En 2025, l’équipe Alpine est devenue la risée du paddock avec sa gestion des plus discutables, gravitant autour du come-back d’un Flavio Briatore à l’odeur de souffre. Le moteur maison sera abandonné l’année suivante et l’hypothèse d’un retrait complet du constructeur à court terme n’est pas à exclure.
Ce ne serait pas la première fois que le Losange quitterait la discipline la queue entre les jambes, sous les quolibets des plumes britanniques comme françaises. Voici quarante ans, lorsque l’on parlait encore de la Régie Renault, l’office française acheva sa première expérience au plus haut niveau avec aussi peu d’éclat.
C’est une triste ironie comme seule la Formule 1 a le secret. Alors que Renault avait fourni à son sport une nouvelle encre pour écrire les prochaines pages de son histoire, ce furent les garagistes britanniques qui signèrent le chapitre glorieux des années turbo. Après plusieurs saisons à rôder son matériel, Renault aurait pu et dû toucher au but en 1983. Mais la victoire de Brabham-BMW avec Nelson Piquet fut tout autant son échec. Paralysés par « la peur de gagner » pour reprendre les termes d’Alain Prost, les cadres de l’équipe laissèrent leurs rivaux l’emporter avec de meilleures armes, dont une essence dont l’illégalité fut prouvée après coup.
Le Professeur servit de fusible et se vit débarqué peu après la dernière manche de Kyalami. A cet instant, le ver était déjà dans le fruit car Prost avait bien saisi les faiblesses de son ex-employeur. En le congédiant, celui-ci refusa implicitement d’admettre ses erreurs.
Bureaucratie à la française
Et le déroulement de la saison 1984 alla en ce sens. Malgré les efforts des excellents Patrick Tambay et Derek Warwick sur un châssis RE50 réussi, Renault ne remporta pas la moindre victoire et finit cinquième du championnat constructeur, battu à moteur égal par Lotus. Non seulement la fiabilité ne connut aucune amélioration mais les pannes d’essence furent légion. Avec la limitation des réservoirs à 220 litres d’essence, il fallait adapter la consommation en conséquence, ce dont Renault se révéla incapable. La RE50 était équipée d’un débitmètre mécanique dépassé en comparaison du dispositif électronique présent chez McLaren, qui domina le championnat. En conséquence, les pilotes gérèrent leur consommation au doigt mouillé et ne donnèrent que rarement leur pleine mesure.
La version électronique du dispositif n’apparut qu’en fin de saison, bien trop tard pour faire la différence. Une nouvelle illustration de la lenteur de réaction qui caractérisait Renault, comme Tambay le raconta en 2013 pour Classic Courses.
« Il y avait une lourdeur, un manque de dynamisme de l’ensemble. On subissait une réglementation parce qu’on n’avait pas la technologie pour s’y adapter. L’équipe fonctionnait à son rythme, suivant un planning établi, et il n’y avait pas de surchauffe suite à une crise. Quand on a ce genre de problème, il y a une cellule de crise, on essaie de trouver des solutions. Là, les solutions envisagées c’était du genre : « Bon, on va essayer d’évaluer le niveau de performance qu’on a en essais par rapport à la charge de suralimentation et puis on va mettre -0,5, -0,7… ». Ces raisonnements hasardeux amenèrent même Renault à alterner entre le dernier bloc conçu et l’ancien moulin de 1983 !
Bien sûr, Renault n’était pas seul à blâmer, et subissait comme toute entreprise française des lois plus strictes qu’en Grande-Bretagne quant au temps de travail autorisé. Fatalement, les délais pour corriger tel ou tel problème s’en trouvaient allongés. Mais Tambay détecta également « un manque de détermination ou de volonté » de la maison mère. « Il n’y avait pas de réelle stratégie ni de vraie volonté sportive affichée ». Comme si celle-ci ne se donnait pas tous les moyens pour vaincre. Cela sonne familier ?
Depuis l’extérieur, ce décalage était tout autant ressenti. Le journaliste britannique Denis Jenkinson, une des plumes majeures de la presse F1, énonça le diagnostic suivant en fin d’année 1984 pour Motorsport Magazine, lequel fait écho aux souvenirs de Tambay.
« La plupart des équipes ont une figure clé qui possèdent une autorité totale dans leur écurie respective. Brabham a Bernie Ecclestone, McLaren a Ron Dennis, Lotus avait Colin Chapman […] Chez Renault, il n’y a jamais eu de « Monsieur Renault », que ce soit sur les courses ou à l’usine. Il y a un directeur général mais ce n’est pas tout à fait la même chose : il peut partir et rejoindre une autre grande marque, ou il peut se retirer et confier sa tâche à quelqu’un d’autre. Ils n’ont pas d’épée de Damoclès au dessus de leur tête et vous avez besoin de ça en course automobile. Quand les choses tournent mal chez Ferrari, tout le monde s’attend à ce que le Vieil Homme [Enzo Ferrari] leur souffle dans les bronches. Chez Renault, il est plus probable qu’une réunion soit planifiée pour 15 heures »
Le journaliste-pilote José Rosinski résuma lui la chose ainsi dans l’annuel Autocourse « En 1984, plus que jamais, l’équipe Renault donna l’impression de ne manquer de rien, si ce n’est de cohésion ». Comme un symbole, c’est en cette même saison que Renault sépara ses usines en deux, avec le bâtiment historique de Viry-Châtillon pour les moteurs, et un autre à quelques kilomètres de là pour la partie châssis.
Un pas en avant, deux en arrière
Une autre situation témoigna des tiraillements régnant dans l’organisme du géant Renault : le recrutement avorté de Niki Lauda. Le champion autrichien n’a jamais été pleinement à l’aise avec McLaren et se cherchait un dernier défi avant de définitivement raccrocher le casque… moyennant finances bien entendu. En théorie un constructeur comme Renault pouvait lui offrir un certain montant. Sauf que ce chiffre fort élevé, censé rester confidentiel, arriva aux oreilles des syndicats au même moment où la Régie avait entamé des procédures de licenciements dans certaines de ses usines, soit pas le meilleur timing. Refusant de s’attirer plus d’ennuis dans ce contexte de récession, Renault préféra annuler le transfert.
On comprit donc que le Losange n’allait pas délier les cordons de la bourse pour redresser son équipe, mais cette faille de confidentialité remettait aussi en question le sérieux de l’entreprise. C’est en tout cas ce que retint Lauda avec la prose concise qui le caractérisait : « Si les gens de Renault préparent leurs voitures comme ils gardent leurs transactions secrètes, il n’est pas étonnant qu’ils ne gagnent pas…»
Le dernier indice quant au détachement progressif de Renault envers la Formule 1 intervint sous la forme de la démission de son directeur général Gérard Larrousse. Présent depuis les origines du projet, le dirigeant avait saisi qu’il ne pouvait plus lutter contre des moulins à vent et rejoignit Ligier, accompagné du directeur technique Michel Têtu. Et bien entendu, au lieu de remplacer ce manager expérimenté par un homme du sérail, Renault choisit de continuer dans sa logique d’entreprise et promut un cadre interne, le dénommé Gérard Toth, issu du département Recherche et Développement. Sa méconnaissance totale du sport automobile ne semblait pas être un problème pour le constructeur.
Ainsi au moment d’aborder 1985, il était évident qu’il ne fallait pas attendre un quelconque retour en force de la part de Renault. Les premiers tours de roue d’une RE60 prête très tardivement enterrèrent les derniers espoirs de Warwick et Tambay lorsqu’ils réalisèrent des chronos trois secondes plus lents qu’avec le précédent modèle. Le départ de Michel Tétu n’avait guère été compensé par la nouvelle hiérarchie en place, Gérard Toth refusant tout net de recruter un ingénieur de renom chez la concurrence pour corriger le tir. Là encore, Renault choisit la promotion interne à partir de son département de voitures de route. D’où un « On est dans la merde !» en chœur de Tambay et Warwick à leur retour aux stands…
La suite du week-end fut un bon résumé de la saison à venir. Les deux Renault se qualifièrent à plus de deux secondes du meilleur temps – dixième et onzième – et Tambay finit cinquième à deux tours du vainqueur, leur ancien leader Alain Prost. Warwick fut lui retardé pour un changement de bougies sur son nouveau moteur EF15. Comme si cela ne suffisait pas, l’équipe ne prit même pas la peine de changer ses pneus durant cet arrêt, d’où un nouveau passage aux stands !
La presse britannique fit feu de tout bois de cette performance. Dans son contre-rendu du Grand Prix, Alan Henry fustigea la proportion du constructeur à sous-exploiter les talents impliqués dans le projet [sous-entendu : leur grand espoir Warwick] et prédit une courte carrière pour Toth à la tête de celui-ci, si les résultats de Rio étaient le résultat de son influence. Sans parler d’une atmosphère tendue et pesante, comme si l’équipe se doutait de son futur destin. Et pour cause.
Actions directes de Renault
En 1984, Renault connut le plus grand déficit de son histoire, estimé à 12,6 milliards de francs, soit un peu plus de 4 milliards d’euros en 2024 avec l’inflation. Toujours entreprise d’État à cette époque (la privatisation intervint en 1996), la Régie devait directement répondre au gouvernement. Son PDG Bernard Hanon, pourtant renouvelé en mai 1984, en fit ainsi les frais avec une délicatesse digne de certains dirigeants en Formule 1 : les responsables du syndicat CGT ainsi qu’un journaliste reçurent la nouvelle de son licenciement avant le principal intéressé !
A sa place fut placé Georges Besse, grand capitaine d’industrie, avec la mission de ramener les comptes de l’entreprise dans le vert. Toute dépense jugée comme superflue devait être supprimée. Ainsi, différents programmes annexes de Renault prirent subitement fin. Renix, sa filiale électronique – qui coûta bon nombre de victoires à Prost en 1982 par ailleurs – fut dissoute sans état d’âme.
Même pragmatisme sauvage pour son équipe cycliste Renault-Elf-Gitanes, liquidée au lendemain du Tour de France. Alors qu’Elf devait être prévenu d’une telle décision trois mois à l’avance, le pétrolier se retrouva devant le fait accompli à peine une heure avant son officialisation. Un de ses représentants lâcha une phrase lourde de sens en réaction : « C’est effrayant, Renault n’a plus la volonté de se battre ».
Le programme F1 avait donc de bonnes chances d’être la prochaine victime de cette tendance au vu de son insuccès chronique et de sa régression par rapport à 1984. De quatre qualifications hors du Top 10, Renault passa à dix-sept occurrences, et ne se plaça jamais mieux que sixième sur la grille de départ. Le nombre de podiums fut réduit à deux et encore, Patrick Tambay hérita de la dernière marche à Imola suite à la disqualification d’Alain Prost pour poids non conforme, sans compter moult pannes d’essence dans les derniers tours. A la régulière, Tambay n’était que huitième avant le début des pénuries de carburant.
Face à cette déchéance, l’équipe n’allait pas pouvoir donner son plein potentiel mentalement, ce qui allait, fatalement, aggraver la situation et nourrir le cercle vicieux. Les pilotes se partageaient entre résignation et fatalisme. En 1984, Warwick peinait à se contenter des places d’honneur, au point d’enguirlander son patron Gérard Larrousse quand celui-ci le félicita pour une quatrième position à Imola loin de ses attentes d’origine. Douze mois plus tard, il parvint à savourer ses meilleurs résultats de la saison 1985 : une cinquième place à Monaco et à Silverstone, A titre de comparaison, Warwick monta jusqu’à la quatrième place avec sa modeste Toleman en 1983.
Maigre consolation, Tambay et Warwick évitèrent de se déchirer mutuellement malgré ce contexte toxique et maintinrent tout au long de leur collaboration une très bonne entente. Derek considère même Patrick comme le meilleur équipier de sa carrière car le plus honnête, dépourvu de tout sens politique.
Sauver les apparences ?
Ces faibles performances étaient le prétexte idéal pour que Besse et les autres cadres de la Régie apportent le coup de grâce. En visite durant le Grand Prix de France, le président s’entretint aussi bien avec Elf qu’avec divers collaborateurs durant diverses réunions, certains ne cachant guère leur hostilité envers le projet F1. Or, selon Renaud de Laborderie dans son Livre d’Or annuel, le gouvernement même participa insidieusement à ce travail de sape en alimentant la machine à rumeurs quant au coût excessif de la Formule 1, bruits qui tombèrent dans les oreilles de concessionnaires en difficulté. Comme si la fuite du montant du salaire prévu pour Niki Lauda n’avait pas suffit. Le ver était donc déjà dans le fruit. «On a creusé la tombe tous ensemble » dira Patrick Tambay à Classic Courses.
Pour sauver les apparences, il s’agissait de dénicher un partenaire financier susceptible d’alléger l’investissement de la Régie. En pure perte. Elf refusa de combler le déficit à lui-seul, et les diverses agences de publicité ou de marketing sollicitées pour trouver le dit-partenaire s’opposèrent à la rémunération dérisoire proposée par Renault pour la démarche. Le grand groupe International Management Group (IMG) disposait pourtant d’un carnet d’adresses de 600 agents et d’une quarantaine de multinationales. Même son offre de financement du matériel de l’équipe à hauteur de 10 millions de dollars, avec la participation d’un sponsor secondaire, resta sans réponse.
En vérité, la décision finale était déjà prise. George Besse avait fixé l’échéance au 26 août, le lendemain du Grand Prix des Pays-Bas. Course où Patrick Tambay partit des stands et effectua une superbe remontée jusqu’au quatrième rang, avant de renoncer sur panne de transmission au bout de vingt-trois tours. C’était ce qu’avança l’équipe, mais certains peinaient à croire en la bonne foi du constructeur, si bien que le journaliste Denis Jenkinson (Motorsport Magazine) accompagna la cause de l’abandon d’un point d’interrogation sur le classement final, non sans préciser dans son résumé qu’il s’agissait de la raison officielle.
Plusieurs observateurs supputèrent que Tambay était en fait parti avec un demi-plein d’essence afin d’effectuer un dernier coup de pub, tactique répandue chez certaines équipes en détresse à cette époque, quoique déjà moins pour un grand constructeur qui jouait le titre mondial deux ans plus tôt. C’est dire à quel point Renault n’inspirait plus confiance.
Reculer pour mieux...reculer
Mais ceci n’avait plus d’importance le jour suivant. Renault officialisa bel et bien la liquidation de l’équipe de Formule 1, qui serait effective après le dernier Grand Prix de la saison. George Besse mit en avant la nécessité de redresser la situation économique du constructeur et prétendit que les performances n’avaient eu aucun impact. Bien entendu, les personnalités du sport auto plus ou moins impliquées dans le projet contestèrent cette décision.
Certes, Renault avait urgemment besoin d’effectuer certaines économies, et les performances décevantes du programme F1 ne pouvaient être niées. Mais l’étroitesse de la vision choisie par les instances dirigeantes n’avait pas échappé à certains. Déjà à l’époque, la simple présence d’une marque en Formule 1 représentait un bénéfice en terme de visibilité et de publicité à l’échelle mondiale, de quoi compenser à long terme le coût de l’investissement. Un aspect que Derek Warwick mit en avant dans les journaux britanniques peu après l’annonce du retrait.
Aussi, Renault faisait office de pionnier sur cet aspect puisqu’avec le succès du turbo, BMW, Honda et Porsche (via TAG) s’invitèrent à leur tour en Formule 1 pour tirer les marrons du feu. Ironie de l’histoire : le Grand Prix des Pays-Bas 1985, celui qui précédait la nouvelle fatidique de la Régie, était le premier à compter une liste d’engagés composée uniquement de moteurs turbos, après que Tyrrell ait équipé ses deux monoplaces du bloc Renault. Ce même moteur turbo généralisé par le Losange. Le timing sonnait ainsi faux dans ce contexte.
Enfin, Renault collaborait avec des entités britanniques telles que Lotus et Tyrrell, de quoi agrandir sa notoriété de l’autre côté de la Manche. Comme le fit malicieusement remarquer Renaud de Laborderie, la Régie améliora ses chiffres de vente de 22 % de 1984 à 1985 en Grande-Bretagne. On pouvait supposer un certain lien de cause à effet, en plus d’aligner un pilote britannique (Derek Warwick) dans leurs rangs. Un retrait complet paraissait donc presque aussi risqué.
George Besse accepta ainsi de poursuivre le développement du moteur turbo auprès de ses clients pour 1986… avant de se raviser douze mois plus tard, lorsque le contexte devint moins favorable. La FISA cherchait à progressivement enterrer le moteur turbo pour raison de sécurité, ce qui persuada Tyrrell de revenir au moteur atmosphérique dès 1987. Ligier, frustré par le montant des factures estampillées du Losange, se lia avec Alfa Romeo. Restait Lotus, qui leur préféra Honda, devenu le moteur à battre. Faute de partenaire de valeur, et après des négociations avortées avec McLaren, Renault se retira de toute présence en Formule 1.
Détours et détournements
La saison 1985 ne connut aucune fin honorable pour Renault. Au cours des quatre dernières épreuves suivant l’annonce de son retrait (Kyalami fut boycotté pour protester contre l’apartheid) l’équipe ne marqua qu’un point à Spa Francorchamps. La dernière manche sur le nouveau circuit d’Adélaïde en Australie se conclut par un double abandon mécanique, quand Ligier parvint à accrocher un double podium. Dix points qui permettaient à Gérard Larrousse et Michel Tétu de devancer leur ancien employeur au classement final ! Renault finit septième avec seize points, son plus mauvais résultat depuis 1978 où seul Jean-Pierre Jabouille était engagé.
La RE60, ainsi que sa version B qui prit sa suite à mi-saison, ne laissa guère de bon souvenirs à ses pilotes, au point d’avoir été renommée la « remorqueuse de l’année » par ces derniers ! Elle connut pourtant une seconde vie en 1986 lorsqu’un certain nombre de pièces furent rachetées par le petit artisan AGS (Automobiles Gonfaronaises Sportives). Celui-ci débuta en courant de saison avec une JH21 reprenant beaucoup du dernier châssis Renault.
La Régie laissa quelques autres morceaux d'héritage non négligeables à son sport. Lors du Grand Prix d'Allemagne, Renault aligna une troisième voiture pilotée par François Hesnault équipée d'une caméra embarquée. Si le dispositif fut précédemment testé moult fois par le sport ou le cinéma (le film Grand Prix de 1967 reste avant-gardiste en la matière), c'était la première fois que des images embarquées furent utilisées pour la retransmission de la course. Cela reste aussi à ce jour le dernier engagement d'une troisième monoplace en course pour une équipe.
D'un point de vue technique, Renault apporta un boîtier électronique d'acquisitions de données, lequel enregistrait les températures d'eau et d'huile, la pression des pneus ou encore le régime moteur. L'année suivante, le constructeur introduisit le rappel pneumatique des soupapes. Deux dispositifs qui se sont rapidement généralisés par la suite, tel le moteur turbo.
Hélas, un autre épilogue moins honorable accompagna ce retrait. Au moment de rejoindre l’Australie, Renault avait déjà perdu son directeur général. Le controversé Gérard Toth avait démissionné, sans jamais n’avoir convaincu qui que ce soit en interne comme en externe. On en vint à supposer que Toth avait moins agi en patron d’écurie et davantage en fossoyeur d’un projet dont plus personne ne voulait dans les hautes sphères. Là encore, toute ressemblance avec une situation récente serait purement fortuite, quand bien même la Formule 1 est passée maître dans l’art du comique de répétition...
En tout cas, son départ provoqua bien plus de joie que de tristesse au sein même de l’équipe. Le technocrate ne fit plus parler de lui jusqu’en décembre 1986 où il fut inculpé pour abus de biens sociaux. Toth avait détourné 200 000 dollars fournis par Tyrrell pour payer ses moteurs Renault, lesquels étaient réglés « au coup par coup », après chaque Grand Prix. Une nouvelle plus confidentielle car survenant très peu de temps après une autre news bien plus relayée : l’assassinat du PDG George Besse par le groupe terroriste Action Directe.
Besse eut cependant le temps de valider une cellule de veille qui maintint les ingénieurs actifs. Comme si Renault savait en son for intérieur que cette absence n’était que provisoire, le temps de calmer les détracteurs du projet et retrouver une certaine stabilité financière. "Je savais que notre retrait était plus dû à la conjoncture économique qu'à un sentiment d'échec ou de ras-le-bol" dira plus tard Bernard Dudot, directeur technique de Renault Sport. Dès 1988, un moteur V10 atmosphérique en conformité avec la future ère post-turbo était prêt et Williams devint rapidement le premier interlocuteur. On connaît la suite, la période la plus glorieuse de l’histoire du Losange en Formule 1.