L'octuple Champion du Monde des Rallyes WRC fait ses débuts en Championnat du Monde d'Endurance FIA-WEC à l'occasion des 1000 Miles of Sebring. Le départ de la course sera donné ce vendredi à 17h00.
Air détendu, tout sourire, Sébastien Ogier nous a rejoints dans le préfabriqué qui fait face à son stand, au cœur des paddocks du circuit de Sebring (Floride). La dernière recrue du Richard Mille Racing partage une voiture de la catégorie LMP2 avec Charles Milesi, vainqueur des 24 Heures du Mans 2021 (dans la même catégorie), et la jeune Lilou Wadoux qui arrive depuis l'Alpine Cup Europe. Le Gapençais participe à Sebring à sa première course dans la discipline, alors qu'il découvrait le mythique tracé floridien.
Ogier voulait se tester sur circuit
Que vous inspirent les paddocks à la sauce US ?
C'est excitant de découvrir un nouvel environnement, les gens sont détendus, on dirait que personne n'a jamais entendu parler du Covid… C'est vraiment une ambiance unique. Pour ce qui est des essais, on a eu le temps de rouler grâce au Prologue, mais à chaque tour on a envie de progresser donc on n'en a jamais assez. Car si on considère les séances d'essais liées à la course, auxquelles je n'ai même pas participé ce matin (jeudi), c'est un peu court.
Est-ce que le fait d'essayer la Toyota LMH en fin de saison dernière vous a aidé dans la compréhension de votre LMP2 ?
J'ai fait deux sessions avec la Toyota : à Bahreïn lors du Rookie Test, mais surtout à Aragon, en Espagne, où j'ai pu enchaîner des relais et où j'étais bien plus dans le rythme. J'ai réussi à franchir des caps, mais il y a des belles différences entre les deux voitures.
Outre la technologie, il y a la partie pneumatique (NDLR : Goodyear équipe les LMP2, Michelin fournit les autres catégories) qui est très différente en matière de stratégie et de performances. J'espère que les choses vont se mettre en place.
Êtes-vous satisfait de votre choix, de vous être tourné vers l'Endurance ?
C'est un peu tôt pour avoir un vrai jugement pour répondre à cette question, mais je suis content d'être là, surtout sur un circuit fun comme Sebring. Je suis détendu, j'ai envie de bien faire mais je ne mets pas de pression sur le résultat. Une chose après l'autre, même si je sais que Le Mans va arriver très vite.
Pas de pression… Vous ne courez pas après le résultat ?
Si, bien sûr, mais il faut être lucide. Il y a beaucoup de pilotes expérimentés, un plateau relevé, et c'est compliqué de viser haut cette année. Le plus important pour moi, c'est de juger la courbe de progression, de se rapprocher des meilleurs.
Est-ce que c'est ça qui décidera de la suite de votre éventuelle carrière en Endurance ?
Tout dépendra comment je vais me plaire dans cette discipline. C'est toujours excitant d'avoir de nouvelles sensations, mais j'ai besoin d'avoir un peu plus de recul pour savoir si cela me plait, notamment en comparaison avec le rallye. J'ai la chance de continuer à faire du WRC, je serai au départ du Rallye du Portugal, et pour le moment je ne m'interdis rien.
Est-ce que Toyota a joué un rôle dans votre signature chez Richard Mille ?
Pas spécialement, c'est plutôt au détour d'un appel téléphonique que j'ai passé à Richard en début d'année, où il m'a dit qu'il ne ferait pas forcément un équipage féminin cette année, et que si je voulais on pouvait réfléchir ensemble à un volant dans son écurie. Bien sûr, tout s'est fait en accord avec Toyota, qui voulait m'aider à trouver un volant pour avoir une première expérience en Endurance.
En 2005, lorsque vous avez remporté la sélection Rallye Jeune FFSA, c'était aussi l'année où Sébastien Loeb faisait Le Mans. Est-ce que cela vous trottait dans la tête ?
Pour être honnête, je n'ai jamais suivi les 24 Heures du Mans de près. J'ai roulé quelques fois sur le circuit Bugatti, mais c'est ma seule expérience du Mans. J'ai fait aussi quelques courses en Supercup, ce que j'ai adoré, surtout sur le circuit de Monaco.
Mais ce qui a fait que je suis là aujourd'hui, c'est qu'en tant que pilote Toyota je regarde un peu plus ce qui se passe dans la « famille ». C'est vrai, aussi, que j'avais aussi dans l'idée de me tester en circuit depuis quelques années.
Entre WEC et WRC, vous ne levez donc pas le pied…
J'ai dit il y a quelques mois que je voulais faire moins de courses car je souhaitais passer plus de temps en famille. J'ai eu beaucoup d'opportunités professionnelles, mais j'étais jusque-là resté concentré sur le rallye, qui est une discipline qui prend beaucoup de temps.
Comme je n'ai plus de programme complet en WRC, et que pour le moment je ne suis engagé en Endurance que jusqu'au Mans, j'essaie de concilier travail et famille. Par exemple, ici on est arrivés il y a une semaine pour prendre des vacances à Orlando et visiter Disneyland. Ce format me permet de tout concilier et c'est ce que je souhaite.
Comment vous sentez-vous installé dans votre LMP2 ?
Comme on a tous des gabarits différents (Lilou et Charles sont plus petits), on a dû faire des réglages. Lorsque j'ai roulé en essai au Castellet je n'étais pas super à l'aise mais ça va mieux. J'ai à peu près trouvé ma position. C'est l'une des caractéristiques de cette discipline, on est une équipe et on pilote à trois, ce qui veut dire aussi pas très longtemps à chaque fois.
Quel est votre ressenti du pilotage dans le trafic, avec des voitures aux performances différentes ?
Je m'y attendais, je savais que Sebring était une piste compliquée sur ce point, et j'ai observé que la BoP (Balance of Performance) avait tendance à resserrer les performances des voitures.
Ici, ce n'est pas si évident pour doubler, je me cherche un peu sur ce point et il va falloir que je me cale. Mais le fait d'avoir Charles dans l'équipe nous permet aussi d'avancer sur ce sujet. Nous venons tous les trois d'univers différents, mais ça peut faire une belle histoire.
Propos recueillis par Didier Laurent
Le saviez-vous ?
Avant d'être champion du monde des rallyes, Sébastien Ogier a été champion de France de… Boules Lyonnaises (Catégorie 18-23 ans, en 2003).
"De 10/12 ans à 20 ans, j'y ai joué énormément," confie Seb'. "J'ai beaucoup joué à la pétanque, avec mes potes dans les fêtes de village, mais en termes de compétition c'était la boule lyonnaise. Je suis arrivé tard en sport automobile car je n'avais pas les moyens, et heureusement qu'il y a eu la formule de promotion rallye jeune."
"Jusqu'à 20 ans, la boule lyonnaise a été mon sport principal. En début de carrière, cela m'a d'ailleurs apporté beaucoup en termes de concentration. Le mental a souvent été l'un de mes forces en rallye, et pour moi il y a un lien entre les deux expériences. Quand je raconte cela, les gens rigolent, mais quand on le fait à haut niveau… J'étais aussi bon en ski (il a même été moniteur, Ndlr) et là c'était plutôt pour le sens des trajectoires…"