Seconde partie de notre entretien avec Morgan Govignon où il évoque notamment son amitié avec "Le Mig" et son périple en Nouvelle-Zélande pour y faire rouler une Voxan !
Tu étais amis avec "Le Mig" (ndlr : Fabrice Miguet était une légende française de la course sur route, excellent pilote avec de nombreuses participations au TT et à de grandes courses à travers le monde), comment vous êtes vous connus ?
Le Mig, je l’ai connu dans Moto Journal avec un article sur le français qui roulait au Tourist Trophy avec une Voxan, une moto française ! Moi qui voulait bosser dans la moto et rêvait de Tourist Trophy, j’étais forcément intéressé. Et le portrait était exceptionnel, le titre c’était « pilote bringueur » ! A 15 ans, tu te dis que c’est pas mal du tout comme vie (rires) !
Je suis allé à l’école à Nevers, et le week-end de la rentrée, il y avait le Bol d’Or. J’ai épluché la liste des engagés et il était là ! C’était en 2003. J’ai grugé le vigile à l’entrée du paddock. J’ai trouvé le camion de l’équipe du Mig, ils étaient à l’apéro donc j’ai attendu. J’ai attendu très longtemps (rires) ! Je suis allé le voir car j’avais un projet étudiant à monter, et je voulais l’aider à préparer une moto pour l’Île de Man... Je me suis présenté et en fait je lui ai posé 2 questions :
1) Est-ce que tu aurais besoin d’aide pour construire ta prochaine moto ?
2) A part une grosse paire de couilles il faut quoi pour aller au Tourist Trophy ?
Il a éclaté de rire et on a commencé à échanger à partir de là. Malheureusement le projet que j’avais en tête a été refusé par l’école. A travers l’engagement que j’avais comme mécano chez Tecmas en Championnat de France SBK, on se voyait régulièrement. Quand je me suis dit en 2012 que je devais enclencher les choses pour l’Île de Man, on a échangé encore plus régulièrement.
Plus qu’un ami, c’était mon papa de la course sur route. Ce qui m’avait plu dans le premier article que j’avais lu sur lui, et c’était vrai, c’est que ce mec n’avait au départ pas grand-chose, voire que dalle, et qu’il a réussi à atteindre ses rêves. C’était la première fois que je voyais un mec, pas fils de pilote, pas fils de concessionnaire, venant d’un milieu modeste, réussir en se donnant les moyens. Il y en a pleins des mecs comme lui, en fait, mais lui faisait l’Île de Man !
Bon ce n’était pas l’exemple à suivre pour tout. Il était à l’arrache, mais d’une force… Il expliquait dans un article, qu’une année, il devait partir faire une série de courses sur route en Irlande et finalement ça n’a pas été possible car la camionnette a lâché au moment de partir… Mais que c’était peut-être pas plus mal car pour manger ils n’avaient rien, à part des cannes à pêche dans le but de pêcher sur place… Mig.
J’ai compris que je ne serai jamais aussi rapide que lui mais également que je ne pourrai jamais être aussi à l’arrache, je me suis dit que ça équilibrerait peut-être, et que j’avais peut être une chance de faire ce dont j’avais envie !
Cette course en Nouvelle-Zélande, c’était un projet du Mig de base, tu as voulu lui rendre hommage ?
Avec Mig on s’appelait régulièrement. Un des projets du Mig c’était de faire rouler une Voxan sur les 5 continents. Il a fait Pikes Peak sur une Voxan, le Tourist Trophy plusieurs fois en Voxan, et il voulait faire l’Océanie avec cette course dans la ville de Wanganui en Nouvelle-Zélande. J’en rêvais aussi de cette course et on a plaisanté car je me disais qu’il réaliserait encore un de mes rêves avant moi !
Malheureusement il nous a quittés lors de l’Ulster Grand Prix en août 2018. J’étais prêt à partir pour le Manx Grand Prix qui commençait 2 jours après. J’ai appris la nouvelle quand mon frère et moi chargions le camion… Un moment très dur.
Au retour sur le bateau, j’avais besoin d’un projet auquel m’accrocher, le genre de projet qui te fait avancer. Accomplir son rêve en allant faire rouler la Voxan en Nouvelle-Zélande m’est vite apparu. J’avais l’envie de raconter une histoire, Mig c’était surtout quelqu'un qui arrivait à faire des trucs incroyables à partir de rien.
J’étais dans le même esprit, avec aucun contact en Nouvelle-Zélande et pas plus avec le monde des Voxan ! Je voulais montrer que c’était possible, même si ce n’est jamais simple. C’est ce que m’a transmis Mig, j’avais envie de partager ça même si lui n’était pas très communication (à part à l’apéro !). Pour lui c’était normal d’être à l’arrache tout le temps. Je voulais faire perdurer quelque chose de lui en allant au bout de ce qu’il avait commencé.
Le hasard a fait le reste, un mec génial (Emmanuel Arnould) m’a prêté une Voxan prototype qui n’avait pas roulé depuis 10 ans, et qu’il a entièrement remonté avec l’aide du Voxan Club de France. Un prototype sur base de café-racer, je n’aurai jamais pensé piloter une telle moto. J’ai trouvé un contact en lançant une bouteille à la mer sur un forum de motards néo-zélandais. Un kiwi m’a proposé de faire passer la moto en Nouvelle-Zélande et de la faire revenir dans un container, en échange d’un simple pack de bières !
Je partais pour faire la course de Wanganui puis j’ai rencontré un gars qui s’occupait d’une grosse équipe néo-zélandaise au Tourist Trophy. Il m’a expliqué qu’ils n’organisaient pas que la course que je voulais faire, mais un petit championnat de 3 courses.
Il m’a invité pour les 3 en me proposant de déplacer eux-mêmes le container de la moto entre les courses ! Le 1er Décembre 2019, nous voilà partis avec ma femme et mes enfants. On a loué un van sur place pour dormir dedans. Emmanuel Arnould, propriétaire de la moto et spécialiste Voxan nous a rejoint. On a sillonné la Nouvelle-Zélande pendant un mois.
Il vous est arrivé une péripétie il me semble ?
On s’est pris le moteur dans les dents lors de la seconde course… On a pu compter sur la solidarité des néo-zélandais mais pas de pièce de Voxan là-bas ! Heureusement, mon voisin de bureau, Hervé, m’avait dit que si j’allais rouler en Nouvelle-Zélande, il viendrait nous voir avec sa femme !
Il devait arriver quelques jours après. On a appelé les copains en France pour réunir les pièces, mes parents sont allés en Auvergne les chercher en side-car. Mon ami Hervé a vidé ses valises de ses fringues pour y mettre 11 kg de pièces de Voxan ! La moto a redémarré le 24 Décembre pour la course le 26.
Tu es également président du Moto Club Fleur de Lys, quelles sont vos activités ?
Nous organisons plusieurs roulages sur circuits, des balades. Nous sommes affiliés à la FFM et nous délivrons des licences. Notre activité est centrée sur la course. Nous sommes une bonne bande de copains ! Pour les trackdays, on roule à Lurcy-Lévis et au Bourbonnais, nous sommes un peu dans le flou en ce moment… On attend tous les directives.
MotoKulture, comment t’es venu cette idée de ces courtes vidéos humoristiques mais en même temps enrichissantes ?
J’avais envie de commencer une activité vidéo pour partager nos aventures. Et pas le genre de vidéo avec un mec musclé sur des grosses motos et une casquette Monster vissée sur le crâne ! Quelque chose qui montre que tous ceux qui font ça n'ont rien d’exceptionnels, que c’est accessible, pour donner aux gens l’envie d’aller au bout de leurs rêves. Aujourd'hui, j’aurai dû être dans l’avion pour le Maroc pour faire un raid que j’aurai filmé, bien entendu.
J’ai eu la chance qu'un gars (Stéphane Hameau) tombe du ciel et me prête du matériel pour filmer en Nouvelle-Zélande, et c’est lui qui a monté le film. J’aimerais continuer à partager des aventures à moto sauf qu’en ce moment l’aventure est limitée… Donc on a monté les « Moto-Kulture », comme je sais parler technique moto et que j’avais envie de faire rire les copains pendant cette période !
Et je suis persuadé que le message passe mieux par le rire et la plaisanterie. J’apprends à lire à ma fille, cours à la maison oblige, et j’essaie de le faire par des choses drôles. La Moto-Kulture, ça me permet d’avoir une activité moto en ce moment et d’avoir la banane !
Une dernière question… Un pilote et une moto qui te font rêver ?
Le pilote, je vais dire Casey Stoner. Je l’ai suivi depuis ses débuts en compétition, nous sommes nés à 3 jours d’intervalle. Il est exceptionnel. Aux essais, quand au 3ème tour il rentre au box et donne les directions de réglages, il ne repart pas tant que la machine n’est pas mise dans le bon sens…
Mais les autres, pendant les 45 minutes restantes, ils n’arrivent pas à améliorer son chrono ! Après je dirai Michael Dunlop, ma référence au TT, un pilote agressif et spectaculaire, une mentalité jusqu’au-boutiste mais un bon esprit. Et en moto, pour moi il y en a une au-dessus, la Honda 6 des années 60, un 6 cylindres en ligne qui prend 18 000 tours/minutes.