évolution de la performance constante.
Le simple fait pour une structure de se voir octroyer une place parmi les acteurs historiques de la discipline, doit se justifier par un investissement rigoureux, presque sans faille.
Cela implique une usine et une implication dans le développement, la recherche de partenaires solides (techniques, motoristes ou financiers), dans le but de parfaire le pan de l'Histoire de la F1 : celle de l'éclosion de la technologie.
Mais au-delà de cette barrière qualificative des 107%, la FOM a aussi instauré d'autres règles pour magnifier cette F1, comme les drapeaux bleus, le poids minimum des monoplaces (parfois, un peu balayée aussi dans le temps où il fallait maintenir le nombre de participants), les révisions des contraintes techniques par demie-décennie.
La F1 est le summum du sport mécanique, d'envergure mondiale, au marketing rodé, à l'Histoire homérique et aux règlements technique et sportif complexes, mais appartenant à sa Légende.