Le bruit a couru tout le week-end italien dans les médias. Le groupe Liberty Media a racheté les droits de la F1 au CVC Capital Partners. Une nouvelle ère commence pour la F1 : l'ère américaine !
Cela faisait longtemps qu'on entendait parler d'une vente des parts du CVC Capital Partners. C'est chose faite. Liberty Media acquiert dans un premier temps 18,7% de Delta Topco, qui détient toutes les sociétés liées à la F1. Le montant de la transaction est de 663 millions d'euros. Le nouveau propriétaire augmentera sa participation dans Delta Topco à 100%. L'ensemble sera renommé Formula One Group. Liberty Media déboursera 3,9 milliards d'euros pour le rachat de la F1. La somme totale du rachat est de 7,1 milliards d'euros, dettes comprises.
Le CVC Capital Partners continue à être l'actionnaire majoritaire de la F1 jusqu'à l'achèvement de la vente et détiendra par la suite 65% des fonds propres de la Formula One Group. Aussi, le fonds aura une place au conseil d'administration.
La vente est soumise à l'accord de la FIA, qui détient 1% de Delta Topco et de la Commission Européenne.
Liberty Media, une histoire qui ne date pas d'aujourd'hui
L'histoire entre John Malone et la F1 ne date pas d'aujourd'hui. En 2014, l'homme à la tête de Liberty Media spécialisée dans la télévision par câble, a voulu acheter une grande participation minoritaire de la F1 avec l’aide de Liberty Global, leader mondial de la télévision par câble et satellite américain, Discovery Communications, un groupe de télévision américain comprenant Discovery Channel ou encore OWN (chaîne d’Oprah Winfrey). Aussi, le groupe est le propriétaire de l'équipe de base-ball des Braves d'Atlanta, détient 34 % de Live Nation, premier organisateur de concerts au monde, et 64 % de SiriusXM, un opérateur de radios par satellite.
En effet, l’homme d’affaires souhaitait prendre 49% de la F1, 35% du CVC et 14% d’autres investisseurs. Les discussions ont échoué.
En 2015, Liberty Media a réalisé un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros. Les bénéfices réalisés s'élèvent à 457 millions d'euros.
Finalement, après l'échec des négociations avec la F1, John Malone s'est tourné vers la Formule E. On parle d'un investissement de 50 millions d'euros. Si on regarde les comptes de 2015 publiés par la Formula E Operations Limited, la série a un chiffre d'affaires de 17,65 millions d'euros pour une perte estimée à 52,2 millions d'euros. La somme déboursée par les sponsors, à savoir Visa, DHL, TAG Heuer, avoisine les 2,4 millions d'euros. Autant dire que pour le moment, l'investissement est loin d'être rentable, contrairement à la F1...
La F1, un sport rentable
L'investissement de John Malone est stratégique et peut s'avérer rapidement rentable. Parlons d'abord des derniers comptes publiés. La F1 a réalisé un chiffre d'affaires de 1,114 milliards d'euros pour un bénéfice net de 163,17 millions d'euros. Depuis 2011, la F1 a réalisé un bénéfice total de 596,1 millions d'euros.
Parlons des actionnaires, le CVC Capital Partners a récupéré en dix ans près de 3,9 milliards d'euros. Ce montant comprend les ventes des actions au cours des dix dernières années mais aussi les dividendes touchés par le fonds. Rien qu'en 2012 et 2013, le fonds d'investissement a gagné près de 1,273 milliards d'euros de dividendes ! Il faut avouer qu'avec un tel rendement, nul ne peut passer à côté.
Mais cet investissement pourrait obliger John Malone a vendre ses parts dans la Formule E, comme le CVC a dû le faire il y a quelques années avec la MotoGP. Mais nous n'en sommes pas encore là.
Un bénéfice à partager avec les équipes
Mais les actionnaires ne sont pas les seuls à récupérer une part du butin. Les Accords Concorde accordent aux équipes une part du gâteau. En effet, 63% des bénéfices sous-jacents de la F1 (ce qui comprend les frais d’hébergement des circuits, les droits TV et l’hospitalité) sont répartis entre les équipes par un système de colonnes. Pour faire simple, voici la répartition des revenus de la F1 :
47,5% de la somme sont répartis en 2 colonnes distinctes.
Dans la première, les 10 équipes touchent une part égale. La seule condition pour obtenir cette part est d’avoir fini dans le top 10 lors de deux des trois dernières saisons.
Dans la seconde colonne, la répartition se fait en fonction du classement final, de la manière suivante :
- 19% pour le Champion du Monde
- 16% pour le second
- 13% pour le troisième
- 11% pour le quatrième
- 10% pour le cinquième
- 9% pour le sixième
- 7% pour le septième
- 6% pour le huitième
- 5% pour le neuvième
- le dixième et dernier éligible à cette prime touche 4%
Environ 11% servent à payer ce qu’on appelle une « prime premium ». Cette prime est répartie en deux postes : un poste contenant 7,5% que se partagent Red Bull, Ferrari et McLaren en fonction du nombre de victoires avant 2012 (le premier touchant 37%, le second 33% et le dernier 30%) puis le restant est réparti de manière égale entre Williams et Mercedes.
Reste les 5% dont Ferrari a le droit pour son statut d’équipe historique de la F1.
Liberty Media, un candidat parmi tant d'autres...
John Malone n'était pas le seul à s'être porté candidat pour racheter les actions du CVC Capital Partners. Effacées les rumeurs Bernie Ecclestone et Dietrich Mateschitz entendues un temps, la bataille s'est jouée à trois.
Outre John Malone, il y eut aussi Stephen Ross, propriétaire des Dolphins de Miami et dont la fortune atteint 5,4 milliards d’euros, via sa société RSE Ventures, et soutenu par Qatar Sport Investments, propriétaire de l’équipe de football Paris Saint-Germain et actionnaire à hauteur de 17% de Volkswagen. L’équipe souhaitait investir entre 6,2 et 7,1 milliards d’euros dans la F1. Avec cette somme, elle rachèterait les parts du CVC mais aussi celle de Bernie Ecclestone, soit la prise d’une participation de 40,8%.
Enfin, il y eut le groupe Sky. Diffuseur de la F1 dans quatre pays (Italie, Allemagne, Royaume-Uni et Nouvelle Zélande). Le groupe était prêt à investir 6,3 milliards d’euros pour racheter les parts du CVC Capital Partners et peut-être les parts de Bernie Ecclestone, tout comme le duo Ross-Qatar souhaitait le faire.
Quel rôle pour Bernie Ecclestone ?
"Je ferai ce que j'ai toujours fait. Le rôle que je jouerai sera ma décision », déclarait l'argentier de la F1 à AMuS. En cas de rachat, nul ne sait s'il restera en place ou s'il décidera de prendre du recul. Car il ne faut pas espérer voir Bernie Ecclestone quitter comme ça la F1. D'abord, il reste l'un des actionnaires de la discipline. L'homme détient 5,3% et sa holding qu'il a créé avec ses filles a 8,5% de la F1.
En tout cas, que ce soit Christian Horner ou Toto Wolff, les éloges pleuvent. "Bernie a fait un travail impressionnant depuis 50 ans et a fait de la F1 ce qu'elle est. Il a construit un empire. Nous bénéficions tous de cet empire qui génère des dizaines et des dizaines de millions de vues en direct, des pistes complètes comme à Monza, 1,5 milliards [de dollars] de bénéfice chaque année », déclare le patron de Mercedes.
Parmi les possibles candidats pour succéder à Bernie Ecclestone, trois noms ressortaient : Alejandro Agag, l'homme à la tête de la Formule E, dont John Malone est un des actionnaires ; Chase Carey, vice-président de la 21st Century Fox et ancien partenaire d'affaires de John Malone et Zak Brown, fondateur et PDG de Just Marketing International (JMI), la plus grande agence de marketing du sport automobile dans le monde et pilote professionnel. Le premier cité a déclaré ne pas avoir reçu d'appel et ne rien savoir quant à la succession de Bernie Ecclestone.
Finalement, Chase Carey a été nommé président du Formula One Group tandis que Bernie Ecclestone reste le PDG de la F1.