Le nouveau constructeur français Vision Automobiles Paris vient de présenter sa 1789, un prototype propulsé au bio-méthane avec pour objectif de participer au Mans en 2023.

Une histoire de passion

Alors que l'industrie automobile est aujourd'hui à l'heure des doutes, ne pouvant toujours pas choisir vers quelle motorisation se tourner pour le futur et observant une chute des ventes sans précédent à cause du coronavirus, un nouvel acteur vient de faire son entrée : Vision Automobiles Paris.

Créée en 2019 par deux amis d'enfance nommés Thomas Castex et Florian Gravouil, l'entreprise affiche des ambitions bien assumées : redorer le blason de la France sur les circuits d'endurance. "La passion pour l'automobile m'est arrivée très tôt, notamment grâce à mon père qui m'emmenait sur les courses de côte de la région" nous confie Thomas Castex lors de notre entretien.

"Cependant, en allant au 24 Heures du Mans au cours de ma jeunesse, j'étais déçu de ne pas voir de constructeurs  français se battant régulièrement pour la victoire. Même si Peugeot a bien sûr eu ses heures de gloire, la course Mancelle est aujourd'hui plutôt à l'heure allemande. Mon rêve est donc de répéter l'aventure de marques françaises telles que Delahaye, Delage ou encore Amilcar : elles proposaient des voitures de course d'exception."

Un point important de ce projet est de montrer les technologies et savoir-faire présents en France à l'heure de la mondialisation. "Même si la compétition est aujourd'hui dirigée par les équipes allemandes en endurance, on sait tous que les entreprises françaises ont également du mérite à avoir dans ce succès, notamment avec la présence forte d'Oreca derrière le succès de Toyota. Avec notre voiture, sans vouloir tomber dans le chauvinisme, nous souhaitons créer une véritable vitrine des savoir-faire français."

L'entreprise pourra notamment s'appuyer sur des partenaires de renom et expérimentés - français bien sûr - tels que Michelin Motorsport, Faster Racing, qui s'occupera du développement de la structure, et WRTI (Welter Recherche Technologie Industrie - anciennement le constructeur Welter Meunier), qui s'occupera de l'intégration de la technologie bio-méthane dans le  moteur.

Visuel de la Vision 1879 sur le circuit des 24 Heures du Mans © Vision Automobiles Paris

En plus des deux co-fondateurs, on retrouve également Martin Chatelier dans l'équipe, qui s'occupe de la partie design de la voiture. "Nous l'avons remarqué grâce au design qu'il avait soumis pour le concours annuel de Michelin North America Inc. en 2017, qui portait sur un prototype pour les 24 Heures du Mans 2030. Ayant aimé son dessin, nous avions échangé avec lui sur une possible collaboration, et maintenant il est aussi embarqué dans le projet !"

Un projet d'avenir

Techniquement, la Vision 1789 sera équipée d'une groupe moto-propulseur tournant au bio-méthane, ce qui serait une première aux 24 Heures du Mans. "Étant tous jeunes dans l'équipe, nous sommes sensibles à la thématique de transition écologique, et souhaitions proposer une motorisation plus respectueuse de l'environnement que les celles aujourd'hui présentes sur le plateau Manceau. L'électricité ne nous intéressait pas car elle rend les voitures trop lourdes, et l'hydrogène ne correspondait pas à nos attentes."
Même si la technologie n'est que peu présente en France, elle se développe rapidement à l'étranger. La Chine, le Brésil et l'Argentine sont en tête, avec chacun un parc de voitures roulant au bio-méthane se comptant en millions de véhicules, et l'Italie fait figure de proue en Europe avec plusieurs centaines de milliers de véhicules.

Pour le développement de sa motorisation, l'entreprise se fera notamment épaulée par l'expérimenté bureau d'études WRTI. Celui-ci avait déjà développé un prototype fonctionnant au bio-méthane pour le Garage 56 en 2017, qui n'avait malheureusement par pu prendre le départ de la course.
"Sur le plan technique, le bio-méthane n'est pas le carburant le plus difficile à mettre en place. Bien que le gaz soit stocké à des températures inférieures à 100°C, la technologie de réservoirs existe déjà. Le seul gros challenge consiste aujourd'hui à trouver la meilleure solution possible pour injecter le bio-méthane." Pour rappel, n'importe quel moteur à combustion interne peut fonctionner au bio-méthane après un simple remplacement des injecteurs.

La compétition en ligne de mire

L'objectif est aujourd'hui posé : participer aux 24 Heures du Mans en 2023 via le Garage 56. "Notre motivation au quotidien est de réaliser notre rêve de participer aux 24 Heures du Mans en tant que constructeur. L'industrie automobile évolue très rapidement en ce moment, et on peut voir ça aussi au sein du Garage 56. On parle de deux autres projets pour la même période ; InMotion avec une voiture électrique (un projet étudiant venant des Pays-Bas) et Green GT avec une voiture propulsée à l'hydrogène."

"Nous sommes confiants que notre projet est fiable pour l'ACO et espérons prendre le départ de la course en 2023, nous ne voyons pas les deux autres projets comme de la concurrence. Nous pensons d'ailleurs que ce serait une expérience enrichissante de voir les trois technologies ensemble sur la piste, les 24 Heures du Mans étant une opportunité unique de tester les motorisations. Mais nous avons un avantage non négligeable : notre moteur va rugir dans la ligne droite des Hunaudières !"

Visuel de la Vision 1789 sur le circuit de Silverstone © Vision Automobiles Paris

Thomas Castex insiste également sur le fait que l'objectif premier du constructeur est bien de construire des voitures de course. "Notre rêve est de suivre une idéologie proche de celle de Scuderia Ferrari lors des premières heures ; développer des technologies de pointe pour la piste, puis les adapter pour nos voitures de route. Nous planchons aujourd'hui sur une production de 10 / 15 voitures de route par an, mais cela viendra dans un second temps."

Un planning serré

"Avec comme objectif la participation au 24 Heures du Mans en 2023, nous avons beaucoup de travail. Comme déjà évoqué, notre partenaire WRTI travaille sur l'intégration de la technologie bio-méthane dans le moteur. Cependant, il y a aussi d'autres sujets qui requièrent encore beaucoup de travail. Pour le moment nos visuels représentent notre vision pour la voiture de route, mais le passage à la piste aura besoin de quelques modifications."

"Nous espérons raisonnablement pouvoir commercialiser les voitures de route à partir de 2025 / 2026. Sur le court terme, nous présenterons une première maquette début 2021, au cours de ce qui devrait être notre premier salon." L'entreprise devrait également ouvrir une levée de fonds début 2021 afin de permettre à chacun d'aider au financement du projet, et de prendre à sa manière le départ de la course mancelle.