La semaine passée, le Groupe Renault, par la voix de Luca de Meo, a mis fin à l'activité moteur d'Alpine en F1. Dans une interview accordée au quotidien L'Equipe, il explique vouloir porter son attention sur l'équipe, qui est l'entité qui attire les sponsors, selon lui. Mais a-t-il raison ? 

Le sort d'Alpine en tant que motoriste F1 est scellé. Luca de Meo a décidé d'arrêter la construction du moteur pour la F1 et de transformer le centre de Viry-Châtillon. Pour se justifier, il a accepté de répondre aux questions du quotidien L'Equipe. Dans les colonnes du journal sportif, il revient sur l'aspect financier de ce projet.

"Je suis un manager. Je gère une entreprise cotée en bourse. Et je dois repenser le projet F1, pour enfin gagner. Je cherche donc les raccourcis pour y parvenir. Là, on est devenus invisibles. Encore deux ans comme ça et le projet se dégonflerait complètement. On est depuis trois saisons sur une pente descendante. Il fallait secouer tout ça. Avec en parallèle une logique financière", indique-t-il. "Une telle activité moteur coûte entre 200 à 250 millions d’euros par an. En plus du budget annuel de 150 millions. Alpine, vu notre classement perd des primes. Les sponsors se font rares. On a un trou d’air. Mes actionnaires savent compter. Alpine doit faire de l’argent. Avec nos 16e et 17e places, on a l’air de rigolos. Nous sommes nulle part. Les fameux ‘retours marketing’, se sont évanouis. Quand bien même ils ne sont pas quantifiables en argent."

Les comptes d'Alpine Racing de Viry-Châtillon, déposés en 2023, montrent des charges d'exploitation d'un montant de 291 millions d'euros. Mais l'activité à Viry-Châtillon ne concerne pas uniquement la F1 puisque les comptes parlent également de la Formule E, de la Formula Regional European, des différents trophées et championnats Clio et du Dakar. Difficile alors de quantifier la proportion de l'activité F1 dans les comptes de la structure française.

Les sponsors sont-ils uniquement attirés par les équipes ?

Outre l'aspect purement financier, Luca de Meo explique également son choix de passer par un moteur client. Selon lui, un sponsor, comme un fan lambda, n'est attiré que par une équipe et non un motoriste

"Les fans – sauf les vrais passionnés, j’en conviens – et les sponsors viennent pour une écurie, pas pour un moteur. Les partenaires signent avec McLaren, pas avec Mercedes sous le capot", souligne-t-il.

Luca de Meo ne fait-il pas un raccourci dans sa réflexion ? La signature d'un sponsor en F1 intervient selon différents critères, comme le prestige de l'équipe, ses résultats en course ou encore sa visibilité à la télévision. L'équipe Mercedes explique ces dernières données dans ces comptes publiés en 2023. Ainsi, la couverture de la structure de Brackley a été de 14,7%. Cela représente une valeur publicitaire pour les partenaires commerciaux et les actionnaires de 5,3 milliards de dollars. La saison passée, l'équipe Mercedes n'a pas remporté de Grands Prix, une première depuis la saison 2011. Cependant, l'équipe a signé huit podiums et s'est offert une pole position.

Les performances d'Alpine déclinent d'année en année. En 2024, l'équipe d'Enstone a marqué 13 points et occupe la neuvième place du Championnat du Monde des constructeurs. Cette position apporte peu d'argent à l'équipe (environ 70 millions de dollars, en se basant sur les éléments connus). Se passer du moteur Alpine pour un moteur client (la rumeur s'intensifie sur Mercedes) pourrait avoir des conséquences sur le prestige de l'équipe. En effet, aujourd'hui, un sponsor signe pour Alpine F1, un projet commun entre Enstone et Viry-Châtillon mais aussi un projet qu'on annonce aujourd'hui comme Français. Ce projet n'étant plus le même, la réflexion d'un partenaire sera différente, puisqu'il ne signera plus uniquement pour Alpine mais pour Alpine et son motoriste.

Pourquoi ne pas vendre l'équipe Alpine ?

Repenser le projet F1 passe donc par arrêter la fabrication du moteur qui n'équipe plus qu'Alpine pour se tourner vers un motoriste externe. Mais pourquoi ne pas aller plus loin, en laissant l'équipe aux mains d'un nouveau propriétaire ? La raison est là encore financière.

"Je reçois tous les 15 jours des appels de financiers, d’excentriques qui veulent entrer en F1. Ils savent qu’après 2026 ça va coûter bien plus cher. Si on te donne 1 milliard aujourd’hui pour prendre l’écurie, ils pourront la revendre le double, deux ans plus tard. C’est plein de spéculateurs ici. J’ai refusé cinquante fois. Une écurie, ça vaudra bientôt entre 3 et 5 milliards. Je ne vais pas vendre, je ne suis pas bête", indique-t-il au quotidien français.

Luca de Meo admet qu'Alpine a besoin de sa présence en F1, qui lui sert de vitrine marketing, malgré les mauvaises performances. "Être en F1, c’est essentiel pour la marque Alpine. On est dans le club fermé. Ça crédibilise la marque auprès des passionnés d’automobile."