Dans son entretien avec Adam Parr, Total Competition, Lessons in strategy from Formula One, Ross Brawn revient sur sa carrière. Par petite touche, l'anglais parle de sa période Benetton, et de sa B194, objet de tourments multiples cette année 1994. L'occasion de revenir sur cette quête du premier titre mondiale de Benetton et de son pilote, Michael Schumacher.

Un fond plat qui fait des siennes

Pour casser l'effet de sol, la FIA impose une planche en bois de 10 mm sous les voitures avec une usure tolérée de 1 mm. Ross Brawn se souvient de l'incident.

« En 1994 quand le fond plat a été introduit pour la première fois sous la monoplace pour limité la hauteur minimum, le règlement indiquait qu'il devait faire 10 mm d'épaisseur et qu'il ne pouvait faire moins de 9 mm mais, si le fond plat est endommagé, vous ne le mesurez plus, vous le pesez et aussi longtemps que son poids correspond à 90% de son poids original, c'est bon.

À Spa nous avions incliné le fond plat un peu trop sur l'avant, mais nous l'avons aussi abîme, il était considérablement endommagé. Michael a roulé sur des vibreurs et a abîme le fond plat. Donc nous avons dit 'c'est endommagé et par conséquent vous devez le peser. C'est ce que la règle dit. Si le fond plat est abîmé vous ne le mesurez plus, vous le pesez'. Et la FIA a dit 'Non nous ferons les deux'. Et nous avons perdu ».

Pour la FIA, les traces de l'accident, bien visibles, concernaient la partie arrière de la planche. Or l'usure excessive était à l'avant. Tous les essais s'étant effectués sous la pluie, le réglage des voitures pour la course, sur piste sèche était un peu plus aléatoire. Et la B194 avait une hauteur de caisse 1 mm trop basse. Probablement comme plusieurs autres monoplaces. Mais le hasard désignait la #5 au contrôle. Et malgré une bataille entre l'équipe et la FIA, elle fut disqualifiée. La même usure fut constatée sur la Ligier Renault #25 d'Eric Bernard lors du Grand Prix d'Italie. Mais il ne fut pas éliminé du classement.

Le titre pour Benetton malgré l'incendie

Le quatrième point qui fut reproché à Benetton, après la gestion électronique, l'affaire du drapeau noir, et celle de la planche de Spa, fut tout autant sujet à débats : l'incendie de la Benetton #6 de Jos Verstappen à Hockenheim. La FIA viendra 3 jours après le Grand Prix inspecter le matériel de ravitaillement à l'usine Benetton. Le constat est clair, l'équipe à retiré un filtre. Ceci permettant au passage de gagner environ ½ seconde sur un ravitaillement.

La défense de Benetton est simple.Charlie Whiting, alors délégué technique FIA, lui en a donné l'autorisation. La firme française construisant ces pompes, Intertechnique de Saint-Etienne, aurait un doute sur l'étanchéité. La FIA persiste à désigner l'enlèvement comme la cause de l'incendie. Et avance qu'en l'absence d'accord écrit d'Intertechnique, l’équipe est en tort.

Plusieurs points sont à soulever :

  • Plusieurs équipes avaient retirées ce filtre (10 équipes sur 14). Aucune autre n'a été contrôlée ou mise en cause.
  • Intertechnique a modifié ses pompes suite à l'incident. Or, selon la FIA le matériel n'était pas en cause.
  • Si Benetton n'était pas de bonne foi, pourquoi n'ont-ils pas remis les filtres avant l'inspection?

Alors que la FIA prépare sa sanction contre le méchant Benetton, le soufflet retombe. L'équipe Larrousse met en avant un document officiel signé d'Intertechnique datant de plusieurs mois. Ce document autorise les équipes à retirer le filtre.

L’énonciation des faits ci-dessus ne disculpe en rien Benetton avec en tête Flavio Briatore. Le sulfureux patron italien gagna en 1994 son titre, largement confirmé par la suite, de roi de la bidouille. Mais il fort est de constater que Benetton fut la cible privilégiée de la FIA en 1994. Au nom du spectacle et de la politique. Car beaucoup d'autres équipes se rendirent alors coupables des mêmes infractions, sans sanctions.

Les condamnations étaient probablement exagérées et discutables dans leurs applications. La conclusion revient elle-aussi à Alain Prost qui disait, au soir de ce dernier Grand Prix « Le titre pilote à Schumacher, le titre constructeur à Williams, on peut dire que la morale est sauve ».

Article de Fabien Arnaud