L'épopée de Renault outre-Manche en BTCC avec les premiers lauriers. Retour sur la Renault Laguna qui a participé au championnat BTCC de 1994 à 1999.
Pour tous les fans de courses de voitures de tourisme, les années 90 étaient un Âge d'Or où chaque week-end était marqué par des courses réunissant les plus grandes marques européennes sur les circuits les plus prestigieux du continent. Les marques françaises étaient également de la partie, avec plus ou moins de succès.
Une nouvelle monture pour 94
Après l'échec de la Renault 19 Chamade lors de la première saison de Renault en BTCC, le constructeur devait revoir sa copie pour pouvoir jouer la gagne. La Renault 19 Phase 1 n'étant plus en production, ça n'avait plus beaucoup de sens pour Renault de continuer à l'utiliser comme base de développement. Décision est alors prise de changer de voiture, et d'utiliser la Renault Laguna fraîchement présentée.
Le budget et le développement sont enfin à la hauteur des attentes et, dès les premiers tours de roue, les pilotes sont ravis de leur monture, une révolution par rapport à la 19 ! La fameuse livrée jaune et bleue, typique des voitures de course Renault pour la décennie à venir, fait également son apparition sur la berline.
Des résultats porteurs d'espoir
Malgré de certains problèmes de jeunesse (7 abandons sur les 7 premières courses), la nouvelle voiture de course se montre bien plus à l'aise sur piste que sa devancière, et Alain Menu commence à faire des prouesses à son volant.
Les bons résultats arrivent dès le 4e week-end à Silverstone, où le pilote suisse finit les deux courses du Double Header sur le podium. Cependant, malgré les talents de pilotage de son premier pilote et les performances en hausse de sa voiture, Renault dut faire face à un concurrent transalpin.
En effet, bien décidé à accroître sa domination sur les circuits de tourisme européens avec sa 155, Alfa Romeo avait décidé de prendre part au BTCC pour la saison 94. Notamment grâce à un développement aérodynamique bien plus poussé que chez la concurrence, la marque italienne commençait la saison très fort, Gabriele Tarquini remportant les cinq premières courses.
Malgré certaines mésaventures et sanctions liées à l'interprétation plus que subjective du règlement par les ingénieurs de la marque au trèfle, celle-ci continue à écraser la concurrence, et son pilote Gabriele Tarquini ne se classe qu'une seule fois en dehors du podium sur les courses qu'il finit.
Alain Menu continua tout de même à signer de très belles performances (2 victoires, 5 deuxième place, 3 troisième place) et finit la saison en deuxième place au championnat pilote. Pour son coéquipier Tim Harvey, la saison n'est cependant pas aussi glorieuse.
En effet, le pilote anglais, qui était censé être le pilote expérimenté et de tête, ne monte sur le podium qu'à l'occasion de sa victoire à Silverstone en fin de saison, et ne surclasse son coéquipier qu'à trois occasions. Il sera remercié en fin de saison et partira chez Volvo.
Le bilan de la deuxième saison de Renault en BTCC, la première pour sa nouvelle Laguna, est globalement très satisfaisant. Le constructeur français finissant deuxième au championnat constructeur derrière l'écrasante Alfa Romeo 155, mais surclasse Volvo en troisième position.
Une Laguna Williams pour 95
Après le développement du moteur pour la Formule 1 et la fameuse version sportive de la Clio, Renault et Williams F1 vont de nouveau allier leur force, cette fois pour développer une Renault Laguna compétitive pour la saison 1995. C'est comme ça que fut créée l'entreprise Williams Touring Car Engineering en septembre 1994.
Techniquement parlant, les ingénieurs de chez Williams sont repartis d'une feuille blanche pour le développement des liaisons au sol. De nouvelles suspensions McPherson sont montées à l'avant, et le train arrière est équipé d'une nouvelle barre antiroulis. Le moteur quatre cylindres, toujours développé par Sodemo, est maintenant accouplé à une boîte de vitesses Hewland revue par les ingénieurs Williams.
Pour les pilotes, Renault devait maintenant trouver un nouveau coéquipier à Alain Menu. Pendant quelques mois, les paddocks britanniques s'excitaient à la suite d'une interview d'Alain Prost : celui-ci déclarait qu'il souhaitait toujours courir à un niveau compétitif mais pas en Formule 1.
Les tabloïds d'outre-Manche ne se firent alors pas prier pour faire monter les rumeurs, et s'imaginer un baquet pour le pilote français suite au partenariat entre Renault et Williams, qui était alors la dernière écurie en F1 du pilote.
Le choix se fit cependant pour l'expérimenté pilote Britannique Will Hoy. Champion BTCC en 1991 sur BMW, il a ensuite signé chez Toyota. Même si la saison 1992 s'était plutôt bien passée, la voiture japonaise était ensuite bien trop sous-développée pour permettre au pilote de se battre pour le podium. Le constructeur français avait alors un des line-up les plus compétitifs de la grille.
À cause des délais serrés, les ingénieurs britanniques ont travaillé au moins six jours par semaine de novembre à avril pour mettre une voiture compétitive à disposition des pilotes. Les délais de développement étant tellement serrés par rapport à la tâche à effectuer que les pilotes n'ont pu prendre le volant de la Laguna 1995 que le vendredi juste avant la première course de la saison, à Donington Park.
Un premier titre
Après son titre 94, la marque italienne Alfa Romeo décide de réduire son engagement dans le championnat britannique afin de concentrer ses forces sur le championnat italien. Prodrive est alors en charge de l'exploitation des bolides italiens pour la saison à venir mais, sans l'audace et l'ingéniosité des ingénieurs transalpins, les voitures rouges ne pourront faire mieux que de la figuration. La voie est donc libre pour Renault !
Le début de saison est principalement dominé par Vauxhall et Volvo, les deux marques se partageant la plupart des places sur le podium. Du côté de la marque au losange, la montée en puissance se fait graduellement. N'ayant eu que très peu de temps pour apprivoiser la nouvelle bête, les deux pilotes privilégièrent la découverte du nouveau modèle à la performance, même si Alain Menu arrive à décrocher une belle deuxième place dès la deuxième course.
Cependant, dès le troisième week-end à Silverstone, la machine Laguna était rodée et prête à jouer des coudes sur les circuits britanniques. Le pilote suisse signe alors la pole position, le meilleur temps et la victoire en course.
Pendant les courses suivantes, Alain Menu se bat principalement avec John Cleland et sa Vauxhall Cavalier, et les deux pilotes se retrouvent sur le podium quasiment chaque week-end. Cependant, à partir de la mi-saison, l'Opel britannique reçoit quelques améliorations lui procurant de meilleures performances.
Au même moment, Alain Menu entame une période difficile. Pendant les huit courses suivantes, il finit quatre fois en dehors des points et ne monte qu'une seule fois sur le podium lors de sa victoire sur le circuit de Knockhill.
En fin de saison, la Renault reçut également de nouvelles améliorations, notamment sur le moteur par Sodemo, lui permettant de remporter les cinq dernières courses (trois pour Menu, deux pour Hoy). Cependant, en raison de son irrégularité en milieu de saison, Alain Menu voit le titre pilote s'envoler pour 43 points au profit du pilote Vauxhall.
Will Hoy, un peu plus en retrait notamment à cause de problèmes de fiabilité en première partie de saison, signe tout de même une quatrième place au championnat pilote grâce à trois victoires en deuxième partie de saison. Sa victoire lors de la course ultime à Silverstone permet à Renault de remporter son premier titre des constructeurs sur le fil.
1996 : un air de déjà-vu
Pendant l'entre-saison avant 1996, le clan Renault était clairement favori pour le championnat. Le partenariat avec Williams avait fait de la Laguna la voiture la plus performante du plateau, et Alain Menu avait fini la saison 1995 comme l'homme à battre.
Du côté du développement, les ingénieurs de chez Sodemo n'avaient pas chômé pendant l'hiver, revoyant le moteur pour assurer un deuxième titre constructeur d'affilée. Les ingénieurs français annonçaient alors avoir poussé la puissance à 295 chevaux. Les titres constructeur et pilote semblaient alors leur tendre les bras.
Cependant, alors que le titre pilote semblait enfin destiné au pilote suisse après deux places de vice-champion, la saison ne sera pas à la hauteur des attentes. En effet, un mélange de manque de fiabilité de la nouvelle motorisation et d'incidents en piste vont avoir pour conséquence des résultats en dent de scie.
La saison ressemble alors étrangement à la saison 94. Alfa Romeo ayant définitivement abandonné le championnat à la fin de la saison précédente, la domination vient maintenant de chez Audi. Après son double titre constructeur sur les circuits de tourisme italiens, la marque allemande arrive au Royaume-Uni avec sa dernière génération d'A4 dotée du système Quattro. Déjà rodée l'année sur les circuits transalpins et donc déjà victorieuse, la berline aux quatre anneaux est donc prête à en découdre avec la familiale de Viry-Châtillon.
La voiture de course allemande est une réussite totale, et le système à quatre roues motrices lui procure des performances et un comportement qu'aucun concurrent ne peut égaler. Le pilote Franck Biela confirme alors les attentes placées en la voiture dès le début de saison, en remportant quatre des cinq premières courses, lui permettant de prendre une avance jamais rattrapée au classement.
Malgré les contestations régulières des concurrents et les pénalités de poids ajoutées à la voiture aux quatre anneaux au cours de la saison, Franck Biela est totalement intouchable et finit seulement deux des vingt six courses de la saison en dehors des points, dont une fois sur disqualification.
Alain Menu ne peut alors que ramasser les miettes du succès de la marque aux quatre anneaux. Après une première partie de saison entachée par des problèmes de fiabilité, le pilote suisse arrive tout de même à remonter la pente en deuxième partie de saison et se classe deuxième au championnat pilote pour la troisième saison d'affilée, à presque 100 points de l'allemand.
De son côté, malgré deux deuxième place derrière Biela lors des deux premières courses, Hoy ne peut mieux faire qu'une neuvième place. Au championnat des constructeurs, Renault se classe quatrième, derrière BMW et Volvo.