Bonjour Antoine, merci de nous accorder cette interview. Depuis 2008, vous êtes la voix sur les circuits de F1 pour la radio RMC. Pouvez-vous vous présenter pour les personnes qui ne vous connaissent pas?

Depuis 2008, avec Jean-Luc Roy et Patrick Tambay, on commente tous les Grands Prix. J'ai la chance d'être sur place. Au début, j'étais sur place mais je ne commentais pas puisqu'il y avait Stephane Samson qui était avec moi et qui commentait. La première année et demi, j'étais dans le paddock et je faisais les interviews. Je suis arrivé sur RMC en 2008 mais j'ai commencé la F1 en 2010. A mon arrivée en 2008, je faisais un peu tous les sports mais pas la F1 puisqu'il y avait quelqu'un qui s'en occupait. Progressivement, Julien Febreau est parti sur Europe 1 à l'époque et il s'est trouvé que la place à un moment donné était disponible et on me l'a proposé.

D'où vous est venue cette passion pour le sport mécanique et plus particulièrement la F1?

J'ai toujours suivi la F1 mais pour être honnête, ça a été plus un concours de circonstance mon arrivée en F1 parce que je n'étais pas arrivé à RMC en me disant "je vais faire la Formule 1 », vu qu'on fait beaucoup de sports, qu'il y avait beaucoup de choses possibles. La F1, c'est venu progressivement. C'est presque assez récent puisque je m'y intéresse d'aussi près que depuis que je suis arrivé à RMC.
L'une de mes missions au départ était de m'occuper de la F1 où j'assurais la production depuis Paris (tout préparer, être en relation avec les gens sur le terrain et Jean-Luc et Patrick à Paris). J'ai fait ce travail pendant 2 ans. C'est ça qui m'a fait mieux connaître la F1 mais après, j'ai toujours suivi comme beaucoup mais être dedans, c'est assez récent.

Comment avez-vous été sélectionné par RMC pour remplacer Stéphane Samson en 2010?

J'ai travaillé avec Stéphane une petite saison puisqu'il est parti en cours de cette dernière. En fait, il y a eu une saison entre Julien Febreau qui est parti et ensuite il y a eu Guillaume Navarro et Stéphane Samson qui étaient sur place. Ils ont fait une saison tous les deux. Après Guillaume a quitté RMC et je l'ai remplacé à ce moment-là. J'étais au côté de Stéphane. Ils m'ont pris tout simplement parce que je travaillais déjà sur la F1 pour faire l'aspect production et pour mettre quelqu'un sur place, il fallait quelqu'un qui suivait l'actualité et tout ce qu'il se passait en Formule 1. Du coup, comme je connaissais très bien la F1 et je m'entendais très bien avec Jean-Luc Roy et Patrick Tambay puisque j'étais toujours à leurs contacts à la radio, tout le monde était d'accord pour que ce soit moi. Ça a été une petite surprise parce que je venais d'arriver à RMC. C'est un poste important. J'étais ravi. Je ne m'y attendais pas du tout. Je suis dans ma quatrième année à commenter la F1, seul sur place.

Comme je le disais, vous êtes arrivé en 2008, dans une époque en crise pour la radio avec le départ d'Alexandre Delpérier et Julien Fébreau pour Europe 1 Sports. Comment se sont passés vos premiers jours au sein de la station, dans ce climat assez difficile?

Je ne l'ai pas vraiment senti. Je suis arrivé pile au moment où ils sont partis. J'ai croisé Julien un peu, je me suis toujours bien entendu avec lui. Alexandre Delpérier, je l'ai très peu croisé parce que je suis arrivé au mois de juin, lui était en vacances et que c'est à ce moment-là où il est parti. L'ambiance a été assez bonne. Pour ces deux personnes là, je ne connaissais pas leur relation avec la direction de la radio comme je les ai connus assez peu quand je suis arrivé à RMC. Je ne sais pas comment s'est passé leur départ mais je n'ai pas vu de tension particulière. En plus, ils ont été remplacés assez vite et bien remplacés. Je ne suis pas sûr cela s'en soit senti dans la qualité de ce qui s'est fait sur RMC. En tout cas, côté audiences, leur départ ne s'est pas fait sentir. C'est pour cela qu'il n'y a pas eu de souci. Après, j'imagine que s'l y avait eu des répercutions, ça aurait été peut-être plus compliqué mais comme il n'y en a pas eu, l'ambiance est restée assez bonne.

Depuis vos débuts, vous êtes entouré de Jean-Luc Roy, ancien pilote et président de MotorsTV, et Patrick Tambay, ancien pilote avec 114 Grands Prix au compteur et 2 victoires. Cela a du être intimidant au départ d'être entouré de deux monstres de la course?

Oui, c'est sûr. Évidemment, ils connaissent ça par cœur. Jean-Luc, vous l'entendez sur RMC quand il commente ou lorsqu'il fait le Moscato Show, il est incollable sur les dates, sur les pilotes… Il connait ça par cœur parce qu'il a déjà fait ça pour Kiosque avec Canal+ il y a quelques années avec Patrick justement. Et puis, Patrick Tambay, c'est pareil, c'est commenté à côté de quelqu'un qui a roulé pour Ferrari, ce n'est quand même pas rien. Il a gagné 2 Grands Prix. Il connait ça par cœur. C'est aussi important de s'appuyer sur eux parce que moi, je suis sur les paddocks mais j'ai un commentaire assez journalistique. Je décris ce que je vois, j'essaye de faire vivre un petit peu la course parce que je suis sur place donc ça doit être l'apport que je dois donner aux auditeurs tandis que Patrick va avoir un regard technique que forcément, nous, on n'a pas. Il a des connaissances de quelqu'un qui a été au volant d'une Formule 1, même si ça a évolué depuis que lui a été pilote mais dans le ressenti que peut avoir un pilote et dans ce qu'il se passe dans une écurie, ça n'a pas forcément évolué. Il apporte tout ça, d'ailleurs, c'est assez impressionnant des fois quand on écoute, il arrive à avoir un regard assez technique et Jean-Luc, il a cette connaissance du sport automobile global qui fait que c'est pareil. Ce n'est pas évident ce qu'il fait de nous lancer comme ça Patrick et moi pendant 3 heures et à chaque fois, il n'y a jamais un blanc, c'est toujours très rythmé, c'est ce qu'il apporte. Pour répondre à votre question, oui, ça a été impressionnant surtout au début quand j'étais avec eux à Paris mais surtout c'est quelque chose qui te met en confiance aussi de savoir que tu vas travailler avec ces gens-là, qui ont une expérience qui est quand même assez importante.

Est-ce que vous auriez voulu travailler avec d'autres personnes de la F1, d'autres pilotes ou alors un autre commentateur?

Non, pas spécialement. Je ne me suis jamais posé cette question. Je n'ai pas de regret particulier. En même temps, je suis jeune! Je n'ai que 26 ans et les choses peuvent changer. Je pense qu'on est un bon trio et c'est deux là n'ont rien à envier à d'autres commentateurs donc non, pas spécialement.

En dehors de la F1, vous avez commenté les trois derniers Dakar. C'est une expérience totalement différente. Pouvez-vous nous raconter ces semaines de course, comment cela se passe pour vous sur place.

Comme vous le dîtes, ça n'a absolument rien à voir, parce que sur le Dakar, ce que l'on fait, on ne parle pas vraiment de la course puisqu'il n'y a plus énormément de grands pilotes et quelques amateurs, de moins en moins malheureusement et finalement, ça parle de moins en moins aux gens surtout que maintenant, c'est en Amérique du Sud. On essaye surtout de raconter des histoires sur le Dakar. On raconte comment les pilotes vivent dans le bivouac, on commente des petites histoires parce que parfois, il y a des histoires familiales (par exemple avec des pilotes et copilotes pères et fils). Il faut chercher des histoires donc ça n'a rien à voir. On ne parle pas du factuel, de ce qu'il se passe sur la course même si on en parle un petit peu mais ce n'est pas le plus important. Le plus important, c'est vraiment de montrer ce qu'il se passe dans les coulisses du Dakar parce qu'ils se passent tellement de choses qu'il y a pleins de choses à raconter. Sinon, une journée sur le Dakar, ça n'a rien à voir parce qu'il y a plein d'étapes et l'on fait des milliers des milliers de kilomètres. Nous, on le fait en avion ou en hélicoptère (90% des journalistes, les photographes le font en voiture). Le matin, très tôt, vers 4-5h du matin, on quitte le bivouac pour aller dans un aéroport et en avion, aller au bivouac suivant. On a un temps assez libre finalement pour attendre les pilotes. Alors, pour ma part, j'aime bien aller me balader un petit peu dans la région où l'on est, en ville par exemple car parfois, il y a des villes pas trop loin. C'est intéressant car comme ça, on peut prendre la température à l'endroit où l'on est. C'est plus sympa que de rester enfermé dans le bivouac. Après, il y a les premiers pilotes qui arrivent dans l'après-midi. Donc, là, il faut chercher en fonction des histoires que l'on veut raconter. On les cherche chacun un peu partout dans le bivouac pour faire des interviews. Nous, sur RMC, sur le Dakar, on a un rendez-vous dans le Moscato Show autour de 18h30 avec soit un invité en direct ou alors on raconte une petite histoire qui dure 2-3 minutes. C'est chaque jour et on rappelle évidemment tout ce qui est classement et les informations sportives. C'est ça pendant 3 semaines. Il faut aimer dormir sous la tente même si parfois, on peut avoir quelques hôtels qui ne sont pas loin.

On a pu aussi vous voir quelques fois à la télévision sur BFMTV en autre (chaîne du même groupe que RMC). La télé, c'est un univers où vous aimeriez aller un jour ou ça ne vous intéresse pas?

J'ai toujours préféré la radio, ça, c'est sûr. Je trouve qu'il y a quelque chose de plus sympa que la télé mais j'aime bien ça. La télé, j'en fais assez rarement parce qu'on est un sport qui nécessite des droits, que BFM n'a pas les moyens de se payer et puis ce n'est pas le rythme de diffuser des compétitions sportives. De temps en temps, c'est amusant. Je le fais aussi au téléphone quand il y a une actualité importante ou sur d'autres sports (de temps en temps sur du foot par exemple). Je suis bien à la radio parce que j'aime vraiment ça. Le commentaire à la radio, je trouve ça extrêmement rythmé, ça n'a rien à voir avec la télé. Je n'ai pas encore tout fait en radio pour me dire que je vais faire de la télé mais pourquoi pas un jour. Mais pour l'instant, je suis bien là où je suis.
Ce qui est sympa en plus, c'est qu'on est dans un groupe (NextgenTV) où on a les moyens de faire tout puisque RMC fournit tout le sport pour BFM. C'est un avantage important qu'on a, de pouvoir tout faire. Je fais beaucoup de radio et de temps en temps, je fais un peu de télé sur BFM. C'est plutôt sympa.

Canal + a racheté les droits de la F1. Est-ce une bonne chose pour ce sport qui a connu une baisse des audiences ces dernières années?

Si je me mets dans le rôle du journaliste de RMC, forcément, c'est une bonne chose. Quand vous aviez 2.5 millions de téléspectateurs sur TF1, avec Canal, on est entre 900 000 et un million quand ça se passe bien donc pour nous, ça nous ramène des auditeurs. Même si les gens regardaient machinalement la F1 en déjeunant le dimanche après-midi, il y en a quand même qui était des vrais passionnés. Pour nous, ça nous a ramené beaucoup d'auditeurs, d'autant qu'il y a des chaînes accessibles pour tous qui diffusent gratuitement la Formule 1 (RTL en Allemagne, Sky en Italie) ou alors en payant 5 ou 6 euros par mois, ce qui n'a rien à voir avec un abonnement à Canal +. Nous avons souvent des retours de gens qui disent "nous mettons RTL Allemagne et on écoute RMC pour avoir le commentaire." Après, c'est important que la F1 marche.

Il n'y a pas du tout de guerre entre Canal + et RMC. Je m'entends très bien avec toutes les équipes de Canal sur place. On travaille toujours les uns à côté des autres et ensemble. Ce sont des gens qui connaissent extrêmement bien la Formule 1, ce sont des vrais passionnés. Julien, qu'on ne présente plus et Jacques Villeneuve qui est un excellent consultant. Il n'y a pas du tout de guerre ou de concurrence entre nous. Ça se passe très bien. Ils font bien le travail donc quelque part, c'est bien aussi que les passionnés de F1 voient la Formule 1 avec une couverture de qualité. Je ne peux pas regarder ce qu'ils font mais beaucoup de gens qui regardent me disent que c'est très bien. C'est important pour eux qu'ils fassent bien le travail pour garder de l'intérêt sur la F1 et puis quelque part, c'est bien aussi pour nous parce qu'on arrive à gagner quelques auditeurs en plus

Le service des sports de Canal + vous a contacté pour rejoindre leur équipe?

Non, pas du tout. Je ne les ai pas spécialement contactés non plus. Ils ont pris des gens très expérimentés. Thomas Sénécal qui est le rédacteur en chef, qui a travaillé sur Auto-Moto. Il est dans le groupe depuis pas mal de temps, notamment sur Infosport où il s'occupait du Rallye. C'est quelqu'un qui connait par cœur ce milieu là et Julien, il connait ça. Il a baigné dedans tout petit puisque son père est pilote. C'est quelque chose d'extrêmement bien pour Canal +.

En dehors des courses, quelles sont vos activités?

Mes activités professionnelles me prennent déjà beaucoup de temps. Je passe beaucoup de temps sur la F1. On est à la veille du Grand Prix de Singapour et je pars demain midi (l'interview a été réalisé le lundi 16 septembre) et je rentrerai mardi. Après, je reste une petite semaine avant de repartir pour 15 jours pour la Corée et le Japon. Donc, ces derniers mois vont être très chargés, jusqu'à fin novembre en tout cas. Ensuite, si je peux faire d'autres sports… Je peux faire du foot, des reportages sur d'autres sports comme le rugby, le handball... Enfin un peu tous les sports que RMC couvre. Je ne suis pas cantonné aux sports automobiles et surtout pas à la F1 parce que même le Rallye, je n'ai pas le temps de m'y en occuper puisque là, par exemple, je vais rater le Rallye de France. Donc ça prend une grosse partie de mon travail la F1.

Suivez-vous d'autres championnats de sports mécaniques?

Je suis le Rallye. Après c'est très difficile. Je ne suis pas tout. Je suis de loin mais je ne suis pas incollable sur les autres championnats. Je suis le DTM parce qu'il y a Adrien Tambay, le fils de Patrick, que je connais bien; le Rallye parce qu'on le suit beaucoup avec notre envoyé spécial Eric Briquet qui est sur place et ponctuellement avec d'autres journalistes de la station. Je suis aussi toutes les courses de support de la F1 puisque je suis sur place et que c'est important de regarder ce qu'il se passe au niveau du GP2 avec les pilotes français parce qu'on a deux très bons pilotes français même si on n'en parle pas beaucoup. C'est Tom Dillmann qui est excellent mais qui, malheureusement, n'a pas l'appui financier que peuvent avoir d'autres pilotes et Nathanael Berthon qui est quelqu'un de très sympathique. Et puis, aussi, tout ce qui est le World Series by Renault 3.5 où il y a souvent des pilotes talentueux qui arrivent sur la F1. Donc c'est important de suivre ces deux dernières compétitions parce que ça nous aide aussi à connaître les pilotes quand ils arrivent en F1. Souvent, c'est cette trajectoire qu'ils prennent. Pour le reste, j'ai quelques lacunes.

Quel est l'anecdote qui vous a le plus marqué durant vos années de radio?

C'est une bonne question. Si on compare la F1 aux autres sports que je peux suivre ponctuellement, il y a un truc très marquant, de manière générale, c'est le paddock. Le paddock en F1 est quelque chose d'assez incroyable qu'on ne trouve pas dans les autres sports. On est en permanence au milieu de tous les autres pilotes, de tous les ingénieurs, de tous les patrons d'écuries... On vit vraiment dans le même espace et ça, c'est extrêmement rare dans les autres sports. En général, il y a une zone mixte, une zone d'interviews où c'est le seul moment où l'on peut voir les pilotes. On ne peut pas leur demander grand-chose de très orignal, on ne peut pas discuter avec eux. Là, c'est différent, on peut, comme ça, croiser un pilote. Nous, évidemment, on connait mieux les pilotes français mais c'est extrêmement rare et c'est quelque chose qui est marquant quand on arrive en F1. Bien sûr, il y a des zones pour eux comme les garages ou les chambres de pilote (l'endroit où ils se reposent). Mais il y a quand même ce côté de proximité avec les équipes qu'on ne retrouve pas ailleurs.

Durant votre jeune carrière, vous avez connu 50 pilotes, dont 5 français. Quels sont les pilotes qui vous ont le plus marqué?

Je vais citer tout d'abord Kimi Räikkönen. Je ne le connais pas du tout. J'ai fait une interview de lui en début de saison. Mais c'est quand même quelqu'un qui est assez fascinant parce que c'est quelqu'un de renfermé, qui parle très peu, qui n'a aucune communication, on ne sait jamais ce qu'il pense… Il n'est pas très sympathique, il faut quand même le dire et pourtant, c'est quelqu'un qui a un nombre de fans incroyable. C'est un des pilotes les plus populaires en F1, il n'y a qu'à voir dans les tribunes. Évidemment, c'est lié à son premier passage chez Ferrari puisque tous pilotes Ferrari devient une idole pour les tous les fans de Formule 1. Mais, il a quelque chose d'incroyable, c'est d'avoir autant de fans alors que c'est quelqu'un d'assez peu sympathique. On le voit quand il signe des autographes, il le fait vraiment parce qu'il est obligé, sans aucun sourire et avec assez peu d'entrain. C'est quand même quelqu'un d'assez fascinant mais je n'ai rien contre lui. Je ne vais pas dire qu'il est sympathique parce que je ne le connais pas mais il est ce qu'il est et faut le prendre comme ça.

Après, si on parle des pilotes français, on a de la chance, on a 4 pilotes qui sont très sympathiques et en plus ils sont très bons chacun à leur niveau parce qu'évidemment, quand on est chez Marussia ou Caterham, on ne peut pas montrer grand-chose même s'ils arrivent à le faire ponctuellement. Et puis, Jean-Eric et Romain sont des pilotes qui sont très doués. Malheureusement, Jean-Eric n'aura pas le volant chez Red Bull mais peut-être qu'il l'aura dans le futur. Romain Grosjean, alors lui, même si c'est en train de changer. Lorsqu'il a fait son retour en F1, il y avait quelques critiques, quelques moqueries notamment l'année dernière lorsqu'il a fait ses petites erreurs et finalement, lui aussi, il a un fort caractère et c'est très important parce que quand il s'est fait "allumer" comme ça, tout le temps, il a su rester droit et faire abstraction de tout ça. Il a certainement été assez bien entouré aussi et maintenant, il s'en est complètement sorti. Ça aussi, c'est assez fort de sa part d'avoir réussi comme ça à faire complètement abstraction alors que l'année dernière, il en a quand même pris "plein la gueule". Il a une force de caractère qui est importante.

Avez-vous des amis pilotes?

Non, je n'ai pas spécialement d'amis pilotes. Après, je peux être assez proche de certains pilotes mais on va dire que j'essaye de rester le plus objectif possible dans le commentaire. Je m'entends très bien avec les français. Je connais pas mal Romain parce qu'on travaille ensemble sur RMC. Romain est membre de la dream team de RMC. Il est consultant chez nous donc on l'a un peu toutes les semaines. À chaque fois qu'il fait le Moscato Show ou qu'il fait d'autres interventions sur RMC, je suis tout le temps avec lui parce que je suis obligé, techniquement, de le mettre à l'antenne. Ça nous a peut-être un petit peu rapproché. Je le connais un peu mieux que les autres. Et puis je suis assez proche de Sebastien Buemi, 3e pilote Red Bull parce qu'on a un peu le même âge et que ça nous arrive de nous voir durant les Grands Prix. Les autres pilotes français, je les connais très bien. Après les pilotes étrangers, chaque nationalité a son pilote et on a tendance à se rapprocher un petit peu plus des personnes qui parlent notre langue, avec qui on peut avoir des mêmes centres d'intérêts et vivent dans le même pays.

Que pensez-vous de cette saison de F1 (sans langue de bois bien entendu)?

Elle est intéressante mais elle est en train de perdre de l'intérêt. Elle a été intéressante parce qu'honnêtement, on a eu des belles courses, certaines ont été un peu moins intéressantes. Je pense à Spa cette année. C'est un Grand Prix mythique, attendu par tous les fans mais cette année, il faut le dire, c'était un peu barbant à voir comme Grand Prix. C'est même assez rare que même en commentant, on trouve ça barbant parce qu'on a toujours des choses à dire mais celui-là, pour le coup, ça l'était un petit peu. Après, il y a eu de très beau Grand Prix. Il ne faudrait pas que Sebastian Vettel, et c'est un peu la tendance sur les deux dernières courses, puisse comme ça s'échapper parce que quand on voit l'écart à la fin de la course, il est de 3 ou 4 secondes en Italie, de 17 à Spa. Ça ne veut pas dire grand-chose en fait parce qu'il pourrait être bien plus loin. Mais ses ingénieurs lui disent dans le casque "mets-toi à tant du pilote derrière toi » suivant ce qu'ils vont faire, s'il va faire un arrêt de plus ou pas. Il gère en permanence en fait. Souvent, il arrête de gérer sur les 3 derniers tours où il peut commencer à dérouler. Même pour lui, je suis sûr que c'est un peu frustrant parce qu'il est en gestion permanente. Souvent, on le voit à la fin du Grand Prix, il commence à tout lâcher pour aller chercher le meilleur tour. Bon, maintenant, il s'est un peu calmé parce qu'on lui a beaucoup dit dans l'équipe qu'il fallait qu'il fasse attention à ça et qu'il n'aille pas toujours chercher le maximum, ce serait vraiment dommage pour lui d'abandonner sur une casse ou sur une petite erreur de pilotage, ce qu'il n'arrive pas pour le moment. Donc, c'est vrai que la saison est intéressante, il y a de belles choses à voir, de belles bagarres, mais maintenant, on commence à trop voir Sebastian Vettel. C'est un très bon pilote, il a une très bonne voiture, il le mérite complètement parce que c'est quelqu'un qui est très impressionnant mais, pour l'intérêt, pour le spectacle, il ne faudrait pas qu'on retombe dans les années Schumacher.

L'avantage pour le spectacle, c'est qu'on arrive à une fin de cycle puisqu'on va arriver la saison prochaine avec un changement radical au niveau du règlement, avec les nouveaux moteurs mais ça va entraîner beaucoup de changement sur la conception de la voiture. On va presque redistribuer les cartes en F1 donc ça peut être intéressant à suivre. C'est un nouveau départ et on voit bien ce que Ferrari en embauchant Kimi Räikkönen au côté de Fernando Alonso. C'est vraiment pour mettre des pilotes d'expériences dans une nouvelle voiture, avec un nouveau moteur. Ils en auront besoin. Ils n'ont plus de titre depuis 2008. Peut-être ils auront du mal à être champion individuellement parce qu'ils vont se partager les points mais en tout cas Ferrari a la chance d'être un grand rival pour Red Bull pour le titre de champion constructeurs et ils en ont bien besoin.

Le futur duo de Ferrari, Alonso-Räikkönen, c'est le bon choix pour la Scuderia?

C'est un bon choix pour moi parce que ça va être sympa à commenter. Ce sont deux pilotes à fort caractère. Les deux sont différents parce que Kimi Räikkönen, je ne suis pas sûr qu'il soit difficile à vivre dans une équipe tellement il est réservé, tellement dans son coin que je ne suis pas sûr qu'il aille au clash s'il y a des soucis. Par contre, sur la piste, ça va être quelque chose d'intéressant parce qu'aucun des deux ne va se laisser dicter sa conduite et ce qu'il doit faire par rapport à son coéquipier. Donc forcément, on va avoir des situations très intéressantes entre les deux mais ce sont de très bons pilotes, ça m'étonnerait qu'ils aillent s'accrocher. Mais, par contre pour moi, c'est une très judicieuse solution qu'a pris Ferrari. C'est la meilleure solution parce que, comme je l'ai dit, en individuel, ça va être difficile au championnat pilotes parce que s'il ne favorise pas l'un des deux pilotes, ça va être compliqué d'aller chercher le titre. Il le sait très bien Fernando Alonso. C'est pour ça qu'il ne voulait pas entendre parler de l'arrivée de Kimi Räikkönen. Finalement, il va devoir faire avec, en tout cas, s'il reste chez Ferrari mais à priori, c'est ce qu'il va faire. Pour lui, ça va être très compliqué d'être champion mais Luca di Montezemolo a toujours dit "la marque passe avant les états d'âmes des pilotes" et c'est ce qu'il a montré en prenant Kimi Räikkönen. Ce sont deux pilotes qui vont amener des gros points en permanence et ça va permettre à Ferrari très certainement d'être un très grand rival à Red Bull pour avoir le titre constructeur. Ils ont besoin d'un titre. Räikkönen, il n'a pas signé pour longtemps. On parle de deux ans, d'autres disent un an avec une année en option. C'est une bonne chose pour Jules Bianchi qui fait parti de la filière des jeunes pilotes de Ferrari, qui est chez Marussia actuellement, qui va avoir le temps de faire ses gammes là où il est ou dans une autre équipe plus huppée la saison prochaine ou la saison d'après pour ensuite arriver chez Ferrari. Ferrari a besoin de mettre un jeune pilote comme l'a fait Red Bull et il croit beaucoup en Jules Bianchi donc c'est très bien. Räikkönen est un pilote "âgé", en tout cas, il est plutôt sur sa fin de carrière que sur le début. S'il prenne Räikkönen un an ou deux, ça laisse la place derrière pour un très jeune pilote, en plus français, pour arriver. Pour moi, c'est la meilleure solution que pouvait prendre Ferrari, plus que de prendre Nico Hulkenberg.

Est-ce que, selon vous, Stefano Domenicali aura les épaules pour gérer un tel duo?

Oui. Stefano Domenicali, c'est vrai qu'il parait un petit peu plus simple parce qu'il n'a pas une main de fer pour diriger cette équipe mais, il le fera sans trop de difficulté et on l'a vu cette saison, dès que ça commence à partir de travers, il y a Luca di Montezemolo qui n'est pas loin pour remettre en place tout le monde comme il l'a fait avec Fernando Alonso récemment. Ferrari, il y a le grand patron qui sera toujours là pour remettre tout le monde en place. Bien évidemment, Stefano Domenicali, ce n'est pas Jean Todt. Jean Todt, c'était vraiment le vrai patron, il avait les épaules et encore, quand on le voit à la FIA, il dirige ça vraiment d'une manière très forte. Ce n'est pas du tout le même personnage. Stefano Domenicali est peut-être aussi plus abordable mais ce n'est pas pour ça qu'il n'est pas doué. Il connait aussi Ferrari par cœur, c'est Jean Todt qui l'a installé donc il sait très bien diriger cette équipe. Il n'aura pas de souci, c'est lui le patron, c'est lui qui décide.

Parlons de nos français en 2014. Romain Grosjean n'est pas encore sûr chez Lotus, Jean-Eric Vergne pilotera à nouveau pour Toro Rosso, Charles Pic restera chez Caterham et Jules Bianchi sera dans une équipe motorisée Ferrari. Quel est votre ressenti sur chacun d'entre eux?

Aucun, à part Jean-Eric à qui on a dit qu'il resterait la saison prochaine, n'a de contrat pour la saison prochaine. Je pense que les quatre devraient rester car chacun ont des atouts. Pour Romain Grosjean, son avantage, c'est le départ de son coéquipier parce que je ne pense pas que Lotus changera les deux pilotes. Après, il doit faire les 7 prochains Grands Prix sans erreur. Comme l'a dit Eric Boullier la semaine dernière sur RMC, Romain Grosjean doit montrer qu'il pouvait être le leader de l'équipe pour remplacer Räikkönen. Donc, ce n'est pas rien et ça montre qu'on attend beaucoup de lui et que son avenir n'est pas menacé pour le moment. Il faut qu'il fasse une bonne fin de saison.

Jean-Eric, je ne comprends pas pourquoi il n'a pas été choisi pour aller chez Red Bull. Ce n'est pas du chauvinisme. A un moment, il faut regarder. Daniel Ricciardo finit toutes les courses et il est plus régulier. Si on regarde les abandons de Jean-Eric, ce n'est pas de sa faute. Ce sont des casses mécaniques. Ça, malheureusement, le pilote n'y peut pas grand-chose. Si on regarde au classement de l'année dernière, il était devant Ricciardo et si on regarde cette année, lorsque Ricciardo a été choisi, il était devant son coéquipier. J'ai un petit peu de mal à comprendre mais après, il y a aussi une stratégie marketing de la part de Red Bull qui a choisi Ricciardo et ce dernier a un peu plus d'expérience. Pour eux, c'était normal de mettre Ricciardo. Je ne trouve pas que c'était si logique que ça. Jean-Eric est très bon, il n'y a pas de souci pour ça. Il restera chez Toro Rosso qui peut être aussi une bonne chose puisque Toro Rosso aura un moteur Renault la saison prochaine. Le moteur ne fait pas tout mais il aura une part importante la saison prochaine et Toro Rosso sera vraiment la petite sœur de Red Bull parce qu'ils auront le même moteur et ils pourront développer ensemble la monoplace. Ça peut être quelque chose d'important et il peut avoir l'occasion de se montrer comme l'avait fait à son époque Sebastian Vettel. Ce n'est pas pareil puisqu'à l'époque, la Toro Rosso était quasiment la copie de la Red Bull et là, ce ne sera pas le cas. Il pourra se montrer d'autant qu'on ne sait pas ce que va donner Ricciardo chez Red Bull. Il y a toujours des opportunités.

Pour Jules, à priori, il devrait rester aussi. Son manager a dit que rien n'était acquis mais qu'il devrait rester chez Marussia. Sauber, j'y crois moyennement après, tout peut se passer. J'y crois moyennement puisque chez Sauber, on nous a toujours dit et encore plus récemment en Italie, Monisha Kalterborn disait que Jules ne l'intéressait pas. Ça peut être du bluff mais en tout cas, il a dit assez ouvertement qu'elle ne souhaitait pas spécialement recruter Jules. Après, il y a une passerelle entre Sauber et Ferrari et peut-être que ça fonctionnera quand même. Sinon, il y a l'opportunité de rester chez Marussia ce qui lui fait de l'expérience.

Charles est chez Caterham. Il est bien puisqu'il est ambassadeur Renault grâce à Caterham. Les liens sont forts entre Renault et Caterham donc là, il ne devrait pas y avoir de souci pour Charles pour au moins rester chez Caterham. On sait que son entourage regarde ce qu'il se passe autour, si d'autres écuries sont intéressées. Le fait qu'il reste chez Caterham ne devrait pas être remis en cause.

L'année prochaine marque surtout le retour des V6 turbo, moteur disparu depuis plus de 20 ans. Que pensez-vous de ce changement? Est-ce une bonne chose pour la F1?

C'est une bonne chose déjà parce que ça va relancer l'intérêt que l'on peut avoir de la F1. L'année prochaine, ça va être une année neuve. On repart d'une page peut-être pas blanche mais pas loin de l'être donc ça va sûrement nous relancer le championnat. Et puis, c'était la volonté de Jean Todt. La Formule 1, on a toujours dit que c'était un laboratoire technologique pour la voiture de tous les jours c'est important qu'elle ne s'en éloigne pas trop non plus. Évidemment, c'est une monoplace, c'est une voiture de course, ça n'a rien à voir avec une Clio et ce ne sera jamais le cas, c'est évident et heureusement d'ailleurs même si je n'ai rien contre les Clio mais ce n'est pas le but. Rapprocher quand même la F1 des voitures de tous les jours, c'est quand même important et il y a le côté écologique aussi. On aura moins de moteurs à disposition. Il faudra plus s'en servir. Il y aura tout un tas de choses qui vont rentrer dans le règlement. Donc, oui, c'est important. Je pense que c'est une bonne idée. Après, il y aura quand même ce souci: c'est qu'il va coûter beaucoup plus cher, ce sera beaucoup plus compliqué économiquement pour les écuries et à une époque où elles ont beaucoup de difficultés, on le voit avec Williams, Sauber et Lotus. On voit bien que ça coûte cher. La plupart des équipes ont déjà arrêté le développement de la voiture de cette année pour passer complètement sur celle de l'année prochaine. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de nouveautés puisqu'elles peuvent essayer des choses qui serviront l'année prochaine cette année. Mais bon, c'est ce qui me fait dire qu'il y a un tapis rouge pour Sebastian Vettel cette année. Économiquement, c'est compliqué, il faut bien faire attention. Je pense que ça peut relancer l'intérêt du championnat.

Quelle course vous a le plus marqué depuis que vous suivez la F1?

Je vais en donner deux. La première, c'est un peu cocorico, c'est le premier podium de Romain Grosjean parce que pour moi, c'était la première fois que je voyais un pilote français sur un podium. C'était une course assez marquante. C'était à Bahrein l'année dernière. C'est une course marquante de voir monter sur le podium un pilote français. On n'a pas encore eu la Marseillaise mais ça faisait très longtemps que ça n'était pas arrivé. J'ai connu des années où l'on n'avait pas un seul pilote français. Le voir monter, c'était quelque chose d'intéressant même si la course en elle-même n'avait rien de spectaculaire.
Ensuite, j'ai une course qui m'a toujours marqué. Là, non plus, il n'y avait rien de spectaculaire mais c'est le Grand Prix du Canada en 2011 qui s'était couru sous la pluie et où on avait gardé l'antenne pendant plus de 4 heures parce qu'il y a eu une longue interruption. Depuis le règlement a changé ce qui fait que ça n'arrivera plus mais une très très longue interruption. Il y avait les balayeuses qui étaient arrivées pour enlever l'eau. Pendant plus de 4 heures, on avait gardé l'antenne. Il n'y avait pas grand-chose à dire parce qu'il n'y avait pas l'antenne mais c'était très sympa parce qu'on avait ouvert aux auditeurs le standard et ce qui permettait à chacun de réagir. On avait fait finalement une immense émission de 4 heures sur la Formule 1 et c'était intéressant. C'est aussi bien de voir finalement que la F1, même avec les années et c'est quelque chose qu'on ne peut pas changer, c'est les aléas climatiques et c'est toujours intéressant cette incertitude. On l'a eu à Monza. On ne savait pas s'il allait pleuvoir. Ça rajoute du piment aux courses.

Si vous deviez vous comparer à un pilote, vous seriez qui et pourquoi?

J'aime bien Mark Webber. Il ne faut pas le voir comme l'éternel numéro 2 parce que ce n'est pas le cas. C'est quelqu'un qui est assez ouvert et qui ne s'intéresse pas qu'à son sport. J'avais été frappé lors d'un Grand Prix en Allemagne, au Nürburgring, il y a deux ans où l'on était au restaurant avec quelques collègues et il était venu nous voir et on avait parlé vélo parce que c'était pendant le Tour de France. Il venait donner son avis sur le vélo, sur Cadel Evans à l'époque. Ça m'avait marqué parce qu'il venait nous demander des choses. C'est quelqu'un qui s'intéresse au rugby aussi. Il adore le rugby, il le suit énormément. Il a monté un bar même. Il suit beaucoup de choses et finalement la F1, ça l'intéresse, c'est son métier mais il est très ouvert sur ce qu'il se passe autour. Là, il est parti de la F1 puisque tout simplement, certainement, il ne s'amusait plus. Donc il est parti, il va faire autre chose, il va faire encore de la course automobile et c'est quelqu'un qui peut paraître froid mais qui est très sympathique.