L'édition 1976 des 24 Heures de Daytona a été exclue du Championnat du Monde des Marques pour avoir aligné des voitures préparées pour l'IMSA. Réintégrée en 1977, l'épreuve comptait une armada d'IMSA, c'est l'une d'elle qui allait s'imposer.
Appartenance de Groupe
Daytona réintégra le Championnat du Monde des Marques en 1977 malgré la présence accrue des IMSA, 49 voitures sur 57 au départ. Alors que le Groupe 5 "silhouette" avait fait son apparition en 1976, les nombreux incidents qui émaillaient ses prémices étaient aussi dû au laxisme des constructeurs qui appliquaient le règlement à leur guise.
Une vérification technique sera réalisée à la fin de l'exercice 76 et rendra son verdict : toutes les voitures étaient non conformes. Pour éviter la disparition du championnat, le CSI a publié à la hâte de nombreuses modifications pour que les Groupe 5 puissent encore se présenter aux épreuves. A noter que ces modifications ont été apportées tardivement et ne figuraient pas dans le code sportif 1977. Les commissaires techniques durent se référer aux bulletins sportifs édités par la FIA en octobre 76 et janvier 77.
24 Heures de Daytona : 5-6 février 1977
Les 24 Heures de Daytona couvrait trois catégories bien différentes, mais seule la première manche du Championnat du Monde des Marques, le Groupe 5 avait son rang d'importance mondiale. Cette année-là, une seule BMW officielle engagée (la nouvelle 320i 2 litres) avec à ses cotés une ancienne 3,5 CSL et 3 Porsche 935 dont une engagée par l'usine.
Le Championnat IMSA chapeauté par Camel, débutait avec l'épreuve Floridienne mais le plateau était déjà plus fourni avec 49 voitures, des Porsche 911 en grande majorité. Et pour compléter l'offre 1977, il y eut 3 "Le Mans GTP" qui étaient présentes dont 2 Inaltera et une ancienne Porsche Turbo (qui était hors concours sans pouvoir marquer de points).
Ironiquement, ce n'est pas une 'Groupe 5' qui allait s'imposer, mais une Porsche vieille de 2 ans préparée selon le règlement IMSA avec un équipage aux deux-tiers amateur et d'inscrire leur nom au palmarès de Daytona.
Dès 1976 Porsche se tourna vers le championnat du monde "silhouette" ouvert aux voitures du Groupe 5. Les Porsche 935 étaient véritablement redoutables au point de remporter le championnat en 1976 et 1977. Elle devient très prisée des écuries privées, c'est d'ailleurs Kremer, l'une des plus fidèles, qui permit à la 935 Turbo de remporter les 24 Heures du Mans 1979. Nos lauréats du jour (Écurie Escargot) ne jurait encore que par la Porsche 911, pensant la 935 encore trop peu fiable...
Les engagés
Ce sont 66 voitures qui s'alignent pour les essais avec une majorité de Porsche (27) mais l'usine n'en alignera qu'une seule, les Martini 1976. Parmi les 935, celle de Kremer pour Wollek/Jöst/Krebs et celle du Jolly Club pour Facetti/Finotto/Camathias. La Porsche-Martini de Ickx/Mass et celle du Jolly Club sont chaussées de pneus Dunlop alors que Kremer avait choisi Goodyear pour la sienne.
Du coté des "Turbos", il y avait le 'proto' de 1974 aux mains de Muller qui mena la vie dure à Pescarolo / Larousse aux 24 Heures du Mans, désormais la propriété de Vasek Polak, un concessionnaire Porsche de Californie.
Après la course cette Porsche ira rejoindre le musée et ses décorations Martini aux bandes rouges et bleues furent recouvertes de scotch noir. Avec un arrière rallongé, cette 2 litres Turbo ne pouvait pas être engagée en Groupe 5, elle sera reléguée en GTP hors-concours et confiée à Danny Ongais et George Follmer.
Pour ce qui est de la représentation des '934', Peter Gregg (Brumos Racing) aligne en IMSA l'ex-Gelo titrée en GT européen. Ensuite les Porsche 911 furent au nombre de 21, une 911 T sera même débusquée parmi les engagées, ainsi que les 911 disposant de cylindrées inférieurs à 2,5l, les meilleures Carrera dont celle des vainqueurs.
La seule BMW engagée l'était à titre expérimental avec aucun objectif à atteindre pour la marque allemande. Cette 320i était équipée d'un moteur de F2 dont la zone rouge était ramenée à 9 000 trs/min (au lieu des 9 700). A son volant, Sam Posey, David Hobbs et... Ronnie Peterson. (ci-dessous la 3,5l CSL du KWM racing aux mains de Kenper Miller et John Fitzpatrick).
Trois anciennes Ferrari Daytona (ex-NART) avaient fait le déplacement, l'une d'elle confiée à l'acteur Paul Newman qui réalisera une excellente prestation. Des Afletta firent la traversée de l'Atlantique au même titre qu'une Fiat X1/9 mais ne se qualifièrent pas pour autant.
Du coté des GTP et donc hors-concours, les Inaltera au nombre de deux, la première revenant à Jean-Pierre Beltoise et Jean Rondeau, la seconde était dévolue à un équipage 100% féminin, Lella Lombardi et Christine Beckers.
Un équipage qui fera réagir et qui intéressera beaucoup Chris Economaki (célèbre commentateur américain) qui ne croyait pas aux chances du duo féminin : "les femmes ne pourront pas s'empêcher de perdre du temps en bavardage aux stands..." Une réplique qui lui permit de se tailler un beau succès à Daytona, autre temps, autres mœurs...
Dans le clan des américaines, les gros "monstres" étaient plus ou moins bien préparés, plus ou moins bien pilotés, et de cylindrées différentes. Les Chevrolet Monza, les Camaro, Corvette et Mustang faisaient le nombre.
Place à l'action !
Les qualifications :
Le jeudi laisse place aux séances de qualifications scindées en deux groupes, selon que les voitures portent un nombre pair ou impair. La pluie s'invita à la fête perturbant un peu la hiérarchie. Bob Wolleck claqua un temps en 1'49"099 et balayé facilement par Jochen Mass en 1'48"289, qui profita des conditions de piste. Les Porsche 935 monopolisaient la première ligne et avaient battu le record de 1976 qui était de 1'52"055.
Derrière, les GTP étaient sur la seconde ligne, Beltoise devant Lombardi pour 2". Au total 47 chronos furent retenus dans la fourchette des 129,6% des premiers temps, mais les organisateurs allaient repêcher 11 autres voitures, mais l'une des Ferrari Daytona sera forfait, celle de Carradine (le frère de l'acteur) après l'avoir plantée dans un mur. On eut peur aussi du forfait de Beltoise après que ce dernier ait eu une crise de goutte, il sera finalement sur pied et dans les temps pour la course.
La course :
Une météo dégagée allait offrir un départ idéal pour les 57 voitures inscrites pour le départ. Une grille qui allait pourtant en compter 58, lors du tour de lancement, la Fiat X1/9 non qualifiée était pourtant en piste, son pilote avait tenté d'échapper à la vigilance des officiels, la blague ne dura qu'un tour...
C'est Jacky Ickx qui s'élança en tête de l'épreuve alors que Ongais derrière se défaisait de Beltoise et bientôt de Wolleck pour revenir au contact du pilote belge. Il vira en tête bien aidé par sa Porsche 'proto' et ce jusqu'au premier relais de la course.
Le chassé-croisé continuera à animer la course, la 935 Martini était bien plus rapide en ligne droite alors que la version proto de la Porsche se rattrapait dans la section sinueuse. Après l'heure de course, le classement donna Ickx / Wolleck / Beltoise / Ongais.
Beltoise céda le volant à Rondeau, Wolleck à Jöst et Lombardi à Beckers. Mais cette dernière ne bouclera que quelques tours, stoppée dans son élan par une Porsche Carrera en perdition dans le banking après une crevaison.
C'est celle de Gang qui frappe le mur, des débris se répandirent sur la piste et derrière survint West et sa Carrera qui ne put éviter le choc, il partira en tonneaux par dessus l'Inaltera de Beckers. La pilote belge est transportée à l'hôpital et en ressortira aussitôt, plus de peur que de mal.
Dans la manœuvre, les futurs lauréats de l'épreuve évitèrent le pire, Haywood esquivant l'amas de débris au volant de sa Porsche n°43. A la 4e heure de course, un nouveau rebondissement, Jochen Mass qui vient de prendre le volant éclate le pneu arrière droit à 300 km/h, mais il parvient à maîtriser la voiture.
Cela aura pour conséquences d'endommager fortement l'auto au point qu'un arrêt aux stands ne sera pas de trop pour changer les pneus, l'aile arrière droite et le radiateur. Jacky Ickx repartira des stands avec une portière en moins, le temps qu'on l'a démonte de la voiture d'Ongais avant de la remonter au prochain arrêt... Aujourd'hui encore, on n'aurait pas toléré cette improvisation de carrosserie.
Les ennuis ne sont pas terminés pour autant, une fuite d'huile au radiateur et une soupape grippée, à la 6e heure Ickx et Mass se retrouve 20e au classement avec 23 tours de retard. Des arrêts successifs pour Beltoise / Rondeau à cause de la rupture de support d'échappement vont les reléguer à la 15e position. Il reviennent à la 10e place après 9 heures de course.
Alors qu'en tête de l'épreuve la Porsche 935 de l'équipe Kremer semble tenir la hiérarchie, même après une petite alerte de plaquettes de freins après la 9e heure de course. A noter que la Porsche 935 Martini de Ickx établit le meilleur tour en course et le record en 1'52"004.
A la mi-course, Gregg / Busby sont victime d'un problème de boite de vitesse, celle-ci ne peut être remplacée, elle sera réparée mais l'équipage va perdre 3 heures. A la 14e heure de course, Ickx / Mass sont revenus en seconde position alors que la 935 de l'équipe Kremer de tête connait des soucis de boite. Mais, Mass va à nouveau être victime d'une crevaison, à l'avant-droit histoire d'équilibrer les dommages... Sauf que la pirouette ira arracher la suspension arrière et c'est l'abandon pour l'équipe Martini Racing Porsche !
Désormais l'Équipe Escargot occupe la seconde place derrière la Porsche 935 mais également prise en chasse par une autre 935, celle de l'équipage italien Facetti / Finotto. Paul Newman occupe une belle 5e place avec une antique Ferrari Daytona.
Mais à 3 heures du drapeau à damier, les efforts de Wolleck et ses deux coéquipiers sont réduits à néant, ils sont immobilisés aux stands pour changer un porte-fusée gauche. Pour ne rien arranger, un filetage d'une roue récalcitrante, malgré les efforts des mécaniciens de l'écurie usine (toujours sur place malgré le retrait de leur voiture), ils perdront 18 minutes dans cet arrêt, la Porsche n°43 passe en tête de l'épreuve.
Le trio Haywood / Graves / Helmick sera à l'abris du retour de la seconde Porsche 935 qui de toute façon n'aura pas été une menace, bloquée sur le 4ème rapport c'est la 935 de l'équipage italien qui lui ravira la seconde place. Après 24 heures de course, John Graves franchit la ligne en vainqueur sur une Porsche privée face aux bolides des usines.
Classement de la course :
- 1 - Haywood / Graves / Helmick (Porsche Carrera) : 24h2'6"147 (moyenne 174,081 km/h) 681 tours
- 2 - Facetti / Finotto / Camathias (Porsche 935) 679 tours
- 3 - Wolleck / Jöst / Krebs (Porsche 935) 670 tours
- 4 - Dyer / Friselle (Porsche Carrera) 663 tours
- 5 - Newman / Forbes-Robinson / Minter (Ferrari Daytona) 631 tours
Les anecdotes :
- Hurley Haywood n'avait pas totalement confiance en la fiabilité de la nouvelle Porsche 935 Turbo qui faisait ses débuts aux 24 Heures de Daytona 1977 pourtant co-dirigée par Brumos Racing. Sa troisième victoire à Daytona avec John Graves et le pilote-propriétaire David Helmick lui donnera raison.
- Hurley Haywood a effectué un relais de 8 heures pendant la nuit. A chaque arrêt aux stands, il descendait de la voiture, rentrait dans la tente et en ressortait avec un casque différent pour duper les instances de la course et dissimuler le fait qu'il venait déjà d'effectuer son relais.
- Hurley Haywood avoua plus tard la supercherie qui était en fait connu de tous. "Effectuer un relais de 8 heures n'était pas vraiment permis. J'allais me cacher dans la tente pour changer de casque, mais en fait, tout le monde savait très bien ce qu'il en était. Mes coéquipiers ont peu roulé de nuit, j'ai fait tout le relais de nuit, mais je n'étais pas fatigué. Cette voiture n'était pas vraiment physiquement épuisante à piloter, nous n'encaissions pas beaucoup de force G lors des virages serrés. Aujourd'hui (2012) ce ne serait plus vraiment possible."
- Hurley Haywood ira la même année (1977) remporter pour la première fois de sa carrière les 24 Heures du Mans associé à Jürgen Barth et... Jacky Ickx, qu'il avait battu à Daytona. Le tout sur une Porsche 936/77. Il ira étoffer son palmarès au Mans avec 2 autres victoires toujours avec Porsche en 1983 et 1994. Quant aux 24 Heures de Daytona, il a remporté l'épreuve à 5 reprises (1973, 75, 77, 79 et 91), il ajouta à son prestigieux tableau des médailles les 12 Heures de Sebring en 1973 et 1981.