Qu'on le veuille ou non, la F1 ne peut pas regarder l'avenir en gardant le passé ! Les moteurs de demain ne peuvent pas ressembler à ceux du passé.
La Formule 1 peut-elle revenir aux moteurs atmosphériques ?
Pour répondre à cette question, il faut avant tout bien comprendre ce qui a amené la Formule 1 à adopter une nouvelle architecture moteur tournée vers l’hybridation et la récupération d’énergie. Il est à noter que la Formule 1 suit la réalité industrielle et économique mondiale même si elle cherche à se distinguer par son coté élitiste et sensationnel, puisqu’il s’agit là de la discipline reine du sport automobile.
Néanmoins, à cause notamment des problèmes climatiques et environnementaux actuels, l’automobile « thermique » souffre d’une mauvaise image au niveau mondial et les dirigeants de la Formule 1 ne peuvent plus fermer les yeux sur cet aspect.
Un seul mot d’ordre : « l’efficience énergétique »
L’enjeu qui consiste à concevoir un groupe motopropulseur capable de maintenir la durée d’une course avec « seulement » une centaine de kilos de carburant et une puissance avoisinant les milles chevaux semblait audacieux techniquement, mais très intéressant sur le papier.
Pour les motoristes ayant besoin de déployer de nouvelles innovations dans le domaine grand public, avoir une présence en Formule 1 même si elle se révèle coûteuse permet de faire fonctionner des services de recherche et développement sur des groupes motopropulseurs « prototypes » et d’acquérir de précieuses informations techniques utilisables et applicables dans le domaine grand public. En comprenant le fonctionnement des moteurs avant l’ère de l’hybridation, ceux-ci se révèlent être très archaïques.
Les moteurs à architecture V8 V10 et V12 sont dits « atmosphériques » car les chambres de combustion des cylindres sont alimentées en air par pression atmosphérique. De plus, dans une optique de performance pure, les moteurs doivent être le plus léger et le plus compact possible. Pour cela, une technique consiste à réduire la course des pistons dans les cylindres mais afin de ne pas perdre pour autant en puissance, les moteurs se doivent d’avoir un régime moteur incroyablement haut de l’ordre de plus de 17000 tours par minute. Ce très haut régime est l’une des cause du bruit si caractéristique des moteurs atmosphériques de Formule 1 qui manque à de nombreux fans.
Autre problème notable lié à l’augmentation du régime moteur est que plus un moteur tourne vite, plus il s’use rapidement, ce qui nécessite un changement régulier des pièces voire un changement complet des unités de puissance. Une nécessité somme toute contradictoire dans le but de réduire l’impact écologique dans la discipline. De plus, un autre facteur lié aux moteurs ayants un fort régime moteur est à prendre en considération et concerne la consommation de carburant.
Plus un moteur enchaîne son cycle de quatre temps rapidement, plus sa consommation de carburant est importante, sans oublier qu’il faut prendre en compte également le nombre de cylindre. C’est ce qui explique qu’un moteur V12 atmosphérique de 900 chevaux peut allègrement consommer deux cents kilos de carburant pour la durée d’une course. Avec la volonté d’interdire les ravitaillements en course hormis le changement pneumatique, il semble impossible de revenir à de tels moteurs énergivores.
L’ère du « downsizing »
Avec l’augmentation du prix du carburant, le challenge des motoristes dans le grand public consiste à réduire la consommation sans pour autant réduire la puissance globale des moteurs. La technique majeur qui permet cela s’appelle la suralimentation. L’idée consiste à récupérer l’énergie issue des gaz de combustion dans une turbine afin d’accélérer l’air d’admission provenant d’un compresseur relié par un arbre à la turbine, c’est ce qu’on appelle le « turbocompresseur ».
La Formule 1 a donc décidé d’orienter ses groupes motopropulseurs vers une cylindrée réduite (1600 centimètres cubes) sur une architecture V6. La puissance brute de ces unités étant de base bien plus faible par rapport aux homologues atmosphériques, l’ajout d’un turbocompresseur est indispensable.
Pour améliorer davantage l’efficience de ces V6 hybrides, il est ajouté une sorte d’alternateur dénommé « ERS » couplé à l’arbre du turbocompresseur. Grâce à l’entraînement de ce dernier, de l’énergie électrique est générée puis stockée dans des accumulateurs de technologie Lithium-Ion afin d’augmenter la puissance globale de ces unités de puissance durant quelques secondes selon les besoins du pilote. Cette technique est de plus en plus utilisée dans l’automobile grand public et est un pallié intermédiaire à la propulsion tout électrique.
Une sonorité impossible à retrouver
Comme vu précédemment, la sonorité particulière d’un moteur de Formule 1 est lié à son régime moteur très haut et à son fonctionnement atmosphérique. Lorsqu’un moteur est suralimenté par le biais d’un turbocompresseur, les pressions exercées dans les chambres de combustion sont incroyablement élevées, de l’ordre de 200 bars !
Ainsi, les groupes motopropulseurs actuels seraient incapables de supporter une pression d’avantage supérieure engendrée par un régime moteur plus important, d’autant plus que la réglementation impose un quota maximal de quatre unités de puissance utilisable par saison sous peine de pénalités en cas de dépassement. Le régime moteur est donc limité au maximum vers les 15000 tours minutes pour une raison de durabilité.
Si on cumule le fait de la réduction de la cylindrée, du nombre de cylindres, du régime moteur et de l’utilisation d’un turbocompresseur, il paraît évident que les qualités acoustiques des anciens moteurs atmosphériques est impossible à retrouver sur ces nouveaux moteurs hybrides.
Pour résumer, si on tient compte des enjeux écologiques, économiques et rationnels, un retour aux moteurs atmosphériques semble improbable car technologiquement ils ne peuvent plus évoluer favorablement vers une politique efficiente.
Même s’ils coûtent moins chers à concevoir et à produire que les moteurs hybrides de nouvelle génération, les moteurs atmosphériques consomment une grande quantité de carburant, s’usent davantage et ne peuvent plus évoluer techniquement. Ils n’apportent donc plus de retours intéressants à exploiter pour les constructeurs automobile, ce qui ne peut qu’expliquer leur désintérêt technique.
Les V6 hybrides peuvent-ils s’améliorer ?
Introduits en 2014, les groupes motopropulseurs V6 hybrides ont su s’améliorer tant sur le plan de la fiabilité que de la performance. Ils apportent l’avantage d’un meilleur rendement énergétique et d’un couple moteur supérieur grâce à la suralimentation.
Les travaux récents entrepris dans le domaine du rendement de la combustion par des systèmes complexes basés sur des préchambres de combustion et d’optimisation de la pulvérisation du carburant permettent d’accroître la puissance sur la partie thermique, mais la maîtrise et les connaissances accumulées depuis sur les systèmes hybrides ont permis de gagner une forte puissance sur la partie électrique. Il en résulte un ensemble homogène et désormais fiable et performant.
Les seules ombres au tableau concernent le domaine acoustique et les coûts importants qui se répercutent aux équipes au prix d’une consommation largement inférieure et d’apports intéressants pour le monde automobile dans sa globalité.
La problématique de la sonorité moins qualitative est très difficile à résoudre et dépend de plusieurs facteurs techniques. Quant aux coûts, il n’est pas impossible qu’ils se réduisent à terme du fait de la maîtrise de la conception et de la fiabilité des systèmes hybrides, mais un retour technique en arrière semble désormais improbable, et nulle doute qu’après avoir entrepris des dépenses coûteuses qui se chiffrent à plusieurs centaines de millions d’euros dans l’ère hybride que les constructeurs se refuseront tout simplement de revenir en arrière.