C'est dans les ateliers de la Carrosserie Serra à Hyères qu'on a rencontré Sébastien Serra. De sa passion pour la moto à son activité liée à la MotoGP, l'histoire d'un homme simple.
Sébastien Serra a deux passions dans la vie : la moto et son métier, mêlant carrosserie et peinture. "Je suis passionné de moto depuis tout petit. J'ai démarré la moto tard, quand j'ai eu les moyens de m'en acheter une. Avec un père carrossier, j'ai également eu la passion de la peinture. Du bricolage dans le garage, j'ai réussi à créer mon entreprise où je peins des motos, des casques'', nous explique-t-il.
Il passe son permis à 21 ans. Après un arrêt pendant plusieurs années, un ami le motive à remonter sur un deux-roues. Il rachète à l'époque la R6 d'un ami et va faire une première journée de roulage sur le circuit du Luc, dans le Var. "J'ai trouvé ça cool. Je n'avais pas trop d'argent à l'époque. Je n'avais pas encore mon entreprise. J'ai fait 3-4 années de roulage simple. Je me suis acheté une Ducati 999 en vendant la R6'', souligne-t-il.
Une passion pour les Ducati
Sa passion pour Ducati remonte à loin. Il a toujours été passionné par la marque italienne, comme en atteste ses replicas faites pour la concession de Fréjus. La passion Ducati commence grâce à son ami Hervé qui lui fait acheter sa Ducati 999.
C'est avec sa 999 qu'il commence la compétition. "Quelqu'un m'a dit « tu devrais faire de la compétition » et j'ai fait ma première course en 2009, à Pau'', raconte Sébastien Serra. Après la 999, il a connu une période 1098, Panigale, 1098RS avant de racheter une 996 qu'il équipe d'un moteur d'une 1098.
"J'ai fini 3e au challenge ProTwin au Castellet à l'occasion des Sunday Ride Classic 2017 avec ma Ducati 996 avec un moteur de 998 et un châssis au top du top. J'ai fini devant toutes les Ducati officielles. Il y avait devant moi Jérémy McWilliams et Michael Fudala. A l'époque, ça avait fait jaser. Tout le monde s'interrogeait sur ma moto'', s'amuse-t-il.
Championnat de France European Bikes en 2019
Cette année, Sébastien Serra compte courir en Championnat de France European Bikes. Un véritable défi pour le pilote varois.
"Je vise le top 10. Il y a plusieurs circuits que je ne connais pas comme le circuit Carole, Nogaro ou encore Albi. Avec trois circuits inconnus sur sept, c'est compliqué. Faire un top 10 en European Bikes pour faire le podium la saison prochaine. Le niveau est élevé et ce n'est pas simple'', nous confie-t-il.
Le plus difficile pour lui reste de trouver le budget. Les temps ont changé et Sébastien Serra le remarque entre ses débuts et aujourd'hui.
"D'année en année, c'est de plus en plus difficile d'avoir des sponsors. A mes débuts, sans expérience, j'avais entre 3000 et 5000 euros de partenariats. Aujourd'hui, je suis obligé de payer de ma poche parce que les entreprises ont de plus en plus de mal à donner qu'avant, malgré l'association, le fait que la moto est une déco de fou, le casque magnifique, les sponsors atypiques qui me donnent du partage'', explique-t-il.
Une cagnotte est en ligne pour financer une partie de sa saison à venir. Une idée à laquelle il n'a pas adhéré. "Je n'aime pas demander... Quand j'ai besoin de budget pour une saison, je vais démarcher les entreprises du coin. J'aime vendre mon projet. Mais là, on n'a pas de quoi boucler l'année. C'est un peu à la mode. Je ne voulais pas le faire mais le gars de chez Ducati a voulu le faire. Ça paiera toujours quelques petites choses pour notre saison. L'ensemble des dons revient à l'association pour payer la saison. J'ai monté l'association Team Repli-K Racing lorsque j'ai commencé la compétition parce que c'était le seul moyen de récupérer de l'argent pour courir'', déclare-t-il.
La carrosserie, un travail prenant et kiffant
Outre sa vie de pilote, Sébastien Serra a sa propre entreprise de carrosserie, une passion transmise par son père, lui-même carrossier. "Mon père ne voulait pas que je fasse ce métier. C'est plus qu'un métier, c'est une passion'', dit-il.
"Quand j'ai acheté ma Panigale, j'ai été contacté par Monster Energy. Ils me disent qu'ils vont faire une journée Monster Energy au Castellet avec des pilotes connus. Ils m'ont demandé si je louais des motos, j'ai répondu que non. Ils m'ont dit ensuite que c'était pour Michael Schumacher. J'ai changé d'avis. Je leur ai fait un prix de location. La moto était rouge, vu que c'était une Ducati. Ils voulaient une moto grise pour le lendemain. Je l'ai démonté, je l'ai peinte. Dans la nuit, je suis revenu pour la remonter et je suis arrivé avec une moto grise, couleur Petronas. Ils ont halluciné. Je suis resté avec Michael Schumacher toute la journée. Ça m'a fait une bonne publicité'', se souvient-il.
Puis est venu ce contrat avec une célèbre équipe de MotoGP française : Tech3.
"Un jour, l'équipe Tech3 me demande si je peux les dépanner pour peindre les motos pour Spies et Edwards pour la course de Laguna Seca. Par la suite, ils ont commencé à me faire peindre des Moto2. Puis un peu plus jusqu'à maintenant où je peins toutes les MotoGP et Moto2 de l'équipe.
C'est une fierté, je suis content mais c'est difficile. On travaille 7 jours sur 7, on commence très tôt, on finit très tard. C'est moi qui peint quasi tout le temps. Avec Tech3, on peint beaucoup de carénages d'un coup durant l'hiver. Il y a tant de jeu pour la MotoGP, tant pour la Moto2. Au fur et à mesure de l'année, tu reçois les carénages après les chutes. Ils ont 3 à 4 sets d'avance par moto. Mais, en fonction des chutes, tu reçois un certain nombre de sets, souvent pas entier en fonction de la chute, à repeindre pour toujours en avoir d'avance''.
Outre l'activité MotoGP, Sébastien Serra s'occupe également de voitures. De la "normale'' à la "prestige'' en passant par la restauration de vieilles voitures, la Carrosserie Serra a de multiples cordes à son arc.
Un passionné de moto et de F1
Regardant plus jeune les Grands Prix 500cc, ancêtre de la MotoGP, Sébastien Serra se souvient d'une époque où Max Biaggi, Valentino Rossi ou encore Kenny Roberts occupaient la grille de départ.
"Ce qui m'a marqué, c'est Biaggi quand il est arrivé en 500cc, lorsque je roulais en 125cc sur la route. J'avais fait la déco Marlboro avec le #3. Il a aussi les premières années de Rossi en 500cc avec la Nastro Azzurro, les années Kenny Roberts. Ce sont ces années-là qui m'ont fait rêver. Ça me fait encore rêver quand je vois rouler Lorenzo ou Marquez. A l'époque du 500cc, je ne roulais pas sur circuit. Maintenant, je roule en piste. Quand je les vois rouler, j'analyse, tous sont différents et je reste surpris. Il y a quelque chose'', nous explique-t-il.
Un pilote a marqué le varois : Nicky Hayden.
"Le seul souvenir qui m'a mis la boule au ventre, les larmes aux yeux, c'est le titre de Nicky Hayden. Le mec, il gagne, rien n'est préparé comme on peut le voir aujourd'hui avec le dernier titre de Marquez par exemple où tu sens qu'ils ont prévu le truc. Outre les décès de Simoncelli et de Hayden, où j'ai passé 15 jours en dépression. Ma femme vous le dirait et elle ne comprend pas pourquoi j'étais dans cet état lors de l'annonce de son décès. C'est ce dernier qui m'a donné envie de faire de la moto, je me suis toujours identifié à lui. J'ai toujours aimé sa façon d'être. Il y a Rossi aussi, que j'ai suivi depuis longtemps''.
Fan également de F1, il a connu une des grandes périodes de l'histoire du pinacle du sport automobile, avec le duel Alain Prost - Ayrton Senna, pour qui il a une grande admiration.
"Quand j'étais petit, Senna, c'était le Dieu de la F1 pour moi. Je me rappelle avoir chialer lorsqu'il est décédé. Quand j'ai regardé le documentaire du Senna sorti au cinéma, j'ai chialé. C'était horrible à regarder. Hayden avait moins de talent en moto que Senna en F1 mais c'était des mecs entiers. Senna voulait aller vite, être Champion du Monde. Il sentait les choses. Il était simple. Rossi, avant de tout gagner, c'est un mec qui a tout de calculé dans sa vie. Senna a été le choc de ma jeunesse. J'ai dit à ma mère que mon premier fils s’appellerait Ayrton, et c'est le cas. Et il a commencé le karting'', nous confie-t-il.
Les remerciements
"Si j'en suis là, c'est grâce aux gens qui sont avec moi. Je voudrais remercier en premier ma femme et ma famille. Mon pote Fabrice qui est toujours avec moi sur les circuits. S'il n'est pas là, je suis perdu. J'ai mon pote Seb qui me sponsorise chaque année et qui est toujours là pour m'aider. J'ai tous mes amis qui partagent les aventures avec moi, des gens comme vous qui me connaissent via les réseaux sociaux. Il y a pleins de gens qui font ce que je fais mais quand tu regardes les pages, souvent je vois mon truc et après ceux des pilotes connus. Les gens trouvent sympas ce que je fais. C'est grâce à eux que je suis vu.
C'est compliqué d'organiser tout ça, une saison correctement. Je ne me vois pas arriver avec une moto scotchée, avec des carénages que j'ai acheté sur le Bon Coin. Faire de la compétition, c'est faire comme les pros''.
Propos recueillis par Sébastien Marimon