Ford remporte les 24 Heures de Daytona 1966 après son fiasco de l'année précédente dans la Sarthe. Une victoire face à Ferrari qui allait précéder celles aux 24 Heures du Mans.
Le Championnat du Monde des marques s'ouvre par la manche Floridienne à Daytona en 1966 sur le Speedway qui mue son ovale en circuit routier conventionnel (tout en empruntant des sections de l'ovale). En 1966, l'épreuve connait un nouveau format avec 24 heures d'endurance contre 2 000 km auparavant qui représentaient environ une douzaine d'heures.
Si la première édition de 1962 ne comptait que 3 heures de course, c'est en 1964 que les 2 000 km furent instaurées pour deux éditions avant que Daytona ne soit érigé au rang de grande course à l'image des 24 Heures du Mans qui se disputent traditionnellement la 24e semaine de l'année, soit à la mi-juin ! Seule l'édition de 1972 connut une épreuve raccourcie à 6 heures selon la volonté de la FIA qui voulait réduire le format des courses d'endurance (exception faite du Mans).
Après Le Mans 65, Ford doit réagir
Les Ford arrivent en Floride pour ce début de mois de février avec beaucoup d'interrogations de la part de la presse spécialisée. L'ovale bleu va-t-il réussir à damner le pion aux Ferrari, vont-elles réussir à corriger leur carence en performances rédhibitoires pour les courses d'endurance ?
Au-delà de la fragilité qui touchait les Ford, leur consommation excessive de leur moteur 7,0l faisait qu'elles devaient ravitailler deux fois plus que leur rivales italiennes. Et si la consommation était déjà un problème de taille, le freinage n'était pas non plus l'atout des américaines qui pesaient 1 400 kg sur la balance et s'élançaient en franchissant la barre des 300 km/h. Là où les productions de Maranello n'accusaient que 1 100 kg et une vitesse de pointe moindre de 20 km/h.
Ces défauts-là allaient à nouveau anéantir les espoirs de Ford, mais on a beaucoup travaillé durant l'hiver et premièrement sur la consommation. Si les bolides engloutissaient 70 l/100 en 1965, cela fut ramené à 43 l/100 pour Daytona, un grand pas en avant. Chez Ferrari, on ne put en faire autant d'autant que les installations des stands du Cheval Cabré n'avaient pas de compteur de mesure de carburant, si bien qu'en course, tous furent étonnés de voir Pedro Rodriguez stopper après seulement 30 tours quand les Ford purent continuer encore pendant 25 boucles !
Quant aux freins des Ford, ils étaient toujours autant catastrophiques, mais c'était moins une surprise et attendu. Ainsi, chez Ford, on avait entraîné les mécaniciens pour changer ces derniers en un temps record, tout était organisé minutieusement, le remplacement pouvait être effectué en 4'30.
La menace de Ferrari sur Ford à Daytona était réduite à deux P2, l'ancienne 365 P2 du NART, confiée à Pedro Rodrigues et Mario Andretti, une voiture qui n'a plus été améliorée depuis sa victoire des 12 Heures de Reims 1965. Quant à celle dirigée par l'Écurie Francorchamps, elle avait bénéficié de la nouvelle carrosserie profilée mais on ne put l'appeler une vraie P3, car son châssis et sa mécanique n'étaient qu'à peine modifiés. Elle avait pour objectif de rallier l'arrivée et de ne jamais tenter de flirter avec le rythme de la tête de course.
Les 24 Heures de Daytona 1966
Les plus rapides aux essais furent les Ford avec le meilleur temps pour le tandem Miles/Ruby et un chrono de 1'57"8. La semaine à Daytona fut plombée par une vague de froid rendant le travail des chronométreurs assez compliqué. Les mécaniciens dans les stands ont aussi été victimes des conditions très compliquées, il faisait -2° la nuit. Le nombre de spectateurs fut réduit également.
Pour les qualifications, c'est une lutte entre la Ford MKII de Ken Miles et la Chaparral de Jo Bonnier, le suédois ne peut approcher la Ford que de 0"2. Le départ fut donné avec la Ford de Miles en pointe mais rapidement la Chaparral pointait en tête à l'issue du premier tour. Miles piqué au vif remonta sur son adversaire et la Ford était en haut du classement dès le second tour.
Bonnier décida de s'arrêter aux stands, son réservoir rempli à fond tapait contre le châssis, le suédois pensait qu'il y avait un problème et après inspection, la Chaparral reprit la course. Plus tard, un grippage de la direction et la rupture du pot d'échappement l'élimina de la course.
La lutte était déjà tournée vers un duel Ford/Ferrari, la MKII suivait son tableau de marche, la Ferrari de l'Écurie Francorchamps n'avait pas vocation à aller chercher le leadership, la tâche revenait au duo Andretti/Rodriguez sur la NART. Malheureusement, une erreur des mécaniciens dans les stands les obligera à ravitailler beaucoup trop fréquemment, un problème de suspension les immobilisera aussi de longues minutes pendant que les mécanos frappaient la carrosserie à grands coups de marteau.
Après ça, rien ne pouvait s'opposer aux Ford MKII qui filèrent vers la victoire, celle de Ken Miles / Lloyd Ruby qui compléta les 24 Heures de Daytona à une moyenne de 174 km/h avec 8 tours d'avance sur la seconde Ford MKII, celle du duo Dan Gurney / Jerry Grant. Sur le podium, Walt Hansgen / Mark Donohue réalise le triplé pour Ford... l'histoire nous apprendra plus tard que cette course-là était une répétition générale du palmarès qui attendait l'ovale bleu dans la Sarthe.
Une Ford MKII ne sera pas à l'arrivée, celle de Günther / Bucknum à cause d'une boite automatique qui lâcha. En catégorie "Sport", l'hécatombe plomba l'épreuve, longtemps les Ford GT40 étaient à la lutte avec les Ferrari LM, les pannes de transmission sur diverses autos ont décimé la tête de course. Au final, la Porsche 904 d'usine s'imposa.
Les concurrents, les anecdotes
Ford : Il y avait 5 Ford MkII et 4 Ford GT40 engagées. Pour les MkII, avec un cylindrée de 7,0l pour environ 500 ch de puissance et 1 100 kg sur la balance, elles étaient équipées d'une boite de vitesses Kar Kraft, du moins pour 4 d'entre-elles, la cinquième engagée par Holman & Moody disposait d'une boite de vitesses automatique à deux rapports. Cette dernière disposait d'un convertisseur de couple et des pignons classiques mis en action par de petits embrayages spécifiques. Malheureusement, Ginther et Bucknum renonceront dans la nuit à cause de la casse de leur transmission mais ils ont pu apprécier le confort de pilotage qu'offrait cette boite.
Toutes les autres Ford MkII utilisaient donc la boite Kar Kraft à 4 rapports, des ennuis ont perturbé la course de Gurney / Grant quant à McLaren et Amon, un joint de culasse manqua de les faire renoncer, les deux néo-zélandais terminèrent la course assez lentement. Quant aux Ford GT40, aucune ne vit le drapeau à damier !
Ferrari : Le NART (North American Racing Team) avait engagé sa 365 P2 qui s'était imposée aux 12 Heures de Reims (en 1695 avec Jean Guichet et Pedro Rodriguez). Des arrêts aux stands trop fréquents et un affaiblissement de la suspension arrière demandera un nouvel arrêt pour déformer la carrosserie, Andretti terminera la course avec un seul rapport dans sa boite.
L'Écurie Francorchamps avait une 365 P2 avec une carrosserie de P3 avec quelques améliorations techniques, les deux prototypes P de Fulp-Jennings et Follmer-Wester furent éliminés, suspension pour le premier, ennuis électrique pour le second. Quant aux 7 LM alignées, 4 d'entre-elles ne verront pas le damier en raison d'une transmission cassée.
Chaparral : Une seule Chaparral engagée, avec un moteur de 4,9l espérant être sous le poids de 750 kg mais elle accusait quand même ses 850 kg. Aussi, l'ancien bloc 5,3l fut installé après les premiers essais décevants afin de gagner quelques 30 ch supplémentaires, la course sera un calvaire, entre un problème de frottement du réservoir, une direction récalcitrante, un porte-moyeu défaillant, après quelques têtes-à-queue à 280 km/h sur l'anneau de Daytona, la Chaparral fut retirée de la course.
Porsche : La nouvelle Carrera 6 y fit ses débuts (et une couleur bleue !!!) avec des chronos intéressants dès les premiers essais. Les 904 affichaient une régularité sans faille, ce qui permit au duo Mitter-Buzetta de rafler la catégorie "sport".
Quelques anecdotes :
- Durant ces 24 Heures de Daytona, on a roulé pendant 14 heures dans la pénombre ou nuit. Ainsi, le triplé Ford, la Ferrari qui a fini 4e, la Ford 5e ont toutes opté pour l'éclairage SEV Marchal à iode, les phares et antibrouillards de la gamme "Fantastic" ont permis un très bon éclairage pour les vainqueurs, un beau succès pour la fabrique française d'éclairage.
- La Chaparral qui se posait comme la grande rivale des Ford faisait sa première apparition avec son prototype, elle était bien trop lourde et rapidement la mécanique en fut victime.
- Premiers tours de roues de la nouvelle Porsche Carrera 6 pour sa première sortie avec un résultat peu concluant. Bien qu'elle soit à l'arrivée, celle qui remporta la catégorie "Sport", la Porsche 904 d'usine n'était qu'à 11 tours (68 km) de la 6 cylindres.
- La catégorie Grand Tourisme (500 exemplaires) devait revenir aux Mustang 350 GT, mais Carroll Shelby eu pour point d'honneur de ne pas courir contre ses clients. Mal préparés, pas au niveau sur le pilotage, ces derniers ne glaneront pas les lauriers, et la victoire revint à la surprise générale à une imposante Corvette Sting Ray préparée par un certain... Roger Penske.
- La première édition des 24 Heures de Daytona en 66 faisait ériger le circuit au rang d'épreuve d'endurance incontournable, face à un circuit de Sebring qui aurait bien aimé ces honneurs. Les installations plus modernes de Daytona permettent de disputer l'épreuve dans de meilleures conditions, même si l'on reprochait l'aspect de la sécurité par l'anneau de vitesse.
Mais cet anneau n'était pas parabolique comme à Monza ou Montlhéry, ce qui fait que la force centrifuge y est moins importante. L'ironie voudra qu'au drapeau à damier, on déplora pour seul blessé le Président des Établissements Prestolite qui a trébuché sur un corde placée devant le stand de sa marque entraînant une fracture du bras. Sur les 59 voitures au départ, aucun accident, 32 participants à l'arrivée, certainement l'un des records à l'époque. - Lors des vérifications techniques, ceux qui avaient omis de lire l'annexe J version 66 en seront pour leurs frais. Il fallut rajouter un "coffre à bagages" pour la plupart des Ferrari LM et abaisser de quelques centimètres l'échappement des Ford GT40. Une seule voiture fut refusée, l'ancienne Porsche 6 cylindres d'usine vendue à Charlie Kolb avec sa carrosserie spyder dont le pare-brise et les portes furent déclarés trop petits.