L'année 1975 fut gâté au rayon averses. Monaco démarra sur piste humide au point d'atteindre la limite des deux heures, et Zandvoort vit même son départ décalé en raison de l'intensité des ondées. Il ne s'agit donc pas d'une pratique récente...
Silverstone de son côté eut droit à son averse en cours d'épreuve, comme Interlagos l'année passée.
Eviter une nouvelle polémique
Le Grand Prix de Grande-Bretagne ne fut pas avare en chaos durant cette période. L'année précédente à Brands Hatch, Niki Lauda se retrouva dans l'impossibilité de repartir d'un pit-stop pour son dernier tour : la foule avait déjà commencé à envahir la piste ! Et lors de la dernière édition disputée à Silverstone en 1973, Jody Scheckter provoqua malgré lui l'un des plus gros carambolages de l'histoire de la discipline après un travers incontrôlé devant les stands.
Le Racing Automobile Club, organisateur de l'épreuve, se devait donc de faire amende honorable. Outre l'ajout d'une chicane dans l'ultime courbe de Woodcote pour couper l'élan des monoplaces, il fut décidé que le dernier secteur du circuit serait neutralisé lors du premier tour de course. Avec drapeaux jaunes pour renforcer la mesure et fortes pénalités prévues en cas de dépassement. Enfin, Walter Hayes, l'homme qui amena Ford en Formule 1, assista à la course, espérant voir un des « garagistes » damner le pion à la dominante Ferrari de Niki Lauda.
Ce qui semblait bien parti avec la pole surprise du prometteur Gallois Tom Pryce. Après les exploits non-concrétisés de Jean-Pierre Jarier en début de saison, l'équipe Shadow démontrait une fois de plus être capable de belles performances. Il s'agissait désormais de les concrétiser. Mais au départ – pour la première fois guidé par un signal lumineux – c'est Carlos Pace sur sa Brabham qui prit le dessus, non sans avoir quelque peu anticipé le démarrage. Il ne fut guère sanctionné, les pénalités pour cette incartade étaient à la tête du client à cette période...
Fausse alerte
Hélas, ces espoirs furent vite douchés, au sens figuré dans un premier temps. Clay Regazzoni dépassa Pryce puis Pace et ramena Ferrari au premier plan au treizième tour. C'est alors que la météo britannique se rangea du côté du public : la pluie commença à humidifier l'arrière du circuit, prenant par surprise Regazzoni. Le Suisse percuta le rail en marche arrière et en fut quitte pour un changement d'aileron. Sauf que Pryce partit lui aussi à la faute, et pour le compte.
La pluie finit par atteindre le circuit complet, poussant la quasi-totalité du plateau à changer de gommes. Mais l'ondée s'avéra d'une intensité variable selon le secteur et suffisamment brève pour que d'autres parvinrent à conserver les pneus slicks. Ainsi, une fois la piste asséchée et le balai des changements de pneus achevé, le héros James Hunt émergea du chaos devant Emerson Fittipaldi et Carlos Pace, tous les trois s'étaient dispensés de tout pit-stop.
Notons que Niki Lauda dut s'arrêter deux fois en deux tours après que ses mécaniciens n'aient pas serré un écrou convenablement. Les erreurs de Ferrari ne sont pas plus un phénomène contemporain que les interruptions de course après tout. Ainsi, la Scuderia n'allait pas triompher ce jour-ci.
Mais l'enthousiasme de la foule connut un nouveau coup d'arrêt lorsque Hunt laissa Fittipaldi prendre les devants. Victime d'un souci d'échappement, James dut même abandonner le podium au profit de Pace et Jody Scheckter, l'animateur malgré lui de l'édition 1973.
Cimetière de voitures
Néanmoins le ciel n'avait proposé qu'un apéritif. Au cinquante-quatrième tour, ce fut un véritable buffet à volonté avec un véritable orage qui, lui aussi, n'arrosa que certains virages lorsque d'autres restaient encore secs. Ce qui prit complètement les pilotes au dépourvu.
Après que Jarier ouvrit le bal des valseuses, le virage Club devint un véritable cimetière de Formule 1 avec huit monoplaces s'échouant dans les dégagements en moins d'une minute ! Une ambulance arriva sur les lieux avant même d'attendre une quelconque interruption du Grand Prix, quand bien même d'autres pilotes auraient pu finir leur glissade dans le véhicule d'intervention. Rappelons qu'il n'y avait pas encore de procédure de neutralisation de course à l'époque, l'essai du Safety Car au Canada 1973 s'avéra trop chaotique pour être réédité de sitôt...
Le cimetière de voitures dans un virage dépourvu de protection poussa la direction de course à mettre un terme au massacre. Après tout, avec quatre autres malheureux échoués à Stowe, il ne restait plus que six pilotes en piste ! Fittipaldi remporta la course – ce fut sa dernière victoire – et ce n'était pas un hasard : après avoir conservé les slicks lors de la première averse, il avait justement ralenti sur les premières portions arrosées et eut même le temps de chausser des pneus pluie avant l'interruption.
Le classement de la course fut établi selon le dernier comptage retenu par les chronométreurs, à savoir avant le ballet improvisé des deux tiers du plateau. Il se composa ainsi de dix-neuf pilotes officiellement classés, dont treize hors course avant le drapeau rouge et quatre d'entre eux marquant des points malgré tout !
Blessés dans leur amour propre
Un plus gros drame fut évité de justesse. On déplora l'un ou l'autre spectateur heurtés par des débris de clôture, plusieurs fractures à l'épaule et à la cheville chez un commissaire renversé par une monoplace, des blessures superficielles au visage pour Jarier et Tony Brise ainsi que des douleurs au poignet et au cou pour Scheckter et Pace. Cela fait trois Grands Prix de Grande-Bretagne de suite marqués par un incident évitable.
D'où la gêne du journaliste Denis Jenkinson dans son contre-rendu de l'époque, écrivant même que « il serait raisonnable d'abandonner [l'organisation du] Grand Prix de Grande-Bretagne 1976 dès maintenant, avant que le reste du monde sportif commence à nous rudoyer ». Sans se douter que Brands Hatch en 1976 s'avéra encore plus polémique, avec l'abandon, puis la réintégration, puis la victoire, puis la disqualification de James Hunt. Au moins la météo n'eut rien à voir là-dedans !