Quand Renault s'engage dans un championnat de tourisme à la hâte, les résultats ne sont pas là. Retour sur la Renault 19 qui a participé au championnat BTCC en 1993.
Pour tous les fans de courses de voitures de tourisme, les années 90 étaient un Âge d'Or où chaque week-end était marqué par des courses réunissant les plus grandes marques européennes sur les circuits les plus prestigieux du continent. Les marques françaises étaient également de la partie, avec plus ou moins de succès.
Une décennie glorieuse pour Renault
Lorsqu'on pense aux années 90, Renault était à son apogée dans le sport automobile et notamment en tant que motoriste en Formule 1. Les moteurs Renault ont permis à l'écurie Williams de rafler pas moins de cinq titres constructeurs et à Benetton d'inscrire son nom au palmarès.
En parallèle, le constructeur français s'est également distingué sur d'autres circuits lors de cette décennie : les fans de rallye se souviendront des derniers exploits de Jean Ragnotti dans sa Renault Clio Maxi, et ceux de voitures de tourisme de la Renault 5 Turbo Superproduction. Les amateurs des voitures exotiques de la marque au Losange, eux, se souviennent probablement de la Renault 19 BTCC (British Touring Car Championship).
En 1990, le championnat de tourisme anglais a introduit un nouveau règlement pour des voitures motorisées par un moteur 2 litres, qui donnera ensuite naissance au Supertourisme partout en Europe. Même si la première édition n'eut pas le succès escompté, avec une grille comprenant seulement Ford, BMW et Vauxhall, la nouvelle catégorie convainquit rapidement d'autres constructeurs.
La saison 1991 vit l'arrivée des marques japonaises, avec Nissan, Toyota et Mitsubishi au départ. Le championnat devient alors une vraie réussite, et permet aux constructeurs de donner de la visibilité à leurs berlines sur les chaînes de télévision européennes, le tout avec des coûts de développement raisonnables.
C'est donc en amont de la saison 1993 que Renault prend la décision de participer au championnat. Malgré les succès de la Renault 21 sur les circuits français du championnat de Superproduction, la marque fait le choix étrange de prendre pour base la vieillissante Renault 19 Phase 1 Chamade. Pour s'assurer de rencontrer un succès immédiat, la marque s'offre les services du champion sortant Tim Harvey, alors enrôlé chez BMW. Il sera épaulé par le prometteur pilote suisse Alain Menu, qui vient de signer pour six ans.
Un développement catastrophique
"La première fois que j'ai vu la voiture en France, elle était équipée d'un frein à main et de pédales standard. Je leur ai demandé pourquoi elle avait un frein à main et ils m'ont répondu que c'était en raison du pilote de rallye, Jean Ragnotti, qui était alors pilote d'essais et aimait utiliser le frein à main. Je me suis dit... que ces gars avaient beaucoup à apprendre aux sujets des voitures de tourisme !" Tel fut le souvenir du pilote Tim Harvey de sa première rencontre avec la voiture, relayé par une interview dans Motorsport Magazine en 1998.
Cette phrase ne pouvait que mieux résumer le développement hâtif de la voiture. En effet, alors que la majorité de l'effectif de Viry-Châtillon travaillait sur la Formule 1, l'équipe assignée au projet BTCC n'avait que 6 mois entre l'annonce officielle et la première course pour développer une voiture compétitive.
Bien trop peu pour aller jouer les places d'honneur. Comparée aux montures allemandes, anglaises ou japonaises aux suspensions rabaissées et aux kits de carrosserie agressifs, la Renault 19 semblait tout juste sortie des lignes de production de l'usine.
Sur le plan technique, le moteur 4 cylindres fut confié à l'entreprise Sodemo, qui en tira 285 chevaux. Alors qu'une moderne boîte séquentielle 6 vitesses était accouplée au moteur, la puissance était toujours transmise aux roues avant, comme pour la voiture de série. En plus de limiter les performances face aux puissantes propulsions allemandes, ce point peut laisser des questions en suspens quant à l'intérêt et à l'investissement de la marque au Losange vis-à-vis du championnat britannique.
Des exploits sur le mouillé
Plombée par son piètre comportement et ses performances laissant à désirer face aux propulsions concurrentes, la Renault 19 n'était vraiment à l'aise que sous des conditions météorologiques piégeuses.
Le premier exploit arriva dès la deuxième course à Donington. Lors des qualifications se déroulant sur piste sèche, Alain Menu se qualifie en 7ème position et Tim Harvey en 14ème. Le Grand Prix de Formule 1 qui se déroule avant la course de BTCC prend déjà place sous une pluie battante, et les fans suivant déjà le championnat à cette époque se souviennent sûrement toujours du pilotage grandiose de Ayrton Senna lors de cette course.
Pour la course de tourisme se déroulant deux heures plus tard, la pluie s'était encore intensifiée, procurant à la piste une adhérence de patinoire. Aidées par les pneus pluie Michelin reconnus pour leurs performances inégalées et leur transmission de puissance à l'avant, les deux Renault montraient une certaine aisance par rapport à la concurrence.
Alors que les propulsions glissaient sur la piste comme des savonnettes et donnaient des airs de circuit de Rallycross aux dégagements en gazon, les deux voitures jaunes se frayaient un chemin vers la victoire. Après une course sans encombres, les deux pilotes signaient un premier doublé pour la marque au losange.
Le championnat se rendit à nouveau sur le circuit de Donington pour un Double Header, c'est à dire deux courses le même week-end, et même la même journée dans ce cas-là, en fin de saison. Le circuit va également à nouveau porter chance au constructeur français. Comme pour la première course, Alain Menu signe une qualification honorable, commençant 5ème, alors que son coéquipier et ancien champion ne peut mieux faire que 15ème.
Et comme pour la première course, la pluie s'invite à la fête. Les deux berlines jaunes sont donc de nouveau avantagées par leurs pneumatiques, et vont se frayer un chemin au milieu des propulsions ayant du mal à rester sur la piste. Les deux pilotes vont à nouveau monter sur le podium, ce qui n'était pas arrivé depuis la première course à Donington.
Pour la course suivante, l'équipe Renault, malgré son avantage certain avec des gommes pour piste humide, fait le choix de monter des pneus sec alors que la piste s'assèche. La stratégie fut la bonne, et Alain Menu prend rapidement les commandes de la course, position qu'il conservera jusqu'à la ligne d'arrivée malgré les assauts répétés des Ford Mondeo. Son coéquipier ne put malheureusement pas égaler l'exploit, une sortie de piste mettant malheureusement un terme à sa chevauchée fantastique au sein du peloton.
Une saison en demi-teinte
Malgré ces très bonnes courses sur piste humide, les résultats n'étaient clairement pas à la hauteur des attentes du public et des médias, et surtout pas dignes de la réputation de Renault dans le milieu du sport automobile à cette époque !
Les deux pilotes, plutôt que de tenter de pousser leur machine à fond, devaient toujours se battre avec la berline française, qui avait, selon leurs dires, un comportement plus proche d'une berline familiale que d'une voiture de course.
La deuxième partie de saison fut tout de même plus satisfaisante, les nouveaux développements portant leurs fruits. L'équipe avait fait le choix de faire l'impasse sur le week-end à Knockhill, préférant se concentrer sur le remplacement de sa capricieuse boîte de vitesse séquentielle maison par une transmission XTrac plus performante et fiable.
À la fin de la saison, le constructeur ne put mieux faire qu'une septième et avant dernière place au classement constructeur, se plaçant devant l'autre nouvel arrivant Mazda. Les deux voitures jaunes se battaient généralement avec des équipes privées dans le ventre mou du peloton pour les dernières places rapportant des points, laissant les places d'honneur aux constructeurs allemands, britanniques et japonais.
Le champion Tim Harvey a donc un peu déçu lors de cette saison au volant de la Renault, ne pouvant faire mieux qu'une 14ème place au classement pilotes, se classant même derrière son coéquipier Alain Menu moins expérimenté, et finissant, lui, la saison en 10ème position. Les deux pilotes sont tout de même prolongés pour la saison suivante.
L'année suivante, la marque au losange revient avec une toute nouvelle voiture et un nouveau visage, pouvant enfin se battre pour la première place. Pour sa part, la Renault 19 développée pour le championnat britannique ne prend pas encore la porte, l'équipe privée Harlow Motorsports décidant de faire l'acquisition d'un exemplaire pour participer à la saison suivante.