Alors que le Dakar 2024 se termine et que Carlos Sainz célèbre sa quatrième victoire, il est temps de revenir sur l'aventure d'Audi au Dakar. Trois ans après s'être mis en tête de remporter le Dakar sur une voiture électrique, il est déjà temps pour le constructeur Allemand de quitter le monde du rallye raid, la faute à un programme en Formule 1 qui cannibalise tous les autres programmes de course de la marque.

L'aventure d'Audi au Dakar restera particulière pour pleins de raisons. En fait cette aventure ressemble à ces projets ambitieux qui n'ont jamais abouti et qui se sont effondrés au bout de quelques saisons, comme il y en a eu beaucoup dans l'Histoire du sport automobile. Pourtant, contrairement à tous ces échecs, Audi aura trouvé le moyen d'aller au bout en remportant le Dakar sur une voiture électrique. Une victoire qui laisse déjà place à un retrait, le constructeur Allemand ayant fait le choix de concentrer tous ses efforts sportifs sur la Formule 1. Alors, que penser de la victoire d'Audi au Dakar ?

Une victoire qui manque d'impact et de grandeur

Novembre 2020 : Audi se met en tête de vouloir remporter le Dakar sur une voiture électrique avec une première participation prévue pour 2022. La marque a à peine plus d'un an pour développer un buggy électrique capable de rivaliser avec les indétrônables Toyota Hilux, sur une course que le constructeur ne connaît pas et sur les terrains les plus difficiles au monde. Audi voit grand et vise une victoire dès la première année, un défi énorme qui ne fait pas peur à un constructeur qui a l'habitude d'écraser la concurrence dans bien des catégories, le tout en apportant souvent des technologies révolutionnaires. Car Audi en sport automobile, c'est une histoire de dominations et de changements technologiques osés mais payant…

Dans les années 80, le constructeur Allemand débarque en rallye avec une voiture quatre roues motrices, renversant complètement la donne et forçant tout le monde à passer à cette technologie, sans quoi la victoire devenait impossible. Des années plus tard, les quatre roues motrices en rallye sont devenues une évidence et cela semble parfois fou de s'imaginer que le sommet du rallye mondial s'est longtemps disputé sur deux roues motrices. Au début des années 2000, Audi s'attaque à l'endurance avec un moteur diesel. Tout le monde rigole et doute qu'un moteur diesel puisse rivaliser avec l'essence en endurance, à une époque où le diesel semble réservé aux automobiles civiles peu puissantes. Dix ans plus tard, plus personne ne rigole. Audi a écrasé la concurrence et s'est imposé comme LE constructeur roi de l'endurance et des 24H du Mans de l'ère moderne. Dans la foulée, le constructeur Allemand décide de lancer un prototype LMP1 Hybride. Tout le monde doute, mais Audi ne tarde pas à s'imposer… et à imposer l'hybride comme une technologie supérieure aux moteurs 100% thermiques. Dernièrement, le constructeur a également été un précurseur en s'engageant en Formula E, le championnat de monoplace électriques de la FIA.

Alors quand Audi se lance le défi de remporter le Dakar en électrique, la réception du public est majoritairement négative, dans une discipline qui n'a connu aucune évolution technologique majeure en 50 ans d'existence et qui semble appartenir au passé, tant elle est déphasée du reste du sport automobile et des problématiques modernes. Au-delà de son look futuriste, le RS-Q eTron est un OVNI par ce qu'il représente dans une discipline qui ne veut pas de lui. Pour s'assurer d'être dans les meilleures conditions, Audi s'associe à Q Motorsport, une structure qui connaît parfaitement le monde du rallye-raid, et se dote d'un line-up cinq étoiles : Carlos Sainz, Stéphane Peterhansel, et le protégé de la maison : Mattias Ekström, un des pilotes les plus complets de sa génération, capable de performer sur tous les terrains et toutes les voitures.

Pourtant, Audi tombe de très haut. La première année est une catastrophe, Sainz et Peterhansel commettent des erreur, le RS-Q eTron est bien trop fragile et seul Mattias Ekström s'en sort en remportant des étapes, malgré une fiabilité qui ne l'aura pas non plus épargné. Pour Audi, le Dakar commence déjà à ressembler à un casse-tête qui n'a rien à voir avec les 24 heures du Mans. Surprise, les problèmes ne viennent pas de la propulsion électrique qui marche à merveille. La voiture est simplement trop fragile et se casse les dents sur les terrains difficiles de l'Arabie Saoudite. Deuxième année ? Rebelote. Malgré une version améliorée du RS-Q eTron, plus légère, plus solide et plus "pratique", l'histoire se répète. Erreurs des pilotes et voiture toujours trop fragile, Audi repart du Dakar la tête basse, même si la performance était meilleure que celle de l'année précédente. Alors cette année, il était difficile de croire à une victoire…

Pourtant, Audi semble enfin avoir trouvé la formule magique ! Malgré des crevaisons, Carlos Sainz n'aura connu aucun soucis de fiabilité et aura maîtrisé sa course de bout en bout, une performance pleine d'expérience et de maturité. Derrière lui, ses coéquipiers n'auront pas eu la même chance. Aussi rapides que l'Espagnol, Ekström et Peterhansel auront du enterrer tout espoir de victoire après d'énormes soucis de fiabilité rencontrés à mi-course. Finalement, le RS-Q eTron était encore loin d'avoir résolut tous ses problèmes…

Les Audi de Ekström et Peterhansel stoppées suite à problème mécanique

Pour la troisième année consécutive, nous avons eu droit à une photo de deux Audi à l'arrêt suite à des problèmes mécanique | © A.S.O. / A.Vincent / DPPI

Le pari est réussi, mais que retiendra t-on de la victoire d'Audi ?

Oui, Audi a réussi son pari de remporter le Dakar sur une voiture électrique. La victoire de Carlos Sainz restera dans l'Histoire de l'épreuve sans aucun problème car. Une quatrième victoire sur une quatrième voiture différente et au terme de deux semaines de bataille acharnée avec Sébastien Loeb, pas de doute, la victoire d'El Matador est belle. De l'autre côté, celle d'Audi est méritée, mais manque de beaucoup de choses…

Premièrement, la victoire d'Audi laisse un goût d'inachevé. Se retirer après seulement trois participations et une victoire empêchera Audi de s'inscrire dans l'Histoire du Dakar sur le long terme. Le manque de fiabilité du RS-Q eTron, même sur la dernière année, lui empêchera de vraiment marquer le Dakar de son empreinte et lui empêchera aussi de s'élever au niveau des modèles mémorables du Dakar, ceux qui ont dominé et imposé leur loi pendant plusieurs années. Non, le RS-Q eTron n'impressionne pas autant qu'un Hilux, qu'une Mini, qu'un 3008 DKR, qu'un Mitsubishi Pajero et... qu'un Touareg. Car oui, Audi souffre aussi de la comparaison avec l'autre vainqueur du Dakar dans le même groupe : Volkswagen et son Touareg dans les années 2000. Parce qu'il a établi une domination sur le long terme, parce qu'il a atteint un excellent niveau de performance et parce qu'il a fait gagner plusieurs grands noms du Dakar, le "Race Touareg" et son moteur TDI aura grandement marqué le Dakar des années 2000 et reste aujourd'hui une icône pour les gens ayant découvert le Dakar entre 2000 et 2011.

Le Volkswagen Race Touareg en action au Dakar 2011

© Marcelo Maragni / Red Bull Content Pool

Enfin, le RS-Q eTron manque aussi de grandeur et d'impact par rapport aux précédents modèles d'Audi qui ont innovés en s'imposant. Que l'on parle de l'Audi Quattro, des R8 et R10 TDI ou de la R18 e-Tron, le RS-Q ne s'élève pas à ce niveau là, malgré une victoire, malgré un défi bien plus grand et difficile que remporter une course de 24H sur un moteur diesel. Contrairement à ses prédécesseurs, le RS-Q eTron ne provoquera pas non plus de révolution technologique. Oui, il est le précurseur de la transformation énergétique du Dakar, mais le choix semble déjà se porter vers l'hydrogène ou les carburants synthétiques, pas l'électrique.

Alors oui, Audi quitte le Dakar en ayant accompli son objectif : dompter la course la plus difficile du monde sur une voiture électrique. Mais cette victoire aussi impressionnante soit-elle sur le plan technique, manque de grandeur, d'impact, d'émotion et ne laissera pas grand chose derrière elle.

Crédits photo de couverture: A.S.O. / C.Lopez.