Comment s'est passé ta course de ce matin (le samedi, course 1) ?
J'ai pris un bon départ et malheureusement, dans le premier virage, je touche mon coéquipier. C'est ma faute je pense. L'accrochage fait que je pars en tête-à-queue. Du coup, je pars bon dernier avec la voiture de sécurité. Après, c'est une autre course qui commence. Il faut essayer de remonter. Ce n'est pas possible puisque derrière, ça se bagarre beaucoup. C'est plus virulent que devant, c'est souvent comme ça. Du coup, j'arrive à remonter pas mal de places. Plus je me rapproche des pilotes de devant, plus ça devient dur. Je ne savais pas si j'avais un bon rythme ou pas puisqu'en roulant avec des pilotes moins vite, on se dit que ça va mais comme devant, on ne sait pas comment ça roule.
Ton panneautage ne te disait rien ?
Je voyais le meilleur temps de devant panneauté. C'est difficile d'être objectif sur notre propre rythme. Au final, en course, on a vu que j'avais le 4e temps théorique au général. J'ai fait que doubler. A force de remonter, j'ai touché quelques pilotes plusieurs fois durant la course, donc à la fin, il faut se calmer un peu et garder à l'esprit qu'il y a une autre course, ne pas casser la voiture pour rien parce que de toute façon, je n'étais pas dans les points. C'était une course très sprint et assez ennuyeuse puisqu'on savait que ça allait être dur de rentrer dans les points. On fait vraiment la course pour le set-up, pour demain, pour voir ce que la voiture donne tout en travaillant aussi mon pilotage. En plus, demain (dimanche), il risque d'y avoir de la pluie. A la limite, je préfère qu'il pleuve. Ce sont des conditions que j'aime bien.
Tu commences le karting assez tard, en 2008, à l'âge de 16 ans. Pourquoi avoir commencé aussi tard ?
Parce qu'avant, on n'était pas du tout dans le milieu. J'ai commencé par le motocross à l'âge de 3 ans, puis j'ai évolué sur des petites, des 60cc, des 80cc, des 125cc jusqu'à l'âge de 15 ans où là, je me suis fait mal dans une mauvaise chute. Là, mes parents ont ralenti la chose et puis, le motocross, c'est bien mais c'est usant physiquement quand on est jeune. J'étais quand même passionné par le sport mécanique et le sport auto en général. Je regardais toutes les courses à la télévision. Je vais faire du kart en location avec des copains comme tout le monde et, un jour, je bats le record d'un circuit en location. Ce n'est pas grand-chose mais dans ma tête, je me dis "ça marche" et puis j'adore ça. En rentrant, j'en parle à papa qui me dit "on verra". Je n'ai pas lâché pour qu'il me laisse une chance de faire une course en karting en compétition. Lui en avait fait étant jeune donc il sait ce que c'est, tous les week-ends sur les pistes, il ne voulait pas repartir là-dedans. Du coup, jusqu'à mes 16 ans, ce n'était pas d'actualité.
Et puis, je ne sais pas pourquoi, un jour, il me dit "on va faire une course pour voir ce que ça donne." Il me dit que je vais me faire rétamer et que ça me servira de leçon, qu'après, je n'aurais plus envie d'en faire. Ça se passe bien. Du coup, on en fait une deuxième. Il me dit "si tu finis dans les 5, on passe à la catégorie au-dessus". Je finis 5e. Il me dit "si tu rentres dans les 3, on monte encore de catégorie." Je finis 3e. Il m'a donné des objectifs à chaque fois pour être motivé. A chaque fois, ça se passe bien. Après, la passion prend le dessus, j'ai envie d'être tous les week-ends dans un kart. Les compétitions s'enchaînent, les résultats qui viennent, je commence à me dire que je ne suis pas jeune, vu que j'ai commencé tard. J'ai du retard, alors pourquoi ne pas passer en voiture maintenant. Comme option, j'avais soit faire des compétitions en "berline", soit d'essayer une monoplace. J'essaye une F4 au Mans et ça se passe plutôt bien. On prend la décision de faire la saison de F4 avec l'Auto Sport Academy. Je n'étudie pas avec la structure, je reste étudier à Montpellier et je fais toutes les courses de F4. Ça se passe bien aussi, je finis 2e du championnat. Je suis content parce que je ne m'attendais pas à faire ça forcément en arrivant au milieu de personnes émérites. Là, on ne peut plus se permettre de se dire "si tu fais ça, l'an prochain, on change de catégorie". Là, on se dit "on fait un plan pour la suite de la carrière". On choisit d'aller en Formule Renault 2.0. La première année, malgré le manque de résultats, pas forcément dû à un manque de performance puisque je n'ai pas eu beaucoup de chances certaines fois, je fais une bonne année puisque j'ai eu deux supers équipiers (Pierre Gasly et Nyck de Vries) pour apprendre, ça m'a donné de bons pilotes référents. Ça motive, on se tirait tous les trois vers le haut, vraiment une bonne ambiance. En fin d'année, ça commençait à être mieux. On refait une année. J'ai Esteban Ocon comme équipier. C'est un très bon pilote, ça permet de travailler.
On va revenir un peu sur ce parcours. En championnat de F4, tu finis 2e derrière ton ami et Matthieu Vaxivière. Ça t'a fait quoi d'être battu par lui ? Vous étiez déjà proche ?
On s'est rencontré, que ce soit avec Matthieu ou avec Pierre, pendant les essais de pré-saison de F4. On a tout de suite sympathisé tous les trois. Pour moi, je suis autant ami avec Matthieu qu'avec Pierre. Je pense que c'est pareil pour eux. C'est vraiment une amitié forte. Du coup, on a toujours su gérer les situations pendant les courses. On ne s'est jamais accroché. On a toujours conduit avec notre tête mais on savait aller chercher la performance et essayer de gagner quand on savait qu'on pouvait le faire. On a bien sympathisé. Au fil de la saison, on était de plus en plus ami et dans le paddock, c'était bizarre. Les gens trouvaient ça étrange que les 3 premiers du championnat se battent tout le temps sur la piste mais soient tout le temps ensemble sur le quad dans le paddock pour aller à gauche et à droite. Être battu par Matthieu, c'est sûr que j'aurais aimé être champion mais comme je l'ai dit, j'arrivais avec des ambitions bien moindres. Dans tous les cas, cette deuxième place ne pouvait que me réjouir surtout que Pierre finit 3e. Quand on voit où il est là, on ne peut être que content.
Tu participes également à la Coupe de France de Clio Cup Junior où tu finis 4e. Pourquoi être allé dans ce championnat ?
On voulait passer du côté "voiture" après le kart mais c'était un peu tôt. Les résultats commençaient à arriver en kart. L'année où je fais le plus de bons résultats, c'était l'année où il fallait presque passer en voiture. On a eu une opportunité par une connaissance, Nicolas Milan, de faire une saison de Clio Cup. Ça permet d'apprendre les circuits, surtout que c'était les mêmes circuits que pour la F4, c'était très bien. Matthieu Vaxivière a fait un peu la même chose puisqu'il a fait la MitJet. On ne se connaissait pas à cette époque-là. Du coup, ça donne une expérience du sport auto, des grands circuits, des départs, de la pression, etc. ça m'a vraiment servi pour la F4.
Si tu devais choisir aujourd'hui entre la monoplace et la "berline", qu'est-ce que tu choisirais ?
A aujourd'hui, je choisirais de continuer en monoplace si ce n'était pas une question de budget. J'ai eu la chance de pouvoir accéder aux catégories où je voulais aller jusqu'à maintenant. C'est vrai qu'après la 2.0, je ne pourrais pas suivre sans aide bien sûr. Je finis cette saison du mieux que je peux. Je le prends comme ça. Un maximum de résultat, je me donne à 2000% comme depuis toujours. Et puis on verra pour la suite ce qui se présente.
Tu parles de budget. Comment ça se passe sur ce point ? Tu as des partenaires extérieurs ou de ta famille ?
Mes parents payent le principal. Après, je suis pas mal aidé par ma région, mon entourage, qui me permettent de faire la saison.
Ta région, le Languedoc-Roussillon, te décerne en 2011 le CRK Laguedoc-Roussillon. Qu'est-ce que ça t'a fait d'être récompensé par cette première ?
C'est toujours important puisqu'on a une bonne cuvée en Languedoc Roussillon avec des pilotes comme Romain Dumas, Stéphane Sarrazin ou encore Sébastien Enjolras. C'est des gens importants dans le milieu du sport auto, qui ont réussi et qui sont de chez moi donc j'ai forcément envie de marcher sur leurs traces, de porter haut et fort les couleurs de ma région. Oui, j'étais très content.
En 2012, tu fais ta première saison en 2.0 avec le team R-Ace GP, le junior team de ART. Comment s'est passé la première prise de contact ?
La première fois que j'ai connu l'équipe, c'était au Nogaro. J'ai fait un test pendant une heure. Il se trouvait que Nyck de Vries faisait un test aussi et qu'il n'avait pas encore signé. J'ai pu aussi apprendre à connaître Nyck qui est un pilote très sympa et qui est un très bon pilote en plus. Le feeling est tout de suite passé avec l'équipe. Ce qui est important, ce n'est pas uniquement se dire que cette équipe là est bien et j'y vais, c'est aussi que l'équipe ait confiance en ses pilotes, ait des attentes et croit en leurs pilotes. J'ai senti ça de l'autre côté et c'est vrai que ça motivé pour intégrer l'équipe. Je ne regrette absolument pas. C'est pour ça que je suis resté dans cette écurie pour une seconde année.
Est-ce qu'en signant, tu t'es dit que c'était une opportunité pour aller en GP3 ou GP2 ou alors tu t'es dit "je signe parce que je dois déjà apprendre la 2.0 et après on verra" ?
Je me suis plus dit ça dans un premier temps. Faire une ou deux saisons en 2.0 parce que ce n'est pas du tout le même monde que la F4. On s'en rend compte pendant les premiers meetings. Ça saute au visage. On apprend énormément dans ces meetings, il y a énormément de niveau. Ça ne pardonne niveau travail. Il faut juste la perfection tout le temps. Ça ne peut qu'être mieux pour la suite et pourquoi pas aller dans une catégorie comme le GP3. Après, le fait d'être world junior team n'offre pas la possibilité d'intégrer le team GP3 gratuitement. C'est pareil partout, il faut des financements. Après, c'est au pilote de le prouver sur la piste qu'il est suffisamment bon pour qu'on l'aide. J'essaye par tous les moyens d'accéder à ces catégories là.
Comment se passe ta saison actuellement ? Tu es 17e du championnat avant le meeting en France pour rappel. C'est compliqué ?
Pas du tout le résultat que l'on attendait. On comptait vraiment faire dans les 7 premiers cette année. Les essais de cet hier laissaient présager le mieux puisque sur 4 jours d'essais, je finis à chaque fois dans les 5 premiers. Les meetings ne se déroulent pas forcément comme on le veut. Le premier meeting à Motorland se déroule sous la pluie et ça ne fonctionne pas. Le deuxième meeting à Moscou, c'est moi qui ne suit pas performant. C'est un circuit avec lequel j'ai beaucoup de mal. Le troisième meeting à Spa, c'est un circuit que j'adore donc je fais 4e de la course 1 et en course 2, j'étais 7e et je m'accroche. Red Bull Ring, c'est la voiture qui manque de performance puisqu'avec Esteban et Alex, on est tous les 3 dans le même chrono en étant à 2000% et on est à une seconde de la pôle. Donc il y a un problème quelque part. Après, c'est difficile, on essaye de remonter en course. Je ne désespère pas. Les meetings s'enchaînent et ce n'est pas forcément facile. En Hongrie, j'arrive à faire 2 fois 10e avec une bonne remise en question en qualif avec les pneus neufs puisque j'ai un peu de mal avec ça mais je pense que j'ai bien progressé. Je suis arrivé au Castellet surmotivé. Aux essais libres, ça marchait bien. C'était juste un peu plus difficile aux chronos hier. C'est très serré. Je suis à 16e donc ça ne pardonne pas le manque de performance. Demain peut-être qu'il pleut, peut-être qu'il fera sec, dans tous les cas, je donnerai le maximum pour essayer de partir devant.
Tu espérais un top 10 aujourd'hui ?
En partant 16e ? j'espérais gagner des places tout en sachant que le top 10 est possible puisque dans ces courses là, il peut se passer tout et n'importe quoi mais aussi en sachant qu'en partant de là, il y a une grande chance et beaucoup plus de risques de s'accrocher qu'en partant devant. L'accrochage, là, est dû à un mauvais choix de ma part. Je n'ai pas grand-chose à perdre en partant 16e donc je tente une manœuvre un peu trop optimiste au premier tour, après le départ, qui ne passe pas. Je n'ai pas de regret parce qu'il fallait le tenter en partant de là, on sait que c'est serré, que c'est dur de remonter.
Et la saison prochaine ?
Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire. Je pense que je vais laisser passer les deux derniers meetings en essayant de faire encore des résultats du mieux que je peux et après, essayer de se rapprocher de certaines personnes pour essayer d'intégrer certains teams dans certaines catégories. Comme j'ai aucune idée de quoi je parle, c'est pour ça je dis ça. C'est encore le flou, en espérant pouvoir continuer.
Ton but ultime, c'est la F1. Si on te laissait le choix pour ton parcours, tu irais en F1 ou ailleurs ?
Je pense que compte tenu de mon âge, de mon manque d'expérience et de mes résultats, ce serait déplacé de ma part de dire que je veux aller en F1 même si c'est le rêve de tout pilote. Je suis objectif. Je suis un peu plus vieux que la plupart des pilotes de ce championnat. Je sais ce qui est possible et ce qui est réalisable. Je me donne au maximum pour aller le plus loin possible sans pour autant me fixer d'objectif qui soit trop haut ou trop bas. J'avance comme ça en me disant que je fais tout le temps du mieux que je peux et puis, si ça doit marcher, ça marchera et si je dois aller loin, j'irai loin et si ça plante, c'est que ce sera de ma faute.
En dehors des circuits, tu aimes faire quoi ?
Quand je n'ai pas de course, je fais du sport pour entretenir un peu tout ça. Je bosse aussi chez mon père de temps en temps, quand il a besoin de quelqu'un. Ça permet de garder un rythme pour ne pas me lever trop tard puisqu'on est un peu tous déscolarisé. C'est un peu difficile. J'ai quand même eu mon Bac, je me suis arrêté juste après ce dernier parce qu'après, ce sont des études qui prennent beaucoup trop de temps si on veut continuer notre passion. Je fais du sport, je travaille un peu et puis je vois en dehors des circuits Matthieu et Pierre, et puis j'ai mes amis chez moi à Montpellier et ma copine depuis 3 ans. Je vis avec elle. Elle est plus âgée que moi, elle a 26 ans, elle est plus mature, ça permet aussi de mûrir plus vite. Je suis content, tout se passe bien et puis on verra ce que nous réserve l'avenir.