En 1983, pour la première fois, le Paris-Dakar va traverser le désert du Ténéré. Et les concurrents s'en souviendront, Thierry Sabine dut aller récupérer quelques-unes de ses ouailles égarées.

Pour une première incursion dans le "désert des déserts", le Paris-Dakar a vécu une édition épique en 1983 où les éléments se sont déchaînés comme pour signifier que ces valeureux aventuriers s'étaient effectivement attaqués à un terrain hostile. S'ils en doutaient encore, la 9e étape entrera dans la Légende du Paris-Dakar !

Paris-Dakar 1983, quand les éléments se déchaînent !

Pour planter le décor, le Paris-Dakar 1983 part le 1er janvier, Place de la Concorde à Paris pour se rendre à Dakar le 20 janvier après 12 000 km parcourus dont 5 210 km de spéciales et le tout sans aucune journée de repos et 15 spéciales (en 2023, le Rallye Dakar c'est 8 549 km sur 14 spéciales dont 4 706 chronométrées avec une journée de repos). Le Paris-Dakar traversera huit pays : la France, l'Algérie, le Niger, la République de Haute-Volta (le Burkina Faso dès 1984), la Côte d'Ivoire, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal.

Le Paris-Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar 1983

Au départ, 500 concurrents engagés dont 193 autos / 11 camions et 111 motos. Parmi les équipages, on comptait trois Mercedes 280 GE pour Ickx-Brasseur / Migault-Gauvain et Jaussaud-Da Silva. Les frères Marreau étaient à bord d'une Renault 18, un Buggy Sunhill pour Yves Sunhill, la Citroën CX de Wambergue-Bacholle, le Datsun Patrol de Darniche-Giroux.

Un Mitsubishi Pajero pour Cowan-Malkin, puis Metge-Gillot, Debussy-Delaval, Zaniroli-Cornut et Lartigue-Destaillats seront à bord des Range Rover ! Deux Lada Poch pour Briavoine-Deliaire et Trossat-Briavoine, deux camions Mercedes 1936 AK avec le trio Groine-De Saulieu-Malfériol et le duo Martinez-Langlois.

Mitsubishi Pajero au Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar 1983 - Mitsubishi Pajero

C'est en Algérie que débute réellement ce Paris-Dakar, et comme chaque année le parcours est modifié et cette 5e édition se veut raffinée, traversant l'Afrique (la vraie) avec en point d'orgue l'enfer du Ténéré.

L'équipage Jacky Ickx / Claude Brasseur a une revanche à prendre sur 1982 et dès les premiers kilomètres, ils vont imposer leur rythme. En catégorie moto, des 250 cm3 aux 600, les Honda et Yamaha veulent marquer le coup, BMW reste un peu dans l'ombre mais Hubert Auriol gère sur les premières spéciales.

Hubert Auriol sur sa BMW 980 au Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar - Auriol

Chez Range Rover, le patron-pilote René Metge, vainqueur de l'épreuve en 1981 compte bien à nouveau inscrire son nom, il est suivi par la Mercedes d'assistance légère pilotée par Jean-Pierre Jaussaud. Les vainqueurs en date, les frères Marreau ont troqué leur Renault 20 pour une Renault 18.

Le terrain se corse

C'est à partir de la 5e spéciale entre Bordj Omar Driss et Illizi que les pistes caillouteuses et dures laissent place aux premières dunes où les pièges les attendent, avec risques d'enlisements pour les autos ou les chutes pour les motos.

D'ailleurs, Cyril Neveu (trois fois vainqueur de l'épreuve) en fera les frais avec sa Honda. Après cette 5e étape, c'est Illizy - Djanet qui offre un nouveau décor, les montages, les concurrents retrouvent un semblant de tracé mais très glissant.

Le Mercedes 280 GE de Jacky Ickx et Claude Brasseur, vainqueurs au Paris-Dakar 1983

© Mercedes-Benz / Mercedes 280 GE - Dakar 1983

Et pour mieux illustrer la lutte en tête de la course, la Mercedes de Ickx-Brasseur est pourchassée par la Lada de Trossat-Briavoine, les deux ne se lâcheront pas pendant près de 220 km en avalant la poussière, un duel qui tournera à l'avantage de Jacky Ickx.

La 6e étape se tient le 10 janvier entre Djanet et Chirfa, 547 km sous un soleil de plomb dont 320 km de spéciale, avant d'entrer au Niger sur une piste balisée tous les 500 m, mais certains iront se perdre en direction de la Lybie.

Andre Korotkevitch-Michel Korotkevitch Dakar 1983

© Daimler AG - Paris-Dakar 1983 - Mercedes-Benz 280GE W460 - Andre Korotkevitch-Michel Korotkevitch

A l'arrivée, un débriefing a lieu entre Jacky Ickx et Hubert Auriol où ce dernier avouera une erreur d'orientation lui faisant faire un détour de 20 km. Sur la spéciale suivante entre Chirfa et Dirkou, René Metge profite d'un terrain calme et plat pour refaire son retard.

Le 12 janvier, c'est la spéciale Dirkou – Agadez qui va traverser le "désert des déserts" avec 617 km à parcourir : c'est le Ténéré ! Trouvaille de ce 5e Paris-Dakar, il va mettre bon nombre d'organismes à rude épreuve. Si le début de la spéciale se déroule bien, quelques 150 kilomètres après le départ, une tempête de sable se lève soufflant à près de 70 km/h, la visibilité passe de 2 km à moins de 10 m !

Le tracé comporte des balises tous les 1000 m, mais beaucoup sont couchées par le vent, les premiers concurrents comment à s'égarer. Au milieu de la spéciale, l'arbre du Ténéré, une oasis, point de ravitaillement pour les motards que certains ne verront même pas dans le vent de sable !

Le voyage au bout de l'enfer, voilà ce qu'est cette spéciale où le plus grand danger est de se perdre : Ickx n'y échappera pas ! Il perdra son chemin et trouvera par hasard l'arbre du Ténéré. Alors que les uns, malheureux, tomberont dans des dénivelés de 10 m derrière une dune, d'autres stopperont leur progression avec des pancartes "HELP" accrochées à leurs autos. Plus de 40 pilotes manquent à l’appel. L’hélicoptère de Thierry Sabine n'a pu poursuivre sa mission, et c’est avec l’armée nigérienne qu’il survole le Ténéré pour retrouver les derniers égarés.

Paris-Dakar 1983 - Jean-Pierre Jaussaud - Jean Da Silva

© Daimler AG - Paris-Dakar 1983 - Jean-Pierre Jaussaud - Jean Da Silva

Les hélicoptères d'assistance braveront les éléments pour aller secourir ceux en perdition totale. Les perdus les plus "chanceux" rallieront l'arrivée presque par hasard et de jour ! D'autres infortunés arriveront épuisés de nuit. Mais ils ne sont pas encore les plus à plaindre, certains sont encore "en spéciale" et ils improviseront des bivouacs de fortune malgré la tempête. Certains d'entre eux ne parviendront à l'arrivée que le lendemain dans l'après-midi.

Mais après 72 heures de recherches, plusieurs d’entre eux sont toujours aux abonnés absents, comme Bernadette Sacy, Christine Caron, Philippe Vassard ou Gilles Desheulles. Pourtant, Desheulles et Vassard retrouvent leur chemin après 60 bornes de marche quasi-désespérée. Caron et Sacy, elles, ont été recueillies par des Touaregs.

Hubert Auriol sur sa BMW 980 au Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar - Hubert Auriol - BMW 980

Bienvenue en Afrique Noire

Après le désert, la savane ! Entre Agadez et Korhogo c'est 2 300 km de marathon qui attend les concurrents, dans des conditions toujours difficiles avec le vent qui est toujours présent et le chemin très cassant, avec seulement deux arrêts de 4 heures pour se reposer.

Ickx et Brasseur, les leaders du rallye seront rattrapés par le sommeil et stopperont en bord de route pour... dormir ! C'est la Lada de Trossat-Briavoine qui remportera la spéciale. Jacky Ickx qui trouvera admirable ce que font les motards dans ces routes cassantes, avec saignées, crevasses, rochers et marches quasi infranchissables !

Jacky Ickx et Claude Brasseur au Dakar 1983

© PresseSports - Paris-Dakar 1983 - Ickx-Brasseur

Le classement moto est d'ailleurs mené par la BMW de Hubert Auriol au soir du 17 janvier avec plus d'une heure d'avance sur son principal rival après la spéciale entre Korhogo et Narra et 900 km de pistes rapides. Ickx-Brasseur, eux, ont près de 45 minutes d'avance sur la Lada de Trossat-Briavoine, pas d'inquiétude à ce stade-là !

Mais, alors que le rallye entre au Mali, la fatigue est palpable sur tous les visages... et également pour les mécaniques. Du côté de la Mercedes des leaders, son camion d'assistance vient confirmer les craintes : une panne les a stoppés à 90 km de Narra.

Heureusement, le camion de René Metge était sur les lieux peu de temps après, et le pont avant cassé de la Mercedes de Ickx fut ressoudé en 10 minutes, heureusement cela s'est produit lors d'une liaison. Ses mécaniciens passeront la nuit à changer le pont, Jacky Ickx de saluer encore une fois l'entraide entre les concurrents dont il ne cesse de louer la beauté de leur geste.

Jacky Ickx et Claude Brasseur au Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar - Ickx-Brasseur

Malgré cette panne, Ickx-Brasseur sont toujours en tête au départ de l'étape de Narra - Kiffa pour près de 600 km. Le 20 janvier, la dernière spéciale entre Tiougoune et Dakar, 100 km de plages, une formalité pour la dernière.

Des 111 motos au départ à Paris, 28 seront à l'arrivée, du côté des voitures, 60 verront Dakar. Hubert Auriol remporte à moto avec sa BMW 980, son deuxième Paris-Dakar avec 25 minutes d'avance sur Patrick Drobecq (Honda XR 600) et Marc Joineau (Suzuki DR 500) qui complètent le podium.

Hubert Auriol sur sa BMW 980 au Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar - BMW 980 - Hubert Auriol

En auto, Jacky Ickx et Claude Brasseur (Mercedes 280 GE) s'imposent en revanchards sur ce Paris-Dakar 1983 avec près d'une heure d'avance sur André Trossat - Eric Briavoine (Lada Niva) et Pierre Lartigue - Patrique Destaillats (Range Rover) qui complètent le podium de ce rallye-raid le plus éprouvant vu jusqu'alors !

Jacky Ickx et Claude Brasseur au Dakar 1983

© DR - Paris-Dakar - Jacky Ickx-Claude Brasseur

Le résumé de ce Paris-Dakar 1983