Bien avant son retour en Mondial d'Endurance, la Scuderia Ferrari dédiait toute son énergie à la F1. Mais, au milieu des années 70, elle donna son aval pour que le Cheval Cabré s'aventure en Rallye !
Ferrari, c'est la F1 mais aussi les 24 Heures du Mans, épreuve mythique du Championnat du Monde d'Endurance. Pourtant, peu se souviennent qu’un jour, une Ferrari a quitté l’asphalte pour s’aventurer sur les pistes de terre et de gravier en s'engageant dans des épreuves de rallye. Cette audacieuse aventurière, c’était la Ferrari 308 GTB.
308 GTB Gr4, quand Ferrari se hisse en Mondial des Rallyes
Cette aventure n'est pas un projet officiel né dans les ateliers de Maranello, mais il a reçu la bénédiction de la maison-mère. L'engagement n'était donc pas officiel, mais il était suivi de près par 'Il Commendatore' (Enzo Ferrari), ce n'était donc pas un projet isolé d'un simple amateur qui voulait absolument mettre une Ferrari sur les spéciales de rallyes. Les demandes affluèrent de plusieurs équipes italiennes ainsi que de Ferrari France, toujours très active grâce à l’importateur Charles Pozzi.
Présentée en 1975, la 308 GTB fut la deuxième Ferrari à moteur central arrière V8 et Ferrari France souhaitait faire de la 308 GTB, une machine de rallye. Sa préparation est confiée à l'écurie de Giuliano Michelotto, célèbre préparateur de la ville de Padoue (située dans la région de la Vénétie), et allège donc la caisse grâce à l’utilisation d’aluminium et de fibre de verre au lieu d’acier dans sa construction (capot et portes en plastique), tout en retravaillant le moteur. Ce dernier sera gonflé à 320 ch à 8000 tr/min. Le premier modèle, portant le châssis n°8380, sortira des ateliers de Padoue en 1978.
La 308 GTB ne fut pas choisie au hasard, chez Michelotto on y décela dans ce modèle un potentiel pour la catégorie Groupe 4 du rallye. Ferrari soutint l’idée, livrant des châssis nus que les techniciens italiens allaient métamorphoser en véritables machines de compétition. Même un œil non aguerri pouvait facilement voir les changements opérés sur le modèle : suspensions rehaussées, débattements allongés, batterie de projecteurs rallye vissée sur le museau. La silhouette restait superbe, sauvage et racée. Les premières Ferrari 308 GTB Groupe 4 firent leurs débuts en 1978. Après quelques essais, dont une apparition à la Targa Florio avec Roberto Liviero, la voiture prouva vite son efficacité sur les championnats européen, italien et français.
Les premiers succès arrivent...
Un an plus tard, Raffaele “Lele” Pinto et son copilote Claudio Penariol offrirent à la 308 GTB sa première victoire lors du Rallye de Monza 1979. Mais les plus belles heures restaient à venir. En 1981, Jean-Claude Andruet (vainqueur des 24 Heures du Mans 1972 au volant d'une Ferrari 365 GTB/4) va remporter le légendaire Tour de France Automobile au volant d’une 308 GTB engagée par le concessionnaire parisien Charles Pozzi. A sa droite il avait une copilote, Chantal Bouchetal, et grâce à son partenariat avec une autre femme, Michèle Espinosi-Petit (également connue sous le nom de « Biche »), Andruet remporta également le Tour de France 1982 (au volant de la célèbre livrée Pioneer). Le sponsoring de Pioneer apporta un changement de couleur, passant du rouge au bleu, et la voiture était si belle qu’en 2016, un client demanda à Ferrari Tailor Made que sa Ferrari 488 soit peinte dans les mêmes tons.
Une autre 308 GTB Gr4 pilotée par Tonino Tognana et Massimo De Antoni remporta le championnat italien des rallyes 1982 pour le compte du Jolly Club., avec une victoire à la Targa Florio (Andruet et « Biche » terminèrent deuxièmes).
© Ferrari Media / Girardo&Co
Mais le couronnement de la voiture eut lieu lors du Tour de Corse 1982, une manche officielle du championnat du monde des rallyes (WRC). Andruet a terminé deuxième en Corse, offrant à Ferrari son premier et unique podium en catégorie reine du WRC. L'épreuve fut remportée par Jean Ragnotti / Jean-Marc Andrié sur une Renault 5 Turbo, sur la troisième marche du podium figuraient Bernard Béguin / Jean-Jacques Lenne sur une Porsche 911 SC.
Même en 1983, la 308 GTB Gr4 continuait de gagner, bien que Michelotto ait alors un autre projet en cours de développement : une version Groupe B alors summum de la compétition en rallye, avec l'intention d'aller encore plus loin avec la 308 GT/M radicale à turbocompresseur. Hélas, le rêve prit fin en 1986 avec la disparition du Groupe B, jugé trop dangereux. Le projet s’arrêta net, pourtant, rien ne fut perdu : le travail accompli servit de base technique aux légendaires Ferrari 288 GTO puis la F40, icônes absolues des années 1980.
Au total, onze exemplaires de la 308 GTB Groupe 4 furent construits par Michelotto, auxquels s’ajouta une voiture assemblée au Royaume-Uni pour la compétition locale. Quatre modèles Groupe B virent également le jour : un à moteur deux soupapes, trois à moteur Quattrovalvole plus puissant. Aujourd’hui, ces machines sont devenues de véritables reliques mécaniques, convoitées par les collectionneurs du monde entier. Elles symbolisent une époque où Ferrari osa s’éloigner de la perfection du bitume pour plonger ses griffes dans la poussière des pistes. Une parenthèse héroïque, éclaboussée de boue et de gloire.
© Ferrari Media / McKlein
