L'édition 1995 des 24 Heures du Mans est restée dans toute les mémoires avec des vainqueurs inattendus, une forte pluie, un plateau hétéroclite (mais de qualité) et Courage qui passe près de l'emporter...

24 Heures du Mans 1995

Le contexte

Au début des années 90, le moral est en berne au Mans, seulement 28 concurrents sont au départ de l'édition 1992. L'ACO ratisse large et le plateau reprend de l'ampleur (malgré une nette baisse de qualité) en 1993 et 1994 mais le nombre de spectateurs est en baisse.

En 1994, le championnat BPR naît sous l'impulsion de Jürgen Barth, Patrick Peter et Stéphane Ratel, le championnat d'endurance fait la part belle aux GT et les concurrents viennent à point nommé pour renforcer le plateau des 24 Heures du Mans ! En parallèle, la Parade des Pilotes du vendredi au Mans fait son apparition pour cette édition 1995 ce qui permet de renforcer l'aspect populaire de la course et de rapprocher les acteurs de leurs public.

Le plateau

99 dossiers sont déposés pour cette édition 1995 des 24 Heures du Mans ! 19 voitures sont retenues d'office et une cinquantaine de voitures se disputent le 30 Avril les 29 places restantes. Le plateau est pour le moins hétéroclite avec l'Alpine A610 préparée par Patrick Legeay, la VBM (sponsorisée par la Ville de Paris... Impensable 30 ans plus tard !), une WR fonctionnant au GPL, une Aston Martin DB7 engagée par le patron de presse Michel Hommell... Eic Hélary passera près de qualifier la lourde GT britannique.

Venues du BPR, les nombreuses McLaren F1 GTR n'ont aucune difficulté à franchir cette étape des pré-qualifications et 7 voitures seront de la partie au mois de Juin. En voyant l'intérêt de ses clients pour la classique mancelle. McLaren a décidé de soutenir ces engagements et fait même mieux avec l'engagement de la #59, un engagement semi-officiel grâce au soutien de Tokyo Ueno Clinic (on vous laissera rechercher la spécialité médicale de cette clinique...) avec Paul Lanzante aux commandes. L'expérimenté Masanori Sekiya a permis cet engagement et il sera secondé par JJ Lehto et Yannick Dalmas. Le français, déjà double vainqueur des 24 Heures du Mans, n'était pas franchement emballé par cette voiture au départ. Un test de longue durée à Magny-Cours lui permettra néanmoins de voir les choses différemment en identifiant les points fort de la voiture (son extraordinaire V12 BMW) et ses points faibles (sa boîte de vitesse). Face aux McLaren on retrouvait notamment trois Ferrari F40 ainsi qu'une Venturi engagée officiellement par le constructeur français !Le règlement technique de cette édition 1995 a rapproché en performance les GT et les protos, les GT restent théoriquement plus lentes, mais elles ont une réelle chance de l'emporter.

Mais quand on pense à un succès au Mans on pense d'abord aux prototypes ! Vainqueurs des 24 Heures de Daytona en début de saison, les frères Kremer engagent deux Spyder K8 avec le soutien de Porsche. L'équipage de la #4 est particulièrement solide avec Thierry Boutsen, Hans-Joachim Stuck et Christophe Bouchut ! Courage Compétition engage trois voitures, une C34 à moteur Porsche avec un équipage de rêve composé du jeune mais déjà vainqueur Eric Hélary, et des très expérimentés mais rêvant d'être vainqueurs, Bob Wollek et Mario Andretti ! Les deux autres voitures sont les toutes nouvelles C41 développées par Henri Pescarolo et Eric van de Poele, des voitures modernes mais dotées d'un douteux V8 Chevrolet. Une Ferrari 333 SP est engagée mais Ferrari mais contrairement à McLaren, Ferrari ne fait aucun effort pour soutenir cet engagement... En LMP2, on retrouve 3 voitures, une Debora et deux étonnantes WR monoplaces exploitant à fond les possibilités d'un règlement.

Si le plateau de cette édition est meilleur qu'en 1994, le niveau global reste assez faible (cela se vérifiera avec le rythme affiché en qualifications et en course) avec un plateau pour le moins varié (19 marques différentes !) mais promettant une édition plus ouverte que jamais. 40 pilotes prennent pour la première fois le départ des 24 Heures du Mans (avec entre autres Stéphane Ortelli et Emmanuel Collard parmi ces rookies) ! On note le retour des constructeurs britanniques Lister et Marcos sur la grille des 24 Heures du Mans !

Qualifications

Pour le Kremer Racing, les qualifications virent au cauchemar, avec la sortie des deux K8 lors des séances qualificatives... Un désaccord technique avec les commissaires de l'ACO ne permet à la Ferrari 333SP engagée par Euromotorsports de ne prendre la piste que le jeudi soir. Et après le camouflet de 1990, Norma vit une nouvelle désillusion avec de nouveau un faux départ au Mans suite à une double casse moteur sur la #6...

Les constructeurs français sont à la fête à l'issue des qualifications et la grosse surprise vient de WR qui truste la première ligne ! Pour sa première participation le jeune palois William David signe la pole en 3'46"05 juste devant l'autre voiture pilotée par Patrick Gonin qui fête sa 10ème participation ! Eric van de Poele signe le troisième chrono en 3'48"48 au volant de la Courage #12 mais le premier coup de théâtre de cette édition intervient : la voiture est trop légère de 20kg et est tout simplement exclue ! Ce sont les deux autres Courage qui se retrouvent en première ligne avec notamment la C34 qui bénéficie d'un moteur Porsche "usine" pour les qualifications. La Kremer K8 #41 en termine avec le cinquième temps et devance les trois Ferrari F40 ! Au neuvième rang on retrouve la McLaren F1 GTR #59 qui aura à ses côtés sur la grille l'étonnante Venturi 600 SLM. Derrière on retrouve cinq McLaren F1 GTR.

Aucune voiture sur la grille n'a vu ses trois pilotes tourner tous en dessous des 4 minutes au tour !

La course

Le départ de cette édition est donné par Philippe Séguin, président de l'assemblée nationale. Plusieurs voitures rencontrent des problèmes dès le départ. Patrick Gonin (WR #8) boucle le premier tour en tête devant Bob Wollek (Courage C34 #13) et William David (WR #9). Le trio de tête prend 15" d'avance sur le peloton dès le premier tour. Jean-Marc Gounon (Venturi 600 SLM #44) prend un excellent départ et prend la cinquième place mais cette performance de la GT française fait feu de paille... Tout comme celle de la Ferrari 333 SP qui abandonne dès le huitième tour ! William David doit s'arrêter à cause d'un saute-vent récalcitrant tandis qu'en tête Patrick Gonin signe au quatrième passage le record du tour de l'épreuve en 3'51"41 !

La Courage #13 ne dispose plus du moteur "usine" pour la course et le moteur Porsche client manque clairement de souffle, la française occupe la tête durant un tour mais dès la fin de la première heure de course et la première apparition de la pluie, le commandement de la course bascule définitivement dans le clan des McLaren ! La pluie suprend Yannick Dalmas (McLaren F1 GTR #59) tape les pneus à la chicane Dunlop mais conserve sa sixième place tandis que Stuck tape plus fort et en dommage l'aileron de la Kremer K8 #4, la barquette allemande perd 8 minutes à son stand...

En fin d'après-midi, Courage vit un nouveau coup dur avec l'abandon de la #11 qui s'immobilise à Arnage... Ray Bellm (McLaren F1 GTR #24) part à la faute dans les virages Porsche, la voiture chute au 48ème rang. La McLaren F1 GTR #59 s'en tire de nouveau bien avec un tête à queue sans conséquences pour Masanori Sekiya... La Kremer K8 #4 est inconduisible et chute au 29ème rang. La pace-car entre en action durant 37 minutes suite au "looping" de la WR de Patrick Gonin dans les Hunaudières. Le premier leader de la course s'en tirera avec plusieurs fractures...

Mario Andretti (Courage C34 #13) se fait surprendre en piste et la voiture termine dans le mur. L'américain ramène la voiture à son stand avec un aileron arraché et une transmission endommagée... Courage est une petite équipe et la réparation s'éternise à cause d'une totale désorganisation... L'arrêt dure 29 minutes ! Cela profite aux McLaren qui trustent les quatre premières places aux alentours de 22h.

Au volant de la #25, Philippe Alliot sort de la piste et John Nielsen (McLaren F1 GTR #49) prend la tête de la course. Chez Courage et Kremer, on cravache pour tenter de rattraper le temps perdu mais la pluie ne permet pas aux prototypes d'exploiter leur plein potentiel et le faible rythme ne "fatigue" pas les fragiles transmissions des McLaren. Une des deux Jaguar XJ220C occupe la quatrième place durant la nuit.

A mi-course, la McLaren "West" capitule, trahie par son embrayage... La McLaren "Harrod's" reprend le flambeau. Au petit matin, la McLaren #51 mène toujours devant la #59 tandis que la Courage pointe toujours à 3 tours et la piste s'assèche... Mais cette remontée est de nouveau perturbée par un sponsor exigeant le remplacement du capot moteur de la voiture, le remplacement est de nouveau bien trop long et 4 minutes supplémentaires s'envolent ! Peu avant 9h du matin, la McLaren #59 prend la tête pour la première fois en dépassant la #51 dans les Hunaudières, les pneus Michelin de la #59 étant bien plus efficaces que les Goodyear de la #51.

La Courage se rapproche petit à petit des deux McLaren et la boîte de vitesse de la voiture de Derek Bell commence à se montrer capricieuse. Andy Wallace relaye son compatriote en tête de la course mais il ne peut rien faire face au retour de la McLaren #59, Yannick Dalmas prend la tête à 14h05 ! Une heure plus tard, Bob Wollek s'empare de la seconde place et la Courage de l'alsacien est bien plus rapide que la McLaren du varois, et il revient rapidement dans le tour du leader à 45 minutes de l'arrivée ! Mais c'est trop tard ! Yannick Dalmas l'emporte avec trois minutes d'avance face à l'alsacien qui échouait une nouvelle fois pour sa 25ème participation...

Après Ferrari en 1949, McLaren devient le second constructeur à s'imposer au Mans dès sa première participation ! JJ Lehto est le premier finlandais et Masanori Sekiya le premier japonais à l'emporter tandis que Yannick Dalmas l'emporte pour la troisième fois sur une troisième voiture différente et en seulement cinq participations ! C'est également la première fois qu'un moteur BMW l'emporte et qu'une voiture portant le numéro #59 gagne. Mario Andretti devient le plus vieux pilote à monter sur le podium des 24 Heures du Mans, mais ni lu, ni Bob Wollek ne parviendront à accrocher les 24 Heures du Mans à leur superbe palmarès... McLaren place 4 voitures dans le top 5.

Seulement 20 voitures sont classées à l'issue d'une course qui a été la plus lente depuis 1956 ! Finalement, 5 des 7 McLaren F1 GTR franchissent la ligne d'arrivée et ce succès fait entrer définitivement la supercar de Gordon Murray dans la légende de l'automobile. Honda s'impose en GT2  grâce au trio Kunimitsu Takahashi/Akira Iida/Keiichi Tsuchiya et ce sera malheureusement la seule fois que le constructeur japonais brillera au Mans. Enfin, la Debora termine lanterne rouge du classement mais elle s'impose en LMP2, les bisontins entrent au palmarès des 24 Heures du Mans !

@McLaren Media