Au cours de ces cinq dernières années faites de titres disputés et de courses à rebondissements, les fans de Formule E ont pu suivre les joies et les peines de noms désormais ancrés dans l'histoire de la discipline.
Les champions passés, Nelson Piquet Jr, Sébastien Buemi, Lucas di Grassi et Jean-Eric Vergne, ont laissé leur empreinte dans cette catégorie atypique. Mais d'autres pilotes, parfois détenteurs d'un riche palmarès en sport automobile, ont également participé plus furtivement au développement de la Formule E. Retour sur ces noms insolites étant passés par le championnat électrique.
A la création de la Formule E, de nombreux pilotes ont manifesté leur désir de faire partie de cette nouvelle catégorie pleine de promesses. Ainsi fut créé le Drivers Club, une sorte de réserve de pilotes dans laquelle les équipes désireuses de rejoindre le championnat allaient pouvoir piocher ceux qui formeraient leur futur line-up.
Si certains pilotes sont aujourd'hui devenus indissociables de leurs succès en Formule E, comme Sébastien Buemi ou Lucas di Grassi, d'autres n'ont finalement fait qu'effleurer le potentiel de la catégorie. C'est le cas de Franck Montagny, qui restera cependant dans l'histoire pour avoir été l'un des vingt pilotes ayant participé au premier E-Prix de Formule E.
Franck Montagny, sa carrière, son palmarès
Avant d'être le consultant de Canal+ sur les Grand Prix de Formule 1, Franck Montagny s'est fait connaître en tant que pilote. Les amateurs de Formule 1 se souviennent encore de son passage chez Super Aguri en 2006. Après le départ en retraite d'Oliver Panis à la fin de l'année 2004, Montagny est le pilote français le mieux placé pour accéder à une place de titulaire.
C'est en World Series by Nissan que Franck Montagny s'ouvre une première porte vers la F1. Le français réussit en effet à s'installer comme une tête d'affiche de la catégorie. Il termine vice-champion de la saison 2002, ce qui lui permet de rejoindre le Renault F1 Team en tant que pilote essayeur. L'année suivante, il décroche le titre en World Series by Nissan et passe du statut de quatrième pilote Renault à celui de troisième pilote.
En 2006, Renault remplace Montagny par le jeune Heikki Kovalainen. Le français rebondit chez Super Aguri, même si la petite équipe ne peut pas lui offrir de roulage en essais privés. Le pilote originaire de la Loire voit les choses s'accélérer lorsque la FIA demande à l'équipe de ne plus faire rouler le japonais Yuji Ide, jugé dangereux en course. Montagny est logiquement choisi pour remplacer dès le Grand Prix d'Europe au Nürburgring.
Malheureusement, une casse moteur vient stopper net la première course du nouveau titulaire après seulement 35 tours. Tandis que la FIA suspend la Super-Licence de Ide jusqu'à la fin de la saison, Super Aguri confirme Montagny pour le Grand Prix d'Espagne, qu'il abandonnera également sur problème mécanique.
Il verra l'arrivée pour la première fois au Grand Prix de Monaco qu'il terminera dernier classé. Super Aguri prolonge la pige de Montagny pour les Grand Prix de Grande-Bretagne, du Canada, des Etats-Unis et de France. Le Ligérien réalise des performances satisfaisantes, mais il est finalement remplacé par Sakon Yamamoto, que les sponsors de l'écurie souhaitaient aligner aux côtés de Takuma Sato pour former un duo 100% japonais.
Il passe chez Toyota en 2007 où il occupe le rôle de pilote essayeur. Il espère un temps récupérer le volant d'un Ralf Schumacher décevant, mais se résout à quitter l'équipe à la fin de l'année. Il dispute également les 24 Heures du Mans à 12 reprises entre 1998 et 2012, obtenant deux 2ème places.
Podium historique à Pékin
Au début de l'année 2014, Montagny rejoint le Drivers' Club de la Formule E. Il est ensuite engagé par l'équipe Andretti Formula E Team pour disputer la saison 1. Pour sa première séance d'essais libres, Franck signe le huitième temps juste devant son coéquipier Charles Pic. Il augmente considérablement le rythme lors de la deuxième séance et se classe 4ème, à une demi-seconde du temps de référence.
Visiblement à l'aise dans les rues de Pékin, Montagny signe le cinquième meilleur temps de la séance de qualifications. Malheureusement, il écope également d'une pénalité de trois places sur la grille de départ pour avoir quitté la voie des stands avant le passage des feux au vert. Il s'élance donc de la 8ème place sur la grille, derrière son coéquipier.
A l'extinction des feux, Montagny se place à hauteur de Pic et prend l'extérieur au premier virage. Toujours côte-à-côte avec son compatriote, le français s'impose à l'intérieur du virage suivant, manquant presque d'envoyer Pic dans le mur en sortie. Grâce à cette agressivité, Montagny efface sa pénalité de trois places et se rapproche rapidement du podium. Seuls Nico Prost, intouchable leader, Nick Heidfeld et Lucas di Grassi le devancent.
C'est dans l'ultime virage que Prost, s'attendant à une attaque de Heidfeld, se décale brusquement vers l'intérieur sans réaliser que son adversaire est déjà là. Le contact entre les deux voitures envoie la Venturi de Heidfeld en travers, puis en tonneau lorsqu'elle rebondit sur le vibreur intérieur. Plus de peur que de mal pour les deux pilotes, qui abandonnent malgré tout à une dizaine de mètres de la ligne d'arrivée. Lucas di Grassi s'impose et devient le premier vainqueur de l'histoire de la Formule E, tandis que Franck Montagny récupère une 2ème place méritée.
A Putrajaya, deuxième épreuve de la saison, l'actuel consultant F1 de Canal+ se qualifie 13ème. En course, il stagne dans le peloton et franchit la ligne d'arrivée à la 15ème place. Après sa belle performance de Pékin, Montagny semble capable de réaliser un beau parcours dans la discipline électrique. Mais le français annonce dans un communiqué qu'il sera absent de la troisième course à Punte del Este, expliquant qu'il est malade.
La vérité est toute autre. En réalité, le pilote Andretti a été contrôlé à un dérivé de la cocaïne à l'issue d'un test anti-dopage réalisé après la course de Putrajaya. Son volant est alors confié à un certain Jean-Eric Vergne, en attendant la décision de la FIA concernant sa sanction.
A cette époque, Montagny s'explique : "Ce jour-là, quand je suis arrivé à la gare de l'Est, je ne m'imaginais pas prendre l'avion le lendemain pour la Malaisie. Je n'étais pas bien. Je ne me voyais pas courir. Je n'avais pas la tête à ça. J'ai changé d'hôtel, je n'étais plus joignable. Je voulais débrancher". Le français est alors en pleine séparation avec sa femme de l'époque.
"Le lendemain, j'ai pris l'avion. J'ai couru, et à la sortie de l'épreuve, je vois le gars du contrôle qui me fait signe. Là, dans ma tête, j'ai compris de suite. Je savais que c'était mort. J'ai repris l'avion. J'ai fait des courses pour deux jours, pour ne pas sortir, être seul, chez moi, entre mes quatre murs. Puis j'ai appelé mes parents, pour leur expliquer. J'avais honte".
Le 2 avril 2015, la FIA indique la suspension de Franck Montagny, à compter du 23 décembre 2014 et pour une durée de deux ans, de toute compétition sportive. S'il garde sa place de consultant chez Canal+, qu'il occupe toujours en 2020, sa carrière en Formule E s'arrête net. Son remplaçant chez Andretti, Jean-Eric Vergne, signera la pole position de son premier E-Prix à Punta del Este, puis deux autres à Miami puis à Moscou. De quoi nourrir quelques regrets...