Entretien réalisé avant la course 2
Pierre Gasly, merci de répondre à nos questions. Un point sur le meeting tout d'abord, second lors de la première course, en pole position sur la course 2, le meeting se passe bien.
Jusqu'à maintenant, tout se passe bien. On a eu un vendredi difficile. On a dû comprendre, faire des conclusions, essayer des choses pour samedi et ça s'est plutôt bien passé. Je suis à 6 centièmes de Carlos Sainz, vraiment rien. Aujourd'hui, je peux lui mettre 7 centièmes en qualifications. On peut dire que la monnaie est rendue.
Hier, nous avons fait une bonne course. Dans les 3 premiers tours, Matthieu Vaxivière était très vite et Carlos Sainz a pris le large. La performance marchait bien. On a fait le meilleur temps en course. J'espère qu'on pourra refaire la même chose sur la course 2. Le plus important sera de faire un bon départ, voir un peu comment cela se passe, la stratégie et maintenir ma première place jusqu'à l'arrivée. Ce serait bien une première place au Paul Ricard, première victoire de l'année, ce serait vraiment top. Je suis très motivé pour l'avoir.
Je fais 5 fois second cette année. La première chose sur laquelle il fallait se concentrer, c'était la pole position. C'est plus facile en partant de la première place. C'est chose faite. Il y a 50% du travail fait, il reste l'autre moitié.
C'est ta première saison en 3.5. Comment ça se passe globalement ?
Je suis satisfait de ce que je fais. Je suis dans les objectifs de tout le monde et des miens. Je voulais faire une saison dans le top 3. Pour l'instant, je le suis et on voit que sur la deuxième partie de saison, depuis Budapest, je fais 3 podiums sur les 3 dernières courses, 3 meilleurs tours en course. Là, je fais ma première pole. On est sur une bonne dynamique. On va essayer de continuer comme ça jusqu'à la fin de la saison. Si on continue comme ça, on a une chance d'aller chercher la deuxième place sur Roberto Merhi. Je me concentre actuellement plus sur la victoire. Le championnat, on verra à Jerez s'il y a des choix stratégiques à faire ou pas. C'est mon week-end, après, ce sera chez lui. On a fait de bons tests en début d'année. Je pense qu'il y a moyen d'être rapide là-bas.
Tu as intégré la filière Red Bull en fin d'année dernière. Comment s'est passé le contact avec eux ?
Depuis que je suis en karting, je suis géré par la FFSA. C'est Morgan Caron, le directeur de la Fédération, qui est en contact avec Helmut Marko et qui a géré. Dès ma première saison en 2.0, j'avais une option, c'est pour cela que j'avais le casque Red Bull. Mais ça ne s'est pas concrétisé en fin d'année. Ils n'étaient pas assez satisfaits de ce que je faisais. Morgan Caron, en rigolant tout en étant sérieux, avait dit "on reviendra la saison prochaine avec le titre en 2.0", ce qui s'est passé. Au final, ils se sont dits "on va le prendre". Je suis allé à Abu Dhabi l'an dernier, j'ai rencontré Helmut Marko et c'est là que tout a commencé.
Que t'apporte Red Bull par rapport à la FFSA ?
Tout d'abord, c'est la seule équipe de F1 avec 4 baquets, avec Toro Rosso. Ça donne une opportunité pour les jeunes pilotes et une grande motivation. Ça donne vraiment envie d'y arriver. On a un suivi avec le Red Bull Junior Team, avec l'ex-coach de Sebastian Vettel. Au niveau préparation physique, diététique, on a vraiment le meilleur du meilleur. C'est la meilleure filière au niveau accompagnement, je pense. On a du simulateur avant chaque meeting, mais aussi le simulateur de la F1 pour se préparer. C'est une filière qui met les moyens sur les pilotes qu'ils aident pour les amener au plus haut niveau.
Je suis basé maintenant à Milton Keynes, non loin de l'usine. Ce n'est pas la plus belle ville mais ça a ses bons côtés. Je suis parti de chez moi à 13 ans pour aller faire le sport études au Mans. Ça fait partie des choses que je dois faire. Au final, je suis très content, parce que c'est une opportunité que de nombreux pilotes rêveraient d'avoir.
Tu as fait tes débuts en GP2, à Monza, avec l'équipe Caterham. Comment s'est passé ce premier meeting et as-tu choisi d'aller là-bas en plus de ta saison de 3.5 ?
Il y a une place qui s'est libérée chez Caterham, à la place de Tom Dillmann. Comme Caterham et Red Bull sont en relation, Alex Lynn ne pouvait pas, Carlos Sainz était plus en contact avec la F1 donc Red Bull m'a choisi pour prendre de l'expérience, comme nous ne savons pas ce que nous ferons la saison prochaine. Ça a été un week-end difficile car c'est toujours dur d'arriver dans une équipe en milieu d'année. Avec Arden, on joue quelque chose au championnat donc il pousse toujours à 100%. Avec eux, on avait rien à jouer. Je venais en tant que rookie et c'était plus dur. Dès le début des essais libres, je leur disais que j'avais des problèmes avec les freins. Je ne faisais que bloquer les arrières. Comme j'arrivais, ils ne voulaient pas trop m'écouter et à la fin de la course 1, je suis allé voir Arden et DAMS pour leur demander leur façon de procéder. Ils m'ont dit qu'ils mettaient des freins neufs à Monza parce qu'il faut que ça freine à la fin de la ligne droite. Mes freins avaient deux meetings. En général, en GP2, ils changent les freins après chaque meeting. C'est le problème d'arriver dans une équipe où tu n'es pas depuis le début de la saison et qu'ils n'ont rien à jouer avec toi, il y a des choses comme ça et tu ne peux pas y arriver, un peu comme si tu prenais le limiteur dans chaque ligne droite à Monza. Ce n'est pas possible.
C'était frustrant. Je leur ai dit que je ne comptais pas arriver dans les 3 premiers parce qu'il faut un temps d'adaptation. Mais entre 6 et 10, c'était jouable. Là, c'est impossible de montrer quoique ce soit. Ce qui m'énerve, c'est que depuis le début, je l'ai senti, j'ai essayé de leur dire. Avec Arden, je les connais depuis l'année dernière. Je peux leur dire "les mecs, les freins, il y a quelque chose qui ne va pas du tout, il faut les changer". Eux, ils vont comprendre, je peux être franc avec eux. Avec Caterham, c'était la première fois que je travaillais avec eux. Je ne pouvais pas être aussi franc et on n'a pas la même relation.
Ils savent très bien que la saison prochaine, je ne vais sûrement pas rouler avec eux. Au niveau de la voiture, ils ne me disaient pas ce qu'ils faisaient dessus. J'étais au courant de rien. C'est une relation difficile. Pour la course 2, ils m'ont mis 2 freins neufs à l'avant et les freins de l'avant à l'arrière. Ça commençait à aller dans le bon sens mais comme je me suis accroché dès le début, on n'a pas pu voir. À Sotchi, ça devrait être mieux. Je ne pense pas que ça puisse être pire.
Quelles différences a-t-on entre une GP2 et une 3.5 ?
Il y a légèrement plus de puissance sur la GP2. Ça ne se ressent énormément puisque sur une ligne droite de 800 mètres, on va arriver 20 km/h plus vite. Niveau sensation, quand tu accélères, ça pousse un peu plus. Il y a un aussi moins de grip au niveau de l'aéro. Tu le sens beaucoup dans les virages. Il y a moins de grip au niveau des pneus. C'est pour ça que ça devient plus dur à gérer au niveau de la traction. En 3.5, il y a tellement d'aéro que la voiture est collée par terre. La GP2 bouge beaucoup plus. Quand tu arrives plus vite et que tu passes moins vite dans les virages, il faut freiner plus fort et de faire une plus grande décélération qu'avec la 3.5. Ce n'est pas tout à fait le même pilotage mais il n'y a pas une énorme différence. J'ai trouvé ça moins dur à piloter comme il y a moins de vitesse dans les virages. Sur un circuit comme le Castellet, avec la 3.5, quand tu prends un virage avec énormément de vitesse, tu prends beaucoup de G au niveau du cou alors qu'avec la GP2, comme tu es tout le temps à la limite, tu ne sens pas cet effet de force qui te pousse dans les virages. Tu as juste moins de temps de récupération. Tu dépenses un peu moins mais c'est Monza, il y a beaucoup de lignes droites. Sur un circuit comme Abu Dhabi, ça doit plus forcer.
La nomination de Max Verstappen, tu en penses quoi ?
Rien…
Un pilote qui arrive rapidement dans la filière, qui aura un volant la saison prochaine en F1, tu n'as pas l'impression d'être lésé ?
Je pense qu'on l'est tous, avec Carlos Sainz et Alex Lynn. La Junior Team a fait du bon travail cette année. Carlos Sainz est en tête de la 3.5, Alex Lynn du GP3, je suis 3e en 3.5. On leur a montré de bonnes choses. Lui, il est second du championnat de F3 et il a fait 27 courses en monoplace. Aller en F1 directement, c'est risqué pour lui aussi. Tout le monde attend la première course la saison prochaine pour savoir si ce sera la débandade complète ou s'il s'en sortira. Après, je sais qu'il le prépare correctement parce qu'ils savent très bien que s'ils ne le préparent pas, ça va être très dur. De ce côté-là, je sais qu'ils savent très bien les préparer et ils savent ce qu'ils font. Autant, ça se passera bien. De mon côté, il n'était pas question que j'aille chez Toro Rosso la saison prochaine.
Même pas en tant qu'essayeur ?
Je roule et eux se disent que, si c'est bien, on fera quelque chose. Je ne suis vraiment au courant de rien. C'est privé. Ils me disent de rouler. S'ils sont contents de moi, ils me le disent. Je ne sais même pas ce que je fais la saison prochaine, si je reste en 3.5 après Jerez. Je sais juste que j'aurais toujours la voiture Red Bull la saison prochaine.
Pour finir, on va parler de la Formule E. As-tu un avis dessus ?
Je n'ai pas pu regarder la course puisque j'avais un stage d'entraînement en Suisse. J'ai vu l'accrochage. Je pense que c'est une catégorie pour permettre aux constructeurs de développer. Il ne faut pas comparer ça à la F1. C'est une catégorie complètement différente. L'objectif n'est pas du tout le même. La F1, c'est l'élite de la monoplace. Eux, c'est plus pour le développement pour les années futures. C'est une bonne idée. Il ne faut pas comparer. Ce n'est de toute façon pas comparable. Ce ne sont pas les mêmes voitures. À terme, ça peut devenir intéressant et devenir plus important.
Tu parles de futur. Tu penses que ça pourrait devenir une source d'inspiration pour la F1 ou que ça restera deux mondes différents ?
Pour moi, la F1 reste la F1. C'est l'optimum. On essaye d'optimiser la performance de la voiture même si on va vers une ère plus électrique. La F1 essaye de faire aller le plus vite possible ses voitures alors que la Formule E, ça reste le développement au niveau électrique. Ils ne vont pas chercher à améliorer les pneus Michelin pour avoir plus de grip, mettre des flaps pour avoir plus d'aéro. Ils veulent juste montrer que des voitures électriques peuvent faire des courses intéressantes et que les voitures peuvent aller vite.