Ce 1er mai 2024 marque les 30 ans de la tragique disparition du triple champion du monde brésilien, Ayrton Senna. A cette occasion, nous avons interrogé Rémi Boudoul, l'auteur de "Ayrton Senna, la vitesse dans le sang".
Chaque décennie passée aura été l'occasion de commémorer la disparition de ce pilote iconique, reste-t-il encore des choses à dire ? Ce funeste Grand Prix de Saint-Marin 1994 aura marqué toute une génération d'amoureux de la F1, ébaubis et choqués devant leur TV.
Le souvenir est toujours présent, même 30 ans après. Des documentaires TV, des coupures de presse, des interviews et témoignages, des dossiers spéciaux aux dates anniversaire, un film, des BD, des biographies, une uchronie, tout a été un prétexte pour parler de ce terrible dimanche 1er mai 1994... Et pourtant, il reste encore des choses à dire, à analyser ou se remémorer.
Parce que le devoir de mémoire est important (surtout en sports mécaniques), et parce que trop souvent l'émotion, l'aura et/ou le palmarès du triple champion du monde brésilien font que l'on oublie ou minimise aussi la disparition du pilote autrichien Roland Ratzenberger qui perdit la vie lors des qualifications, nous dédions donc ce souvenir du 1er mai aux proches et aux familles des deux pilotes : Ayrton Senna et Roland Ratzenberger.
"Ayrton Senna, la vitesse dans le sang"
Rémi, il s'agit de ton troisième livre important chez City Editions, après Fabio Quartararo et Charles Leclerc, voilà que tu t'attaques à la légende Ayrton Senna. Comment on aborde ce défi de l'écriture d'une biographie face à ce monstre sacré ?
Contrairement aux derniers premiers livres, j'ai eu un peu plus de temps pour le préparer, mais à l'annonce du projet, j'ai eu un court moment d'hésitation, je pensais vouloir faire une pause et puis je ne pouvais pas dire non à l'idole de mon enfance. Tout ce qui caractérise Senna m'a décidé de faire le livre sur lui, son pilotage, sa foi, l'idole qu'il représente, toute la nation derrière lui, il n'existe pas beaucoup de ferveur autour d'une pilote comme la sienne.
Est-ce donc une difficulté d'écrire sur Senna ?
C'est un peu une pression, c'est vrai ! Je me suis dit que je n'avais pas le droit à l'erreur, il y a tellement de fans de F1 et beaucoup connaissent par cœur la vie de Senna, dans les moindres détails, c'était évidemment un exercice assez périlleux. Tu n'as pas envie de décevoir, et le pilote sur lequel tu ne veux pas commettre d'impair, c'est bien Senna. Mais au final, la passion l'emporte !
Comment on écrit sur Senna ? Est-ce qu'on prend encore plus de précautions par rapport à d'autres ouvrages ?
Je ne me suis tant focalisé sur la façon d'écrire différemment, mais plutôt sur le maximum d'informations à récolter. J'avais déjà beaucoup de documentations en ma possession et je me suis mis en quête de trouver le maximum d'anecdotes que je pouvais trouver. Ce qui était en revanche plus difficile, c'est l'écriture à la première personne, il fallait se glisser dans la peau du pilote. C'est très intéressant et immersif pour le lecteur, mais en même temps, employer la première personne pour faire parler Senna, c'est très ambitieux. J'avais des doutes, mais après quelques retours de mes proches, j'étais convaincu que c'était la bonne chose à faire.
Mais finalement, 30 ans après, il y a encore des choses à dire, écrite ?
Alors, c'est une très bonne remarque, puisque c'est exactement la même réflexion que j'ai eue quand on m'a proposé le projet. Qu'est-ce que je pouvais apporter de plus que ce qui avait déjà été fait ? Et au final, j'ai remarqué qu'il manquait l'aspect de sa vie privée, car il restait discret sur ce sujet. Mais de notre point de vue à nous, c'est pas forcément ce que l'on recherche, alors qu'au Brésil, le spectre Senna est complètement différent, c'est vraiment (encore) une grande star là-bas. Et j'ai la chance d'avoir dans ma famille proche, quelqu'un qui est d'origine du Brésil et sa vision du personnage Senna m'a fait comprendre comment la vie privée de Senna n'est pas abordée chez nous, et c'est intéressant de savoir comment cela a eu aussi une petite incidence parfois sur sa carrière.
Comment tu t'es procuré les informations inédites pour cet ouvrage ?
Il a fallu que je me procure des livres peu connus chez nous ou peu diffusés, qui pourtant ont été traduis en français et qui évoquent plus longuement la vie sentimentale d'Ayrton Senna, cela fait partie des informations qui n'ont pas souvent été traitées chez nous, certainement parce que l'on considère que c'est peu ou moins important par rapport au pilotage.
Mais il y a beaucoup d'histoires qui ont eu quand même un impact sur Ayrton Senna, comme les insultes et insinuations de Nelson Piquet. En fait, le Brésilien était tellement secret sur sa vie privée, que personnellement je croyais que c'était presque un moine. Je me disais au final que c'était la bonne recette pour être un très bon pilote, écarter toute distraction dans sa vie privée pour performer en piste.
J'ai trouvé des informations inédites aussi, notamment sur sa foi, où lors du tour de légende à Monaco, il avait fait des références à la bible, et sur l'une des photos, on voit un passage qu'il avait souligné. Et pas chance, j'ai réussi à zoomer sur la photo et transcrire ce passage de la bible, qui n'est jamais évoqué.
Dans le monde de l'édition, on le sait, les maquettistes ont tendance à demander des coupes et raccourcir certains chapitres, as-tu dû faire beaucoup de sacrifices ?
J'avais cette crainte, car le manuscrit final est assez imposant et au final le livre a été édité avec 570 pages. Donc, non, ils n'ont pas eu à me demander de raccourcir car au final, le manuscrit leur a plu tel quel ! Je suis soulagé, car il y avait beaucoup de chapitres importants, et cela aurait été dommage de couper. Mais quand on regarde les biographies de Senna, beaucoup flirtent ou dépassent les 600 pages, donc je suis dans la moyenne.
Disponible depuis le 24 avril 2024, chez City Editions : Ayrton Senna, la vitesse dans le sang. 570 pages au prix de 20,90 €.