Le journaliste de Canal+ raconte son expérience au volant de la 208 FR6 du programme "ÇaVaTropVIP" en Championnat de France des Rallyes Asphalte.

Au début de l'année 2025, le quintuple Champion de France des Rallyes Yoann Bonato, annonçait avec son équipe Trajectus Motorsport, la mise en place du programme "ÇaVaTropVIP". Le but ? Faire découvrir le monde du rallye à des personnalités de tout horizon en les installant au volant de la nouvelle Peugeot 208 FR6, la dernière née de la gamme rallye de Peugeot et Stellantis s'adressant aux débutants et aux bas budgets. Pour la quatrième manche de la saison dans les Vosges, ce n'est nul autre que Stéphane Genti, le journaliste de Canal+ derrière le micro lors des épreuves du WRC et justement du Championnat de France des Rallyes au travers de l'émission Rallye Club, qui s'est installé dans le baquet de la 208 FR6 aux côtés de l'expérimenté Jérôme Degout, le copilote attitré pour cette opération "ÇaVaTropVIP". Connaisseur du milieu, mais longtemps de l'autre côté de la barrière (ou du micro), Stéphane Genti nous a raconté son expérience sur les routes des Vosges.

Stéphane Genti raconte son expérience "ÇaVaTropVIP" au Rallye des Vosges

Bonjour Stéphane et premièrement, merci d'avoir accepté cette interview ! Pour commencer, il me semble qu'avant ce Rallye des Vosges, tu n'avais aucune expérience en sport automobile ou tout du moins en rallye. 

En rallye, non. J'avais déjà fait quelques tours au Trophée Andros avec les petits deux-roues motrices à l'époque, mais ce n'était pas grand-chose. Je suis souvent monté à droite (ndlr. en tant que copilote) en rallye pour des shakedowns mais en tant que pilote, c'était effectivement une grande première. Je n'ai pas choisi le rallye le plus facile, mais c'était le seul de libre dans mon agenda et celui-ci était vraiment costaud. Je le savais déjà, mais bon… Disons que ce rallye est beaucoup moins visuel. Pour une première, c'était costaud.

Avant de rentrer dans le vif du sujet et le déroulé de ton week-end, raconte nous comment tu en es arrivé à prendre part à cette opération ?  

Je connais désormais bien Yoann depuis 2018 et l'apparition de Rallye Club dans la grille des programmes de Canal+, c'est un peu notre figure de proue, car il est tout le temps aux avants postes et puis cela fait quelque temps désormais qu'il est aussi consultant Canal+ sur le WRC puisqu'il vient commenter quelques manches par an et c'est justement lorsqu'il est venu à l'intersaison pour le Rallye de Suède au mois de février qu'il m'a proposé de prendre part à l'opération "ÇaVaTropVIP". Il m'a présenté le projet et m'a demandé si ça me tentait pour la première partie de saison, et il se trouve que les Vosges était le seul rallye qui collait dans mon agenda. Je lui ai demandé s'il était vraiment sûr, car je n'avais jamais piloté auparavant, et il m'a dit "« Oui, oui, ne t'en fait pas, c'est ça qui est marrant" ! » J'ai quand même tenté de négocier de se mettre en voiture #0 en ouvreur parce qu'il n'y a pas la pression du chrono et il m'a dit "non, non, on t'inscrit" donc banco ! Au fur que les semaines se rapprochaient, j'ai vu les performances des autres. Étienne Moustache était quand même assez étonnant, il a vraiment très bien roulé. Tom Villa était plus comme moi, il n'avait pas trop roulé. J'étais extrêmement honoré que Yoann pense à moi pour avoir le niveau pour piloter, car je partais de très loin.

Justement, comme tu connais bien le monde du sport auto par ta position de journaliste et encore plus en rallye, est-ce que cela t'a semblé être un avantage ou est-ce que malgré tout, tu t'es senti comme un total débutant ?

Il y avait des choses que je connaissais, mais pour les appliquer, cela a pris du temps. Tout ce qui est cordes, rails, etc. particulièrement aux Vosges où ce sont des choses très importantes, ce sont des choses qui me faisaient assez peur, je les avais en tête, je les connaissais, mais pour les appliquer c'est une autre chose surtout avec une découverte totale de la voiture et même si la 208 FR6 est très proche d'une voiture de série, je n'ai fait mes premiers tours de roues que le vendredi matin au shakedown. On a fait cinq passages au shakedown et j'ai découvert comme ça fonctionnait, car c'est quand même bien différent d'une voiture de tous les jours. En plus, moi toute l'année à Paris je suis en boîte auto donc il a fallu que je remette dedans, et même pour les recos j'ai tenté de louer une voiture avec une boîte manuelle, mais impossible de trouver une voiture avec boîte manuelle disponible donc il a fallu que je me réacclimate à la boîte manuelle directement sur la voiture de course. Il a fallu faire un reset complet et ça m'a pris toute la première boucle du samedi. J'étais bien coaché, entre Jérôme qui a une énorme expérience en copilote, Yoann et même Benoît Treluyer.

Tu reviens à l'assistance et tu as un triple vainqueur des 24 Heures du Mans qui te donne des conseils. Même s'il n'est pas rallyman tu te dis "ouah, ok". Je suis un débutant, mais j'ai quand même quelques privilèges.

Transition parfaite vers le début de ton week-end de course et même plus si l'on inclut les reconnaissances, raconte nous comment tu as vécu cette semaine Vosgienne.

Mardi et mercredi, il y avait les deux journées de reconnaissance, mais Jérôme avait déjà fait un gros travail en amont comme avec Tom Villa à l'Antibes et je l'en remercie. Il avait bien préparé le terrain en récupérant notamment les notes de Yoann et de son copilote Benjamin Boulloud pour ensuite les adapter, car eux fonctionnent en angles pour les virages, mais pour un débutant, c'est mieux de partir sur le système anglo-saxon avec les chiffres de 1 à 6. Il m'a ramené un rapporteur d'angle à poser sur le volant et on revalidait les notes en quelque sorte, en tout cas pour les passages qui n'étaient pas nouveaux sur cette année 2025. On s'est adapté, moi j'ai mis beaucoup de choses plus visuelles, par exemple "épingle à la boîte aux lettres bleue". Forcément, par rapport à Yoann qui joue à coups de dixièmes, pour moi, il s'agissait plus de ne pas rater l'épingle !

Le vendredi, c'était le shakedown, on a fait trois passages le matin et deux l'après-midi. Je commençais de plus en plus à sentir la voiture et entre le premier passage et le cinquième, je crois que j'ai réussi à améliorer le temps de 26 secondes. Même si c'était sur quatre kilomètres, c'était une partie de la spéciale de Corcieux, mais à l'envers. Je la connaissais un peu, car j'avais fait le shakedown à la droite d'Adrien Fourmaux il y a deux ou trois ans. Je savais que c'était quand même un beau morceau dans les sous-bois, donc c'était un satisfaisant et puis je commençais un petit peu à trouver mes repères après cinq passages.

Ma première angoisse, c'était de sortir de l'assistance sans être ridicule ! Aurélien qui était le chef de voiture m'a bien guidé, mais mon premier stress, c'était ça, donc je partais vraiment de très loin !

Le samedi, sortie de parc fermé, passage sur le podium du départ et puis c'est parti ! J'étais un peu stressé, car j'avais le numéro 57 qui était assez haut dans les ordres de départ. J'étais la dernière voiture de la classe FR6 à partir et le 58 était un pilote rapide sur une Rally4 et je savais qu'il allait très rapidement me doubler dans la spéciale, donc il y avait cette angoisse-là à gérer aussi. Dans la première spéciale, il m'a rattrapé assez tard, quasiment dans les derniers virages, mais par contre sur la deuxième spéciale qui faisait 23 kilomètres, je savais qu'il allait me rattraper dans la première moitié. J'ai quand même eu de la chance à chaque fois, car sur le Rallye des Vosges, les spéciales sont assez étroites, mais à chaque fois, je me suis fait rattraper à des moments où j'ai pu me rabattre un peu pour le laisser passer sans trop le gêner. Dans l'après-midi, la direction de course a décidé de me faire partir dernier et ça m'a enlevé un peu de stress !

Le samedi matin, j'étais posé comme on dit ! J'étais hors trajectoire, en survitesse et Jérôme était un peu angoissé. Il m'a dit : « Là, ça peut sortir à tout moment, ça peut finir très vite, Steph, il faut vraiment que tu prennes plus les trajectoires, que tu écoutes mieux les notes". »

La première spéciale, j'étais vraiment perdu, j'écoutais même plus la moitié des notes, j'étais ailleurs et là, j'ai vraiment réalisé que j'étais en spéciale d'un rallye du championnat de France.

Dans la dernière de la boucle, on s'est posé, je n'étais pas dans les rails, je suis arrivé avec trop de vitesse dans un virage, on a roulé sur les graviers et on s'est posé sur une souche. J'ai mis la marche arrière, il ne se passait rien, et finalement, les spectateurs nous ont sortis de là. On est resté à peine 30 secondes arrêté, mais ça a été un bon rappel à l'ordre. On a fait un point à l'assistance du samedi midi et Yoann m'a dit : « Il faut absolument que tu prennes les rails et les cordes, sinon tu vas te faire surprendre et ce qui t'est arrivé dans la matinée ça va t'arriver à nouveau. » J'ai eu un déclic et à partir de là, j'ai pris plus de plaisir, car jusqu'à présent, c'était quand même du stress. Jérôme a aussi simplifié ses notes, il faisait plus de coaching pilotage. Je me suis à prendre la confiance, à prendre les cordes, les rails, donc grosse confiance dans l'après-midi du samedi. Il faisait très chaud ! Je ne sais pas combien j'ai perdu d'eau, je vidais le camel back en une spéciale !

Le dimanche, en revanche, conditions météo très compliquées, très glissant et le dimanche après-midi, c'était l'apocalypse. Il y avait des trombes d'eau, j'ai dû m'arrêter en spéciale, je n'y voyais plus rien. Y avait des voitures sorties de la route dans tous les sens. On a fait un peu de la survie. Sachant que le samedi on a eu une crevaison lente, j'ai vraiment tout eu sur le temps d'un week-end ! J'étais vraiment content de mon rythme depuis le samedi après-midi, c'était vraiment une grosse joie d'en avoir terminé !

Tu parlais justement du travail de Jérôme qui a dû énormément adapté ses notes, comment s'est passée la relation avec lui toute la semaine et comment as-tu réussi à gérer le difficile exercice de piloter tout en écoutant les notes ?

Je le savais déjà, mais Jérôme est vraiment une crème. Yoann l'a convaincu de participer à ce projet-là un peu fou, et franchement, c'est le casting parfait ! Il a de l'expérience, il est à l'écoute, on a beaucoup échangé sur nos univers respectifs. C'est un véritable passionné, il est abonné à Canal+ depuis peut-être 35 ans, il suit les weekends de WRC, il était peut-être un peu intimidé au début, mais on a vite eu une relation fusionnelle, on était très bavards tous les deux. Il sait s'adapter à la personne qu'il a dans la voiture, il est parfois très dur avec lui-même. Pour lui, ça n'a pas été simple. Je n'étais pas un cadeau, pour mettre le hans il devait m'aider à chaque fois, pour vérifier que les harnais étaient bien serrés aussi, donc j'étais un peu un boulet pour lui ! Il fallait parfois prévoir large pour arriver à la zone de pointage dans le bon timing, donc je pense qu'il a aussi dû finir ce week-end épuisé ! Franchement, c'est un super gars et puis quand on voit son palmarès, j'étais vraiment dans des conditions idéales pour découvrir le rallye.

La Peugeot 208 FR6 que tu as piloté est l'entrée de gamme en rallye, le bas de la pyramide, mais cela reste tout de même une voiture de course, comment étaient les sensations au volant pour toi ?

Elle est hyper maniable, j'ai tout de suite été à l'aise. Franchement, en tant que pur débutant, je l'ai trouvée assez simple à prendre en main. C'est quand même une voiture solide, car la manière dont on tapait dans le fond des cordes, ça tapait fort en dessous et même quand on s'est posé sur la souche, on a tapé assez fort à l'avant, mais il n'y avait pas tant de dégâts que ça. C'est un très bon compromis pour les jeunes, c'est une bonne formule pour les gens qui débutent ou qui ont un petit budget.

Stéphane, tu connais très bien le monde du rallye et du sport auto en général, mais tu as toujours été de l'autre côté de la barrière finalement. En tant que passionné, qu'est-ce que ça t'a fait de pouvoir vivre un rallye de l'intérieur du cockpit ?

C'est vraiment sympa ! Bien sûr, je connais l'univers du rallye avec tout ce que l'on ne diffuse pas entre les spéciales, mais c'est vraiment un monde dans lequel il y a beaucoup de solidarité. Tout le monde était ravi de me voir là !

Il y a toutes ces choses-là dont on n'a pas conscience, on se rend compte qu'il y a très peu de moments où on peut souffler !

Est-ce que cette découverte du rallye t'a motivé à renouveler l'expérience ?

Oui ! Ce que j'ai dit à Yoann et à tout le monde, c'est que, dans l'absolu, j'aurais bien voulu participer à un rallye régional ou national pour mieux prendre en main la voiture. On se prend très vite au jeu, on regarde les chronos, on se compare avec les autres voitures de la catégorie au fur et à mesure. Dès que j'ai commencé à comprendre comment prendre les rails, les cordes, etc., on se dit "ah, mais c'est déjà terminé !" On est prêt à repartir pour une journée de plus.

Très addictif donc...

Complètement ! Je comprends vraiment les gens qui ne décrochent pas et qui sacrifient leurs congés et leurs budgets pour montrer des programmes. C'est une dose d'adrénaline qu'on a rarement dans d'autres disciplines, je pense !

On sait que le rallye est une discipline qui vit actuellement une période difficile, auprès des audiences, mais pas que, est-ce que des opérations comme celle-ci peuvent, notamment grâce à la participation d'Etienne Moustache qui sont populaires auprès des jeunes, ou alors quelqu'un comme toi que les gens ont l'habitude de voir à la télé, peuvent aider à démocratiser le rallye ? 

Je pense que c'est le but recherché par Yoann et l'équipe Trajectus. Suivre un rallye, par exemple, en WRC du Jeudi soir jusqu'à la Power Stage du dimanche, ce n'est pas forcément facile. Je pense que le but de cette opération, c'est rajeunir l'audience, ouvrir au grand public, et sans trahir de secret, je pense que pour le Rallye du Rouergue au volant, ce sera encore quelqu'un qui devrait avoir la même audience qu'Etienne Moustache (ndlr. la créatrice de contenu "Kaatsup" a été annoncée au volant de la 208 FR6 une semaine après l'interview). Je pense qu'il y a des choses positives à venir, il y a quand même de plus en plus de jeunes équipages, même ce week-end au bord des routes, il y avait énormément de monde et toutes les générations représentées. Je ne suis pas si pessimiste que ça sur l'avenir du rallye.

En tout cas, de ton côté, cette opération "ÇaVaTropVIP" c'est quelque chose que tu as apprécié et une vraie réussite, on imagine ?

Totalement ! Encore un grand merci à Yoann, Jérôme et toute l'équipe Trajectus. Je trouve que c'est top ! Je pense que Yoann est très sérieusement en train de réfléchir à renouveler l'expérience l'année prochaine !

Interview réalisée le 19 Juin 2025, quelques jours après le Rallye des Vosges.

Crédits photo de couverture: Bastien Roux Photographie