A l'issue de sa saison en IndyCar Series, Simon Pagenaud nous a accordé un entretien ! On revient sur sa folle saison 2019 avec en point d'orgue sa victoire aux 500 Miles d'Indianapolis, il fait le bilan avec nous.
L'IndyCar Series a le vent en poupe, en témoignent les pilotes et les écuries qui veulent intégrer les rangs de la monoplace américaine. Ici en France, les chiffres d'audiences sont bons, surtout lorsqu'on évoque nos compatriotes tricolores Sébastien Bourdais et Simon Pagenaud qui sont appréciés et suscitent toujours la curiosité des fans.
C'est la remarque émise à l'introduction de cet entretien avec Simon Pagenaud, nous lui avons dit que la seule évocation de son nom était synonyme de belles audiences et de bienveillance à l'égard de sa carrière et de ses résultats. "Ça fait plaisir à entendre, c'est super ! Je suis content de pouvoir avoir un impact sur mon sport, ça fait vraiment plaisir !"
Avant cette saison 2019, la saison 2018 s'est soldée sans victoires, quelle en est la raison ? Le nouveau kit aéro était en cause ou une succession malheureuse de faits de course ?
Un peu des deux en fait, nous n'avions pas eu beaucoup d'essais en début de saison avec le nouveau kit aéro, nous avions démarré assez tard. Dès le début nous nous sommes rendus compte que le nouveau kit aéro avait déplacé le poids vers l'avant et que ça ne correspondait plus tellement avec nos réglages et mon style de pilotage. Le temps que nous puissions rectifier le tir, la saison avait démarré, on a fait des erreurs de stratégies, c'était compliqué !
Il y a eu une perte de confiance de ma part dans la voiture, c'est dommage car nous étions dans une belle dynamique depuis 2017, mais c'est la course, c'est ainsi ! Mais à partir des 3/4 de la saison 2018, on a décidé de nous concentrer sur la saison d'après, et c'est grâce aux difficultés de 2018 que nous avons pu faire une belle saison en 2019.
Notre point fort de 2018 c'était les circuits ovales, nous avons donc travaillé sur les circuits routiers et les circuits urbains, et les résultats se sont améliorés. Mon trait de caractère est de trouver toujours le positif, et il est toujours plus facile de progresser à partir de moments compliqués que les moments plus faciles.
Y a-t-il eu des pressions au sein du Team Penske après ce petit passage à vide en 2018 ?
Pas du tout d'inquiétudes, car lorsqu'on est pilote chez Penske et que l'on gagne, il n'y a pas de soucis pour le futur. C'est vraiment un travail d'équipe sur le long terme, on le voit bien que les pilotes changent rarement chez Penske. Il n'y avait pas de pression de l'équipe, la pression, je me la mettais tout seul pour pouvoir mieux faire !
Je savais que je pouvais avoir de meilleurs résultats, le tout était de savoir quand ! C'était frustrant de ne pas avoir les résultats qu'on méritait, on a travaillé très dur, j'ai moi-même dû améliorer certains aspects de mon pilotage qui n'était pas parfait, comme me battre dans le trafic et ça m'a permis de progresser en 2019, cela m'a beaucoup servi. Beaucoup de personnes qualifient la saison de 2018 de très compliquée, mais pour moi, elle m'a permis de reculer pour mieux rebondir !
"2018 m'a permis de mieux rebondir en 2019"
Le mois de mai 2019 était le mois "Pagenaud", la victoire au Grand Prix d'Indianapolis a-t-elle donné l'élan positif pour l'Indy 500 ?
C'est clair que c'était un boost pour mon équipe, celle de la n°22 et pour moi également, j'avais besoin d'un victoire pour être soulagé des efforts produits et de la pression que je m'étais mise. Je suis un perfectionniste dans l'âme, c'est difficile à vivre, mais ce fut une délivrance de remporter cette course surtout sous la pluie cela m'a fait penser à mon idole Ayrton Senna.
La remontée était belle, je suis vraiment allé la chercher ça m'a donné du baume au cœur, une sur-motivation et pour mes mécaniciens, ça leur a donné la motivation nécessaire, ils en avaient besoin.
Quelle est votre popularité depuis la victoire aux 500 Miles d'Indianapolis ? Vous considèrent-ils comme l'égal des pilotes américains ?
J'ignore pourquoi j'ai toujours eu ce soutien de la part du public américain, j'ai toujours été très apprécié, je n'hésite pas à rigoler de moi-même et je crois que ça leur plait. Je me suis bien intégré, ça fait 14 ans à présent que je vis aux USA et j'ai un soutien des américains et du Brésil également qui est très fort.
Depuis l'Indy 500 c'est devenu difficile de passer incognito, surtout à Indianapolis, mais c'est avec plaisir et ça veut dire que j'ai un impact important pour mon sport. Je voulais qu'avant la fin de ma carrière, on se souvienne de moi.
Parlez-nous de votre expérience de pilotage avec l'aeroscreen qui arrive en 2020. La sécurité du pilote est plus que jamais sur le devant de la scène depuis la disparition tragique d'Anthoine Hubert.
C'est évidemment très triste ce qui s'est produit pour Anthoine, nous sommes très touchés, les pilotes et l'IndyCar ont fait un bel hommage avant que nous prenions le départ de la course à Portland.
Malheureusement nous ne pouvons pas faire plus pour soutenir la famille, je connais très bien Cyril Abiteboul et je sais que chez Renault c'est également très difficile (NDLR : Anthoine Hubert faisait partie de la Renault Sport Academy). C'est un sport où il y aura toujours des risques, et c'est terrible ce qui est arrivé.
Maintenant, il faut regarder en avant et améliorer la protection des voitures et des pilotes et l'IndyCar Series est un vrai pionner dans la sécurité. Les Saffier Barrier sur les circuits ovales ont été conçues par l'IndyCar, la monoplace qui vient de chez Dallara a évolué chaque année pour toujours mieux protéger les pilotes. On l'a vu depuis l'accident d'Hinchcliffe (NDLR : Indy 500 2015) cela a bien progressé, il faut limiter l'intrusion des pièces dans le cockpit, l'accident de Robert Wickens aurait pu être encore bien plus grave.
Désormais, on le voit, la voiture adopte un look un peu futuriste, visuellement elles sont jolies avec l'aeroscreen. Et dès les premiers tours de roues, je me suis senti en sécurité, il ne reste plus qu'à protéger la tête du pilote car sur les ovales si une pièce vole à 350 km/h on ne peut pas la voir. Pour moi cela a du sens et je suis partisan de l'aeroscreen, cela a été fait de manière super qualitative avec Red Bull Technologies et l'IndyCar, c'est vraiment que du bon !
"je suis partisan de l'aeroscreen"
Après les essais au Barber Motorsports Park, le roulage en condition de pluie était bon, mieux qu'auparavant ?
Oui, mais le seul hic c'est que je n'ai pas roulé avec 22 voitures avec certaines d'entre-elles devant moi pour pouvoir tout évaluer. Mais sous la pluie, pouvoir rouler avec un casque sec, cela ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Et forcément quand le casque est sec il y a moins de buée.
Ensuite, j'ai trouvé que la vision était bonne car l'eau se dissipe assez rapidement sur le pare-brise, il y a un traitement spécifique fait sur l'aeroscreen pour l'écoulement de l'eau et ça marche très bien. L'eau ne stagne pas, pas besoin d'essuie-glace et l'inclinaison du pare-brise est forte donc ça s'évacue rapidement !
Pour les reflets, quand le soleil est à midi c'est là où c'est le plus compliqué, Penske et l'IndyCar travaillent sur ça en ce moment, mais ce sont des problèmes minimes, on n'est pas inquiets pour ça. L'autre avantage est qu'il y a moins de bruits d'air dans le cockpit, donc on peut mieux entendre les ingénieurs. Personnellement je n'ai pas encore roulé avec l'aeroscreen sur les ovales pour en juger mais c'est déjà plus calme dans la voiture comme ça peut l'être dans un prototype,
Quel est la position de l'ensemble des pilotes à l'arrivée de l'aeroscreen ? Aurait-t-il pu être introduit plus tôt ?
On va s'habituer très rapidement à l'aeroscreen et honnêtement quand on pense à la sécurité dont ont besoin les pilotes, le look importe peu, et dans 6 mois tout le monde l'aura oublié. En sport automobile, il ne faut jamais se reposer, que ce soit dans la performance ou la sécurité, c'est toujours ainsi, il ne faut jamais se reposer.
L'IndyCar Series a tout fait pour aller au plus vite pour apporter cette solution, mais ce long processus de tests était nécessaire, il ne fallait pas dans l'urgence apporter de nouveaux problèmes. Red Bull Advanced Technologies et l'IndyCar Series ont travaillé ensemble pour le développement, il faut du temps pour adapter ce dispositif et c'est très bien qu'il soit introduit en étant optimisé sous toutes ses formes.
Que pourriez-vous dire à ceux qui pensent qu'on s'éloigne du concept de la monoplace avec l'introduction de l'aeroscreen ?
En général, l'être humain n'aime pas le changement. Il suffit de regarder les voitures il y a 50 ans et celles d'aujourd'hui, que l'on aime ou pas, cela fait partie du jeu. Avant, à vélo on ne portait pas de casque, maintenant c'est obligatoire !
Ça fait partie de l'évolution des choses, a-t-on vraiment envie de voir un accident fatal en course ? Et puis, il y a l'évolution de la société qui fait que c'est quelque chose que l'on n'accepte plus. Il fut un temps c'était dans la conscience collective, mais aujourd'hui, la fatalité n'est plus acceptable.
Et puis, c'est normal que l'on trouve des solutions pour les personnes qui pratiquent des sports dangereux. Après, pour ceux qui trouvent la voiture moche, je l'entends mais on ne pourra pas discuter des goûts et des couleurs de chacun.
Moi, personnellement, je trouve que c'est bien pour attirer le jeune public, cette voiture parait futuriste, il faut que le jeune public puisse s'intéresser au sport automobile. La voiture est vraiment jolie à voir, c'est une avion de chasse.
Elle parait peut-être mieux équilibrée esthétiquement avec les gros ailerons du kit routier plutôt que les fines lames des circuits ovales, mais il faut penser que la nouvelle voiture de 2021 sera conçue autour de l'aeroscreen et ce dernier sera mieux intégré. Il ne faut pas oublier que c'est un élément de sécurité, il a été rajouté sur cette voiture avec toutes les difficultés de conception que cela implique.
"pas de politique en IndyCar, du sport et du spectacle"
En 2022, l'hybride arrive en IndyCar, qu'est-ce que cela va apporter à la série ?
L'IndyCar va dans la bonne direction, plus de puissance, des appuis aérodynamiques moyens comme en ce moment, ça produit toujours du spectacle, moi, c'est ce qui me convient. Ensuite, la discipline essaie de parler aux jeunes avec l'aspect futuriste.
C'est une discipline qui est en bonne santé, on l'a vu avec les audiences ici, elle affiche la meilleure progression par rapport aux autres disciplines automobiles. Et puis, je suis content que l'IndyCar plaise aux français, ici, nous avons tous la même voiture, il y a de la bagarre, pas de politique c'est du vrai sport et du spectacle.
BorgWarner vous a fait une belle surprise lors de la remise du Baby Borg !
Norman, mon chien, est gravé à la base du trophée, c'est en effet un super geste de la part de BorgWarner. Ils sont un soutien incroyable pour l'IndyCar, c'est une belle tradition ce trophée depuis 1937, je la trouve sensationnelle et ça permet de véhiculer une image particulière de cette course (l'Indy 500). Ils prennent soin de leur champion, vous n'avez pas idée !
Simon Pagenaud sera toujours aligné chez le Teamp Penske en IndyCar Series en 2020 et tentera de reprendre sa couronne acquise en 2016 mais également de repartir à la conquête des 500 Miles d'Indianapolis, une course qu'il veut remporter le plus de fois possible. Le pilote français a d'autres projets en tête également, un retour aux 24 Heures du Mans pour gagner la classique mancelle et un jour, disputer le Rallye Monte-Carlo, toutes ses confidences sont à retrouver dans le précédent entretien qu'il nous avait accordé.