Malgré le fait que Daewoo ait toujours été une marque low cost, elle proposait une gamme complète de véhicules allant de la petite citadine à la grande berline, le tout vendu à un prix très inférieur par rapport à la concurrence sur un segment équivalent.
Pourquoi proposer une grande berline alors que l'on est un constructeur low cost ? Tout simplement parce qu'en Corée du Sud, le segment le plus vendeur est celui des grandes berlines et chaque constructeur en possède une. La Hyundai Grandeur est la voiture la plus vendue en Corée du Sud depuis des décennies alors que Kia propose la Cadenza. Si ces voitures n'ont jamais été vendues chez nous (sauf la Grandeur sous le nom d'Azera pendant 2 ans), Daewoo a pris le risque de vendre une grande berline en Europe.
Daewoo, une longue et riche histoire
L'Evanda n'est d'ailleurs pas la première berline de Daewoo loin de là. L'épopée commence en 1973, quand la marque était nommée GM Korea, avec la sortie de la Royale qui n'est qu'une Opel Rekord rebadgée. La deuxième génération, sortie en 1978, est également une Rekord rebadgée mais avec un avant d'Opel Senator ! Cette génération sera commercialisée avec un logo Daewoo en 1983 quand le conglomérat racheta 50% de la marque.
En 1991, place à la Prince également basée sur la Rekord mais avec un style cette fois propre à Daewoo et des moteurs qui ne dépassent pas les 130 ch. Puis viennent ensuite des bizarreries telles que l'Arcadia en 1994, une Honda Legend rebadgée, dont le but est de proposer une voiture de qualité supérieure à celle de la concurrence locale. Elle remplace aussi la Daewoo Imperial qui était une version plus haut de gamme avec la même carrosserie que la Royale. Ce fut un échec total avec moins de 1000 exemplaires vendus.
En 1997, Daewoo remplace les versions entrées de gamme de la Prince et l’Espero par la Leganza tandis que les versions haut de gamme et l’Acadia sont remplacées par la Chairman. Alors que la Leganza est un produit maison, la Chairman est en réalité une grande berline produite par Ssangyong sur base de Mercedes W124. Le style est très proche de la Classe S W140 et les moteurs, un quatre cylindres et trois six cylindres, sont également empruntés à Mercedes dans le cadre d'un accord commerciale (d'où le Powered by Mercedes présent sur certains anciens 4x4 Ssangyong).
Les puissances vont de 150 ch à 280 ch ce qui est très honnête pour l'époque. Elle fut aussi vendue en Corée du Nord sous le nom de Pyeonghwa Zunma ! C'est sans doute la voiture la plus obscure du monde puisqu'il n'existe qu'une photo de cette voiture dans la rue !
Pour l'Europe et les USA (!), c’est la Leganza qui est choisie pour représenter la marque, sur le segment D. Elle fait son entrée sur ces marchés en 1997. Elle n’aura eu de succès qu'en Angleterre et en Europe de l'est, en particulier en Pologne vu qu’elle était produite là-bas. Ailleurs, le succès fut logiquement mitigé. Aux USA, 5 8642 exemplaires ont été vendus entre 1997 et 2002, un faible chiffre pour le marché US mais c’est tout de même un exploit d’avoir réussi à refourguer autant de Daewoo à des américains !
Malgré une situation économique plus que bancale pour le conglomérat, Daewoo va être un peu plus ambitieux pour la remplaçante de la Leganza vieillissante. L'Evanda sera vendue à partir de l’an 2000 en Corée et 2002 en Europe. Tandis que la Leganza était comparable à une Laguna, la nouvelle Evanda est aussi longue qu’une BMW Série 5 ! Un changement de cap pour plaire à la clientèle Sud-Coréenne qui reprochait le manque de place à l'arrière et le manque d'habitabilité de la Leganza.
Sans être mauvaise, l’Evanda ne brille dans aucune catégorie à part celle du rapport/qualité prix imbattable surtout qu’elle est plutôt bien équipée avec des sièges chauffants, l’ABS et des airbags latéraux. Côté moteur, un seul moteur fut disponible.
Il s’agit d’un 2.0 d’origine Holden qui produit 131 ch, un peu faiblard pour tirer une berline de cette taille. Aucun diesel n'étant proposé, inutile dire que c'était mort d’entrée de jeu dans l'hexagone. Parmi les bons points, la tenue est route est étrangement très correcte pour Daewoo avec peu de roulis et une direction précise.
En 2002, le conglomérat Daewoo est englué dans un monumental scandale de corruption et fait faillite, ce qui provoque une catastrophe sociale majeure en Corée du Sud. GM rachète entièrement les activités automobiles de Daewoo ce qui va provoquer un changement de stratégie marketing qui sera visible dès 2004 avec le retrait de la marque Daewoo au profit de Chevrolet en Europe.
La marque Daewoo ne sera utilisé plus qu'en Corée du Sud, en Asie centrale avec la joint-venture en Ouzbékistan avec UzAvtosanoat et Daewoo et en Ukraine avec Zaz-Daewoo. Le nom Daewoo n'existe officiellement plus depuis 2015.
Par conséquent, l’Evanda sera vendue en Europe sous le logo Chevrolet à partir de la fin 2004 avec un restylage en prime qui ne lui fait pas de mal. Elle remplace de facto la bonne vieille Chevrolet Alero qui n'était plus proposée depuis 2003 en France suite à la disparition d'Oldsmobile. La carrière de l’Evanda prit fin en 2006 dans l'indifférence général avec 10 exemplaires vendus en France (bon j’exagère peut-être).
Même dans des pays comme la Belgique ou les Pays-Bas, il est vraiment très rare d’en croiser une dans la rue. En Europe, l’Epica a remplacé l’Evanda avec nettement plus de succès. En Corée du Sud, l'Epica est vendue sous le logo Daewoo. Parallèlement, Daewoo proposera la Statesman, une Holden Caprice rebadgée. Ces deux voitures seront remplacées par la Veritas qui est une Holden Commodore rebadgée cette fois-ci.
Une carrière insolite aux USA
Après l'échec de la Lanos et de la Laganza aux USA, GM n’insiste pas et retire la marque du marché. Cela n'empêche pas GM de vouloir vendre ces nouvelles Daewoo aux USA mais sous un autre logo.
Quand GM a racheté une grosse partie des parts de Daewoo en 2002, il n'était pas seul dans l’histoire car Suzuki aussi, partenaire de GM à l'époque, a mis des sous sous dans l’affaire. De ce fait, la Daewoo Evanda sera vendue sous le nom de... Suzuki Verosa aux USA à partir de 2002 !
C’est la première fois que Suzuki possède une berline dans sa gamme, 7 ans avant la Kizashi. En plus du moteur 2.0 Holden, un 6 cylindres en ligne 2.5 de 155 ch était proposé, ce qui ne suffisait bien évidemment pas au quidam américain qui veut bien plus de puissance pour une berline. Notons également l'Evanda fut vendue au Canada à la fois sous le nom Suzuki mais aussi sous le nom de Chevrolet Epica !
C’est également en 2006 que la Verosa tire sa révérence en Amérique du Nord. Il n’y aura pas de berline GM Korea vendue aux USA jusqu’en 2009 avec l’arrivée de la Chevrolet Cruze qui ne pourra pas tenir la comparaison face à la concurrence en raison de problème de fiabilité et une qualité de fabrication approximative. La deuxième génération de la Cruze sera par contre 100% américaine et bien meilleure que l'ancienne.
En Compétition
Daewoo n'ayant jamais été un grand constructeur dans le monde du sport auto (euphémisme), ils n'ont jamais osé envoyer une Evanda sur des pistes de rallye sur les circuits Sud-Coréens. La seule trace que j'ai trouvé est un engagement aux 24h of LeMons d'une Leganza ! Pour les autres activités sportives, Daewoo avait engagé des Nexia aux Trophée Andros à partir de 1996 avec Jean-Marc Gounon, qui offrira la première victoire à Daewoo en sport auto, Marc Sourd, Jean-Pierre Richelmi et Paul Bourion.
Plus obscure, on retrouve des versions Groupe N de la Lanos préparé en Pologne ou encore des engagements dans des rallyes obscures via le team officiel ZAZ Daewoo ukrainien avec des Lanos 4 portes et des Nubira au début des années 2000 !
Qu'en a pensé la presse ?
Conclusion du test de Caradisiac de l'époque écrit en Janvier 2004 par Olivier Pagès
Au final, l’Evanda se veut être une berline paisible à vocation familiale qui s'acquitte correctement de sa tâche, sans briller dans aucun domaine. Sans génie, mais également sans erreur de conception majeure, l’Evanda affirme une vraie légitimité grâce notamment à un prix/équipement imbattable. Dans le plus pur esprit américain, l’Evanda joue la carte de la souplesse et de la tranquillité.
Vendue au prix de 20 800 euros, l’Evanda est une bonne affaire. L’absence de diesel ne facilitera pas sa diffusion dans l’Hexagone sur un segment qui est diésélisé à plus de 60 %. Sans pouvoir viser les prestigieuses Vel Satis, Classe S ou autres BMW série 5, l’Evanda se contente d’être plutôt une bonne alternative aux berlines familiales du type Mondeo ou C5, un ton en dessous d’une Skoda Superb. Tout dépend après de l’importance que vous apportez à la réputation de la marque et aux qualités routières.
Quelques passages du test de la Chevrolet Epica écrit par Jean-François Guay pour Le Guide l'Auto 2005
Plusieurs observateurs de la scène automobile ont été estomaqués quand Chevrolet a dévoilé en grande pompe l'Epica et deux autres modèles rescapés de chez Daewoo : l'Aveo et l'Optra (Nubira en France). Il ne faut pas etre surpris puisque l'arrivée de ces trois modèles coïncide avec la disparition de la division Oldsmobile. Toutefois, on peut quand même se questionner puisque certains modèles de même catégorie vont devoir apprendre à cohabiter. [...] Sur la route, l'Epica se révèle être une honnête routière sans plus.
Si vous recherchez une berline qui vire à plat et qui freine sur une pièce de dix sous, la Malibu est mieux indiquée. L'Epica n'inspire nullement une conduite sportive et se compare plutôt à ces rivales sud-coréenne que sont les Magentis et Sonata.[...] Comme toute sud-coréenne qui se respecte, l'Epica offre un rapport équipement/prix imbattable. D'ailleurs, seul le prix pourra convaincre les acheteurs de la choisir au détriment de sa sœur ennemie la Malibu.