Le rachat de la Formule 1 par Liberty Media ne cesse de faire parler. Que ce soit les journalistes, les fans, les pilotes ou les patrons d'équipes, tous commentent. Mais surtout, tous attendent quelque chose de Liberty Media. Avec un tel nom, les aspirations à plus d'égalité, de sportivité et d'innovations sont presque légitimes. Mais les patrons d'équipes sont terre-à-terre. Ils connaissent la réalité de ce sport, et ne croient pas aux miracles.
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Installons-nous aux USA
La F1 a du mal à s'installer durablement et puissamment au pays de l'oncle Sam. Elle n'attire que peu le public américain. Malgré des beaux circuits et un public amateur de sport mécanique, la discipline reine est snobée. Pourtant, l'arrivée de Haas pourrait être l'occasion de relancer l'intérêt sur le nouveau continent.
Ainsi, Christian Horner estime que l'arrivée de Liberty Media pourrait booster la Formule 1 aux États Unis.
« Je pense avec un peu de chance que pour le marché US ça sera une bonne chose et pour quelques autres plate-formes comme le numérique ou les réseaux sociaux ça pourrait aussi être vraiment intéressant » indique le patron de l'équipe Red Bull.
Günther Steiner, directeur de l'équipe Haas, abonde dans ce sens. Il est important, pour une équipe américaine, de voir la F1 impacter le marché américain. Et ceci même si le modèle Haas situe bien plus l'équipe sur le vieux continent qu'aux USA.
« Ce que je voudrais dire c'est que, en tant que société américaine, j'espère, comme Christian l'a dit, il y a un gros potentiel aux États Unis, donc nous équipe américaine nous espérons qu'ils y entrent, dans ce marché, et que nous pouvons tous en bénéficier. Nous sommes plus qu'heureux de les aider à faire tout ce qu'ils ont besoin de faire aux USA » précise Guenther Steiner.
Développer la F1 sur les plate-formes numériques
Le deuxième élément que la F1 ne dompte pas est l'ère du numérique. Ça ne date pourtant pas d'hier. Mais il est évident que le virage de l'Internet n'a pas été pris correctement, que cela soit volontaire ou non. Il s'agit d'un véritable manque pour ce sport. La F1 n'y est pas assez présente. Ce que déplorent les patrons d'équipes qui voient alors un manque à gagner évident.
Toto Wolff, directeur exécutif de Mercedes rebondit sur les propos de Christian Horner à ce sujet. Pour l'autrichien, la F1 doit prendre le numérique d'assaut.
« il n'y a pas besoin de réinventer la roue, ce sport est l'un des rares sports ayant un succès mondial, Liberty va nous aider à peut être exploiter de nouvelles sources de revenus, des flux de revenus numériques et technologiques, puis nous allons voir si ça améliore le produit » précise-t-il.
Développer la Formule 1 sur les plate-formes numériques passerait par une offre en ligne plus intéressante pour les fans. Liberty Media, spécialiste des médias, est très attendue sur ce terrain. Les droits commerciaux sont actuellement régis par les Accords Concorde. Mais cela pourrait bien changer avec l'entrée de Liberty Media.
La vision stratégique de Liberty, point crucial des équipes
Connaître la vision du nouveau propriétaire de la F1 est l'un des points les plus importants pour les patrons d'équipe. Savoir où et comment Liberty Media veut emmener la F1.
« Je pense que ce n'est pas tellement ce qui va se passer pour 2017 ou 2018, je pense qu'il va y avoir au delà de 2020? Quelle sera la vision du promoteur pour ce que sera la F1, ce que le produit devrait être. Comment les fans seront intégrées, comment cela va améliorer le spectacle pour l'avenir après 2020 » a indiqué Christian Horner.
« Je pense que regardant vers l'avenir cela dépend de la vision stratégique sur comment les nouveaux détenteurs des droits commerciaux veulent que la F1 soit. Il y a eut beaucoup d'idées dans le passée, et de bonnes idées viendront dans le futur » précise Maurizio Arrivabene, directeur de Ferrari. Il estime ainsi également que les plans de Liberty Media sont primordiaux pour l'avenir du sport.
« la F1 a besoin de trouver un équilibre entre le spectacle et la technologie. Nous voulons tous mettre en avant la technologie ; un certain nombres de partenaires veulent mettre en avant la technologie, ce qui parfois va à l'encontre des intérêts du spectacle » précise Cyril Abiteboul.
Pour les plus petites équipes, telle que Sauber, il est capital que Liberty Media comprenne le fonctionnement interne de la F1.
« De ce que nous avons lu jusque-là et entendu dans la déclaration j'ai aussi espoir qu'ils voient que le sport doit être regarder de l'intérieur et qu'ils prendront des mesures pour assurer une certaine parité concurrentielle » explique Monisha Kaltenborn, directrice générale de l'équipe suisse.
Une meilleure répartition des revenus
Sans pour autant trop y croire, tous les patrons d'équipes espèrent que l'arrivée de Liberty Media permettra une meilleure répartition des revenus de la F1. A la question de savoir ce que les équipes veulent en priorité, les équipes, des plus petites aux plus imposantes, répondent la même chose.
« C'est très simple vraiment : plus d'argent pour les équipes, des prix plus bas et une distribution plus importante d'argent pour tous – mais ça ne va probablement pas arriver rapidement » indique Christian Horner.
« Je pense que Christian a raison, nous voulons plus d'argent, plus de redistribution. Mais ça n'arrivera pas, comme il le dit » continue Günther Steiner.
« c'est important qu'ils regardent le produit de l'intérieur et atteignent une sorte de parité dans la compétition, ce qui signifie non seulement plus d'argent, ou plus de redistribution, mais aussi regarder les coûts. Nous ne voyons pas pourquoi cela n'arriverait pas rapidement. Pour nous il n'y a pas de raisons d'attendre aussi longtemps » confirme Monisha Kaltenborn.
Divergence sur la participation des équipes
La proposition de Liberty Media de permettre aux équipes de devenir propriétaire pourrait résoudre en partie la question de la répartition des revenus. Les équipes semblent réservées. Les plus petites équipes y voient une opportunité de grandir, les grandes des risques de perdre une partie de leurs avantage.
Pour Monisha Kaltenborn, il faudra de toutes façons que les conditions soient équitables et abordables pour tous. Sans cela, les petites équipes ne pourraient prendre part à la même hauteur que les constructeurs engagés en F1.
« C'est une idée intéressante. Ça a du sens que toutes les équipes aient cette opportunité et d'être représentées. A la fin ça dépend de ce que vous y gagnez et du prix » dit-elle.
Cependant, pour Ferrari ou Mercedes, c'est un point de stratégie financière important.
« c'est une décision commerciale et financière et le diable est dans le détail » indique Toto Wolff. Maurizio Arrivabene, lui, ne se prononce pas sur la question, estimant que la décision appartient au Conseil d'Administration de Ferrari.
« Oui, je pense que c'est une chose intelligente. Je pense que les équipes sont des intervenants clés en F1 ; sans les équipes il n'y a pas de F1. Je pense que ça aurait du sens pour les équipes de prendre une part minoritaire et de le permettre à toutes les équipes sous les même conditions serait tout à fait logique » indique Christian Horner, plus enthousiaste à cette idée.
Le groupe Liberty semble prêt à s'inscrire durablement dans ce sport. Chase Carey, vice-président de 21st Century Fox et futur Président du Formula One Group l'a récemment confirmé. Mais plus que quiconque, les patrons d'équipes connaissent leur sport. Ils savent que les choses prennent du temps. Du temps pour trouver la vision parfaite, entre la recherche du spectacle, la technologie et l'équité sportive.