Il y a quelques semaines, Mattia Binotto disait regarder du côté de l'IndyCar ou d'un programme en Endurance si le budget plafonné devait être introduit en F1. Alors voici pourquoi Ferrari choisira l'Indycar plutôt que l'Endurance.
Avec l'introduction du budget plafonné, Ferrari devra réorienter une partie de son personnel vers d'autres projets afin d’éviter des licenciements secs que la législation italienne du travail ne peut pas permettre ainsi que les 90 millions d'euros de son budget d'après les analyses de The-Race.com. En sachant que Ferrari ne dépense pas un euro dans son projet F1, seule une commission sur le marchandising Ferrari fait office d'apport au budget de l’écurie d'après Dieter Rencken pour le site Racefans.net.
Pourquoi Gasoline Alley plutôt que la Place des Jacobins ?
Cet élément permet de penser que Ferrari ne sera pas seule décisionnaire dans son choix d'aller en IndyCar ou en Endurance. Cela change le prisme par lequel on doit voir la réflexion que doit réaliser Louis Camilleri. Les influenceurs du choix seront les sponsors de la Scuderia Ferrari puisque ce sera leur argent qui sera investi.
Commençons par un sponsor, ô combien invisible, mais tellement puissant au sein de la Scuderia Ferrari : Philip Morris International. Philip Morris International contribue à 60% au budget sponsoring de la Scuderia Ferrai, l'entreprise cherche naturellement une exposition qui puisse permettre de donner un retour sur investissement suffisant dans le cadre de son association avec la Scuderia Ferrari.
Pour bien comprendre l'influence de Philip Morris International au sein de Ferrari, il suffit de regarder le croisement des dirigeants entre les deux entités, Louis Camilleri est le président à la fois de Philip Morris International et PDG de Ferrari tandis que son prédécesseur au sein de Ferrari siégeait aussi au sein du Board de Philip Morris International.
Devenu sponsor-titre en 1997 de la Scuderia Ferrari après un mandat de 22 ans chez McLaren au travers de Marlboro, l'entreprise a vu son champs d'action marketing progressivement réduit pour arriver à une disparition du nom Marlboro en 2012 dans la liste d'entrée de la FIA.
L'entreprise a usé de toutes sortes de stratagèmes pour maintenir la visibilité de la marque puis de l'entreprise pour arriver au projet « Mission Winnow » lors du Grand Prix du Japon 2018. Cependant bon nombre de pays (dont la France) ont refusé ce branding du fait de son association avec Philip Morris International.
Au moment de conseiller Ferrari pour faire son choix de second projet sportif, Philip Morris International veillera à pouvoir activer sur le plan marketing ce projet. Cela nous amène à des questions de législation sur la publicité liée aux entreprises du tabac. En s'appuyant sur la loi Evin, la France a interdit à Ferrari de venir en France avec le branding « Mission Winnow » alors que les Etats-Unis autorisent cette activation.
Dès lors pour Philip Morris, pourquoi aller courir dans un championnat où la principale course se déroule dans un pays qui ne vous autorise pas à faire de la publicité ? Cette question enterre déjà toute possibilité pour Ferrari de s'engager avec la Scuderia aux 24 heures du Mans. La dernière voiture au Mans sponsorisée par Philip Morris est la Toyota GT One de 1999.
Ferrari plutôt vers l'IndyCar que l'Endurance
Philip Morris entretient toujours de très bons rapports avec le taulier de l'IndyCar en l'occurrence Roger Penske. Philip Morris a sponsorisé le Team Penske en IndyCar (CART/IRL) et en NASCAR au travers des bières Miller et des cigarettes Marlboro de 1985 à 2009. Roger Penske a toujours un membre de son empire au sein du conseil d'administration de Philip Morris.
Enfin, il est important de rappeler à quel point Philip Morris est attaché au monde la monoplace américaine. Marlboro a été un des grands sponsors du CART au travers de plusieurs courses et de la tenue d'All Stars Game du championnat (Marlboro Challenge).
Philip Morris est aussi très attaché à l'Indy 500, ils ont proposé un chèque pharaonique à la famille Hulman qui a été refusé pour des raisons d’éthique et Philip Morris a aussi forcé Roger Penske à quitter le CART fin 2001 afin de pouvoir exposer des stickers Marlboro sur les voitures à Indianapolis (dans le championnat concurrent, l'IRL - Indy Racing League).
Pour conclure au sujet de Philip Morris, une entreprise rivale dans le monde du tabac est déjà à Indianapolis au travers d'Arrow McLaren SP dans le cadre de son association avec RJ Reynolds et BAT. Il est donc pertinent pour Philip Morris d'aller battre RJ Reynolds avec Ferrari.
Le second sponsor de Ferrari est Shell, partenaire historique de la Scuderia Ferrari des années 30 jusqu’à 1973 et de 1996 jusqu’à nos jours, ce partenaire devrait avoir un avis assez tranché sur la question. Shell en 2020 est devenu l'un des sponsors majeurs de l'IndyCar dans le cadre de son prolongement avec la Team Penske via sa marque Pennzoil.
On peut penser que Shell donnera sa bénédiction pour un projet en IndyCar plutôt qu'aux 24 Heures du Mans, notamment à cause du fait que Total est le principal partenaire du WEC. Le constat semble sans appel, si un second programme devait être décidé, il ferait peu de sens pour les sponsors de la Scuderia Ferrari d'aller vers un programme qui impliquerait une course principale sur le territoire français pour Philip Morris et en roulant sur du carburant Total pour Shell.
Crédit Photo - image à la Une : Sean Bull Design
Contribution - article rédigé par : Karim Eloukbani