Depuis 2019, l’école de pilotage créée par Jacques Villeneuve et Patrick Lemarié n’a cessé de grandir, et de plus en plus de pilotes en sont issus. Avant la grande finale de l’édition 2025 prévue le 25 septembre, immersion dans les moments décisifs de ces carrières sur le point de naître.

Par Perceval Wolff-Taffus

La sélection FEED Racing 2025

1er et 2 septembre : quarts de finale. 3 septembre : demi-finale. En plus d’une formation théorique et d’un roulage important, FEED est également un Volant « à l’ancienne » comme on n’en fait plus dans le monde. Inspiré du Volant Elf, l’école offre une saison gratuite en F4 France, et est ouverte à tous les pilotes de 14 à 21 ans du monde entier, des plus purs débutants aux stars du karting international.

À Magny-Cours, sur la petite piste Club, nous arrivons en plein briefing des pilotes, juste avant les premiers tours qualificatifs. Devant seize paires d’oreilles attentives, l’ancien pilote d’essai F1 Patrick Lemarié et l’ancien pilote des 24 Heures du Mans Xavier Pompidou distillent leurs ultimes conseils à ces jeunes pilotes. Importance du freinage dégressif, rapports utilisés dans telle chicane… les deux instructeurs rappellent une ultime fois ce qu’ils ont appris aux pilotes pendant leurs cinq jours de stage.

Les deux hommes, qui ont passé tous les essais du matin en bord de piste, ne regardent pas spécialement le chrono mais donnent des conseils sur les trajectoires, le freinage et la chauffe des gommes, si cruciale. « Vous connaissez tous les techniques de pilotage maintenant. Si je ne vous ai rien dit de particulier, c’est que la technique est en place et qu’il faut juste travailler les détails. Le premier tour, vous êtes sur de la glace, le deuxième tour, il faut monter en température, prendre 15-20% de marge, pas 50% pour que les pneus soient prêts au 3e tour. »

Les pilotes n’ont presque aucun droit à l’erreur. La qualification consiste en deux relais de huit et sept tours sur un même train de pneus neufs. Les deux premiers tours sont utilisés pour la chauffe des gommes donc, mais il faut trois bons tours : en plus de la performance, FEED insiste sur la régularité, c’est la moyenne des 3 meilleurs tours qui est prise en compte tout le long de l’épreuve. Tout ou presque se joue dès le premier relais sur les pneus neufs, car il est bien plus difficile d’améliorer sur le deuxième relais. De quoi faire monter le stress de tous ces jeunes pilotes.

Certains, bien sûr, ont déjà des bases de pilotage, l’habitude de la compétition et sont parfois accompagnés de leurs propres entraîneurs. On retrouve notamment le vainqueur 2022 Kevin Foster venu soutenir son compatriote Connor O’Riley, ou Hadrien David, champion F4 France 2019, remplaçant Didier André occupé au Japon avec Esteban Masson, pour son poulain Mathys Saura-Pictet.

D’autres sont uniquement accompagnés d’un de leurs parents, comme l’un des favoris, le Français Clément Outran qui revient de Mariembourg en Belgique où il a participé à la finale des IAME Euro Series en karting la veille et n’a dormi que quelques heures en camping-car. Ou alors comme le contingent américain qui se serre les coudes, les familles de Truly Adams, Maverick McKenna et Kyler Cheezum ayant très rapidement sympathisé, se connaissant déjà depuis le karting de l’autre côté de l’Océan Atlantique.

D’autres encore, découvrent le monde de la compétition IRL « in real life » (dans la vraie vie) comme les simracers Lucas Bayle et Yuval Rosen.

Pendant les trois jours, la pluie est la principale crainte des pilotes, mais aussi de l’organisation de FEED. Pas seulement pour des questions de sorties de piste ou de visibilité, mais principalement pour des questions d’équité, avec une piste qui pourrait évoluer entre différents groupes. Fort heureusement, la météo tiendra.

Autre crainte ? La mécanique. Toute l’équipe de mécaniciens travaille d’arrache-pied pour avoir les quatre voitures les plus égales possibles, quitte à même lester les voitures pour compenser les différences de poids des pilotes. Sur les six finalistes qualifiés, on y retrouve les quatre différentes voitures. « On peut se féliciter que toutes les voitures soient passées en finale, cela montre qu’on arrive à avoir l’équité qu’on souhaite » conclura Patrick Lemarié à l’issue des demi-finales.

La demi-finale opposant les douze pilotes qualifiés amène son lot de tensions : le surprenant simracer israélien Yuval Rosen fait un tête-à-queue dans l’un de ses tours, mais arrive à se sauver sur ses trois derniers tours restants avec l’énergie du désespoir. « C’était une toute petite erreur mais riche en conséquences. J’ai réussi à me remettre dedans après parce que FEED est ma seule chance pour ma carrière. »

Sur l’ultime groupe, le benjamin des demi-finales Juste Mulder (14 ans) échoue tout d’abord à quatre centièmes seulement du sixième et dernier qualifié en finale, Sacha Bouder. Mais tous les pilotes du groupe de Mulder ont le droit à un tour supplémentaire en raison d’un tête-à-queue d’un autre pilote qui a gêné les concurrents. Le Néerlandais améliore mais échoue… à six millièmes de secondes, sur la moyenne des trois meilleurs tours.

« Ce n’est jamais évident d’être le septième, surtout avec un écart pareil, parfois ça se joue à plusieurs dixièmes, on accepte plus facilement, mais parfois ça se joue sur quelques millièmes comme aujourd’hui… » dira Lemarié en annonçant les résultats officiels, après s’être entretenu avec Mulder et ses parents pendant de longues minutes pour débriefer.

Responsable de la communication chez FEED, Thibault Larue évoque aussi le fait que des pilotes éliminés en quarts ou en demies, peuvent très bien briller en monoplace dès l’année suivante. « 6 millièmes, c’est le même écart que [Jules] Caranta avait quand il a été éliminé en demi-finale [en 2023]. [Rafaël] Pérard aussi éliminé en demies, on voit que ça performe aujourd’hui en F4. Des fois, ça ne se joue pas à grand-chose. Il y a des gens qui ont beaucoup moins d’expérience en kart, qui performent plus tard, qui gagnent en confiance pendant l’hiver. »

C’est avec ces mots d’espoir que Mulder et les autres pilotes éliminés essaieront de rebondir. Pour certains d’entre eux, FEED était l’unique opportunité de démarrer une carrière, en monoplace ou en sport auto. Pour d’autres, une excellente préparation en vue d’une montée prochaine en Formule 4. Mais nos six qualifiés ont désormais les yeux rivés sur le 25 septembre : non pas sur la petite piste Club, mais cette fois sur le grand circuit F1 de Magny-Cours pour cette finale qui pourrait leur offrir une saison de F4 France.

Les 6 finalistes 2025

CLÉMENT OUTRAN (16 ans, France)

Meilleur temps des demi-finales, le Nordiste est une valeur sûre du karting français et international où il brille en X30 Senior. Il devrait recevoir le coaching du champion 2023 de F4 France, Evan Giltaire, pendant la finale.

J’ai débuté dans le karting à mes six ans et demi, je suis vainqueur de la Coupe de France, j’ai été 5e des IAME Euro Series l’an dernier en X30 Senior. J’ai gagné le Trofeo Andrea Margutti et aussi été champion Benelux. […] Je pense que la pression jouera un peu en finale pour tout le monde, après quand on fait P1 en quarts et en demies, je pense que ça va me donner de la confiance pour la Finale.

MATTHÉO DAUVERGNE (15 ans, France)

Grand espoir normand, il a notamment gagné son ticket pour FEED Racing en remportant le trophée KartMag-FEED en karting en catégorie Nationale. Cette année, malgré la perte de son mentor Antoine Desmonts, il est passé avec succès en catégorie KZ2 avec le titre de vice-champion de Normandie.

Ma plus grande fierté est mon titre de champion de France Cadet en 2021, mais aussi d’avoir gagné ma place à FEED à la KartMag qui m’a payé les cinq jours de stage pour avoir un premier pied en monoplace. […] Perdre Antoine en début d’année, me donne une double envie : celle de réussir pour lui et pour moi.

TRULY ADAMS (14 ans, États-Unis)

Le plus jeune des six finalistes est le fils d’un ancien pilote NASCAR Featherlite Southwest Tour, Troy Adams, désormais propriétaire d’un circuit en Californie. Habitué à rouler en karting aux États-Unis, c’est sa première expérience en Europe.

On est venus à FEED car l’un de mes proches amis connaissait déjà l’école. En sachant qu’il y a un baquet gratuit en F4 à la clé, c’est logique de faire le trajet depuis si loin. On savait que le niveau serait relevé et on n’est pas déçus. Ça permet de me tirer vers le haut.

MATHYS SAURA-PICTET (16 ans, Suisse)

Le Genevois est l’unique redoublant parmi les six finalistes. Vainqueur trophée KartMag-FEED en 2023, il avait été éliminé en quarts de finale l’an passé. Fort de cette expérience, le Suisse a appris et a progressé pour atteindre la finale.

Je suis né en Suisse mais j’habite en France, j’ai toujours roulé en France aussi. […] Si je suis qualifié en finale, ça deviendra la plus grande fierté de ma carrière. J’ai eu deux-trois titres en karting, mais là, FEED, la monoplace, c’est plus important. […] L’an dernier, je me suis fait éliminer à cause du mental. J’ai pris de la maturité, de l’expérience.

YUVAL ROSEN (18 ans, Israël)

Simracer presque professionnel dans son adolescence avec l’équipe française TX3, l’Israélien a aussi été vice-champion national en Rotax Senior dans une grille famélique constituée de sept pilotes. Aujourd’hui développeur logiciel, il a conçu sa propre télémétrie pour analyser ses onboards à FEED.

Je faisais du simracing quand j’étais jeune et j’ai fait 1-2 ans en karting à Israël. En venant du simracing, j’étais assez confiant en arrivant à FEED car je pense que la connexion entre simracing et réel est plus proche qu’on ne le pense. Le plus gros obstacle dans le réel, c’est le manque de roulage, tu dois apprendre très très rapidement, beaucoup plus que sur simulateur où le roulage est illimité.

SACHA BOUDER (17 ans, France)

Ancien du championnat de France FFSA Junior dont il avait terminé 11e il y a deux ans, le Breton est l’invité surprise de cette finale. Discret durant son stage de cinq jours, puis en quarts, il est monté en gamme progressivement au cours de l’aventure FEED.

Je n’ai pas fait beaucoup de courses au niveau national en karting. J’avais déjà fait une 4e place en FFSA Junior, mais là, se qualifier pour la finale de FEED, c’est ma plus grande fierté. Je n’avais jamais fait de F4 avant, c’est tout nouveau pour moi. Au 3e jour, je me suis fait remonter les bretelles par Patrick Lemarié car je commençais à faire un peu n’importe quoi, et depuis, je suis sur un rythme incroyable, c’est super.

L'article a été publié simultanément en deux langues, avec une version anglophone sur feederseries.net. Les deux médias sont complètement indépendants, et feederseries.net n'a apporté aucune modification à la version originale française de l'article ici présente.